SOUS LES PAVÉS LE CLOUT
Fin novembre, le collectif chilien Las Tesis organisait devant le ministère des Droits des femmes à Santiago une manif qui allait faire le tour du monde: des dizaines de femmes dansant, yeux bandés, et scandant un texte dénonçant la culture du viol. Fin octobre, la vidéo d’un orchestre jouant El pueblo unido jamás será vencido sur une place de la ville devient virale. Depuis des mois, « l’ingéniosité » des manifestant.e.s hongkongais.es est mise en avant sur le Net. Le conflit social est-il en plein pic de créativité ? Pour Kathleen Rodgers, professeure de sociologie politique à l’université d’ottawa et autrice de Protest, Activism and Social Movements (Oxford, 2018) : « Une manifestation efficace, c’est une performance. Parce que dans leur nature profonde, les militant.e.s sont des outsiders. Leur pouvoir n’est ni politique ni financier, mais créatif. La contestation peut être performée par la violence, en vandalisant des symboles du pouvoir. Dans le cas de Las Tesis, elle prend la forme d’un spectacle qui attire plus l’attention qu’une manif traditionnelle. Parce que nous sommes noyé.e.s sous l’information et les médias sous les actualités à traiter, les militant.e.s entrent en compétition pour capter leur attention. Par ailleurs, on voit de plus en plus de manifestations pensées pour les réseaux sociaux. Les journalistes ne sont plus le seul moyen de communiquer pour les militant.e.s, qui créent donc des événements hautement visuels, conçus pour Instagram et pour Twitter.»