Stylist

FILM ROMAIN DURCI

-

Il y a de quoi être un peu désorienté : la France d’en bas est plus que jamais au sommet du cinéma du milieu.

C ’est gris, c’est anonyme, c’est sur des gens qui sont pauvres, qui sont tristes. Le héros bosse dans une usine, il y a de la casse sociale, en plus il lui arrive un drame personnel car sa femme se tire. Au bout du compte, ça ne va pas méga mieux mais disons qu’il apprend à faire avec. On grossit un peu le trait mais quand on regarde le pitch de Nos batailles, il est assez fou d’observer à quel point ce qui fut pendant si longtemps la mauvaise caricature du cinéma français (une caricature qui n’existait pas réellement, une espèce d’épouvantai­l utilisé pour le dénigrer)

est aujourd’hui devenu une de ses plus fières têtes de gondole. C’est qu’entre-temps, Vincent Lindon est passé par là, et tout à coup autour de son visage taiseux et buriné, le réalisme ouvrier est sorti de son sommeil : il a trouvé des formes musclées, des pics d’intensité, il s’est débarrassé de son image de cinéma ennuyeux

et excluant, et surtout, il a rencontré massivemen­t le public – quasi un million pour La Loi du marché de Stéphane Brizé. Dans Nos batailles, Romain Duris endosse le rôle de Vincent Lindon, enfin, d’un délégué du personnel tentant de tenir debout, alors que la direction s’échine à saigner son équipe et que sa famille menace de voler en éclats. Trois mois après En guerre (notez le voisinage des titres), un certain paysage du Brizé-movie se dessine avec cette fiction hyper-réelle qui, elle aussi, tend à la France un miroir subtilemen­t déformant : le récit d’un prolétaria­t à la fois acculé et résistant, banal et sublimé, sans panache quoique quotidienn­ement héroïque, où chacun pourra à l’envi se reconnaîtr­e ou se fantasmer. On y retrouve un Duris à la dure, mal peigné et sans sommeil, un peu perdu de vue après une longue phase BCBG (qui lui a certes réussi, mais c’est bien de changer) ; deux seconds rôles impeccable­s (Laetitia Dosch de Jeune femme et Laure Calamy de Dix pour cent), et une France qui aime curieuseme­nt de plus en plus se regarder (Stéphane) brisée. T.R. Nos batailles de Guillaume Senez avec Romain Duris, Laetitia Dosch, Laure Calamy. 1h38.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France