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Des idées pour se coucher moins bête

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Constammen­t grimé (en zombie, en épouvantai­l, en démon à masque chirurgica­l dans les tabloïds), Jackson, ogre génial, ne s’est jamais inscrit nulle part : androgyne, mi-noir mi-blanc, adulte-enfant, répondant à toute la gamme des fantasmes occidentau­x. Roland Barthes appelait ça « le visage de Garbo », matière plastique sur laquelle la société se fantasme. Il n’y a pas de solution à l’énigme Jackson, seulement des projection­s. Le Grand

Palais questionne la boule à facettes à travers le regard de quarante-huit artistes. Ce déluge d’oeuvres baroques qui font se croiser King of pop et King of com (Andy Warhol, KAWS) reste l’aspect le moins inédit de MJ. Ce qui fascine davantage, c’est comment l’expo essaie de placer Jackson sur le spectre de l’avant-garde : Jackson avec son identité fluide appartient-il à la bonne époque ? Lorraine O’grady le compare à Baudelaire : le Français était le premier moderniste ; Jackson est le premier post-moderniste. Le premier post-racialiste aussi, avec les contradict­ions que ça implique. Comme l’écrit Zadie Smith, MJ incarne « la haine de soi, l’hypocrisie, et la violence contenues dans l’histoire de la race en Amérique ». « Si ce Dieu noir ne s’aimait pas, comment nous, ses enfants, aurions pu nous aimer ? », prolonge Ta-nehisi Coates. L’expo souligne les « manquement­s » de MJ à son africanité (le plus fort : un portrait de ce à quoi il aurait dû ressembler à 40 ans ). À l’heure des identity politics, où il importe d’être Black or White dans un monde ultra-polarisé, la question a son importance. Mais Michael Jackson n’est pas un héraut noir. Ni un héraut blanc d’ailleurs. Il ne correspond pas plus à 1988 qu’à 2018. À l’image du tableau de Kehinde Wiley qui peint Michael à la manière de Rubens, Michael Jackson reste à la croisée des genres. La dernière oeuvre, une vidéo où seize fans allemands chantent a cappella Thriller, rappelle avant tout son universali­sme. Pas si bad. M.C. Michael Jackson : On the Wall, Grand Palais, 3, avenue du Général-eisenhower, Paris-8e, jusqu’au 14 février 2019.

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