ALLER PLUS HAUT
Malick, depuis dix ans, c’est une histoire d’ascenseur. L’ascenseur du profane et du sacré – va-et-vient perpétuel entre le rendu vibrant des sensations terrestres (mains dans les blés, tout ça) et celui des appels venus du ciel (soleils rasants, voix off mystiques). Mais aussi ascenseur émotionnel, sa puissance épiphanique ayant dévalué jusqu’à devenir une pataugeoire de gimmicks faite de caméra-épaule, de jeux d’eau, d’accolades improbables et de cueillette de fruits des bois. Or ce mauvais esprit, cette envie grandissante de se moquer du plus spirituel des cinéastes américains, il faut s’en débarrasser pour aller voir son nouveau film. Non pas que Malick abandonne son langage – simplement il ne l’a sûrement pas aussi gracieusement parlé depuis Tree of Life. Une vie cachée raconte l’histoire (vraie) d’un objecteur de conscience autrichien de la WWII : un paysan né entre une montagne et un nuage, qui n’aurait vécu que d’amour, d’eau fraîche, de joies familiales et de labeurs pastoraux, si la conscription ne l’avait forcé à s’engager sous la bannière gammée – ce qu’il refusera quitte à en payer le plus fort des prix. C’est l’histoire d’un paradis dont on descend mais qu’on emporte avec soi pour supporter l’enfer – donc le sujet parfait pour Malick. Et l’occasion de lui reconnaître, quand bien même son panthéisme tonitruant n’est jamais à l’abri de la caricature, qu’il est bien le dernier à s’acharner à revendiquer la grande forme, et la croyance. Amen. T.R. Une vie cachée de Terrence Malick avec August Diehl, Valerie Pachner, 2 h 53.