FUNNY GAMES
Mais dans sa quête perpétuelle de vous faire acheter des produits au rabais – une paire de chaussures qui ressemblent à s’y méprendre aux Speed Trainers de Balenciaga (et ce même si Lehrman affirme avoir « mis en place de nombreuses dispositions et procédures afin d’empêcher l’apparition des produits contrefaits sur la plateforme ») –, wish.com ne s’est pas arrêté à la construction
d’une interface imbitable. « Il y a de toute évidence des éléments dans le design de la plateforme qui ont été fréquemment évoqués dans la recherche scientifique menée sur les processus de ludification », explique Mikolaj Dymek, professeur à la Mid Sweden University et co-auteur de The Business of Gamification : A Critical Analysis (Routledge, 2016). Parmi ces procédés pour faire de l’achat une partie de Candy Crush : les points bonus (les « lifetime points », le « Wish Cash » – du crédit Wish gratuit, que les utilisateur.rice.s peuvent gagner sur la plateforme),
les programmes de fidélité et de récompenses (« Daily Login Bonus Stamps », des timbres qu’un.e acheteur.euse potentiel.le peut collecter en se connectant plusieurs jours de suite), et des éléments graphiques qui empruntent au jeu comme le « Blitz Buy » – une roue de la fortune qui promet sous la forme d’un pop-up un poil agressif des ventes flashs et des réductions temporaires à ne surtout pas rater. Le chercheur affirme d’ailleurs que « Wish expérimente de façon plus agressive que ses concurrent.e.s, et donne l’impression de tester simultanément chacune des nouvelles stratégies d’expérience utilisateur.rice qui existent ». Dans son article pour Vox, la journaliste Hilary George-Parkin expliquait que l’idée derrière la plateforme était très simple : là où Amazon avait favorisé l’achat ciblé en développant une barre de recherche sophistiquée, l’idée derrière Wish était de reproduire en ligne l’expérience d’un centre commercial où, en se perdant parmi les boutiques et les rayons, on était plus susceptible d’acheter (ne faites pas semblant, vous voyez de quoi on parle). Un mode de fonctionnement qui n’est pas sans effet pervers, comme le constate Hélène Gorge, maîtresse de conférences à l’université Lille 2 et co-autrice de Marketing et pauvreté : être
pauvre dans la société de consommation (EMS, 2017) : « Ces sites représentent d’une certaine manière le fonctionnement même de la société de consommation : susciter des désirs permanents – et ici accessibles de surcroît – pour inciter à consommer dans un cycle sans fin. Et ces bazars ciblent des populations plutôt vulnérables ou désavantagées, qui ont peu de ressources financières. » Comme en leur temps Gifi, Babou ou La Foir’Fouille, dont Wish reprend à peu de différences près le modèle en ligne.