3 QUESTION A JULIEN GOSSELIN
Le metteur en scène de théâtre le plus hypé de France frappe très fort avec Joueurs, Mao II, Les Noms, nouvelle adaptation littéraire mastodonte (près de huit heures) où se mêlent terrorisme, capitalisme et vie contemporaine.
Le point commun entre Bolaño, Houellebecq et Delillo, les trois auteurs que vous avez adaptés ? Ils ont accepté la chute de l’artiste. Ils reconnaissent que les terroristes, aujourd’hui, sont capables de produire des fictions bien plus puissantes qu’eux. Je suis happé par la question de l’actualité et la vitesse des nouvelles : la fiction a beaucoup de mal à être au même niveau d’intensité. Pourquoi continuer à raconter des histoires alors ? Je ne cherche pas vraiment à « raconter des histoires » ou à tenir les spectateurs dans un suspense à la 24 Heures chrono… pourtant, ça marche malgré moi : j’ai même été frustré que la durée ait été aussi bien absorbée dans 2 666, mon adaptation de Bolaño. Les spectateurs étaient happés car ils voulaient connaître la suite. Pourquoi faire aussi long ? Pour plonger les gens dans un monde. Qu’ils puissent vivre à l’intérieur du théâtre non comme un bâtiment mais un espace mental. C’est comme La Carte et
le Territoire de Houellebecq : établir une carte pour plonger les gens dans un territoire non balisé. La pièce dure huit heures, mais il n’y a pas d’entractes, les spectateurs entrent et sortent quand ils veulent.