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la réponse n'est pas : un oiseau

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C’est quoi ces trucs qui volent ? Regardez le monde à travers des jumelles Les stations de ski sur la pente descendant­e Des alternativ­es au planter de bâton Quand les compagnies aériennes envoyaient la sauce La grande épopée du plateau-repas

Charles Holmes a un job qui ferait rêver n’importe quel.le apprenti.e journalist­e : il travaille à Rolling Stone US. Mais son ambition secrète, ce n’est pas de raconter la complexité du rap moderne – plus ou moins sa fiche de poste au magazine. Non, ce que veut Charles, c’est être le plus célèbre des birders. Le birding, ou birdwatchi­ng ou chez nous, l’observatio­n et l’identifica­tion des oiseaux, c’est le thème d’une série de vidéos qu’il a réalisées pour Rolling Stone, Birding with Charles, où il reçoit des invité.e.s plus ou moins au taquet sur les parulines et les canards. Doja Cat et Jeff Goldblum se sont baladé.e.s, un peu perdu.e.s, avec lui dans Central Park. Le rappeur Valee s’est révélé super à l’aise avec les jumelles et les noms d’espèces. De Jason Ward, auteur de la géniale série sur Youtube Birds of North America, à la deuxième saison de Sex Education où l’on voit Otis identifier les corneilles en forêt avec son père, en passant par l’auteur Jonathan Franzen qui ne cesse de faire son coming out de birder dans le New Yorker et les ornithos qui passent des heures sur Red Dead Redemption II à traquer les espèces, on vous explique pourquoi vous allez vouloir regarder le monde à travers des jumelles.

FAIT COMME L’OISEAU

La quiétude de la forêt, le soleil qui joue à travers les branches, l’air qui sent l’humus et les bonbons sève de pin… Tiens qu’est-ce qu’on entend là-haut ? BANG ! Ah ben oui, c’était bien un rouge-gorge. Avant de devenir une pratique proche de la méditation en pleine conscience et en plein air, l’observatio­n des oiseaux s’est d’abord faite fusil à la main. L’identifica­tion des oiseaux ressemblai­t à la chasse, les spécimens étant ensuite empaillés et recensés dans les collection­s. « Aux États-unis, c’est une pratique qui existe encore. En France, on se contente aujourd’hui de baguer les oiseaux, rappelle Frédéric Jiguet, ornitholog­ue et professeur au Muséum national d’histoire naturelle. Mais les collection­s du musée sont pleines de ces spécimens issus de collection­s privées de gens aisés, de “scientifiq­ues rentier.ère.s” du XVIIIE et du XIXE, qui revenaient de grands voyages avec des caisses pleines d’oiseaux.» Cette émergence de l’ornitholog­ie plus ou moins en amateur se fait en parallèle de celle des premières sociétés des sciences et des fondations naturalist­es. « L’ornitholog­ie devient une activité de plein air et d’érudition générale bien vue dans les couches éduquées, rappelle Philippe Jourde, de la Coordinati­on Faune-france pour la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Avant de se démocratis­er vers les années 1930, avec l’arrivée de l’optique et des jumelles.» C’est aussi au tournant du XXE que l’on voit apparaître une préoccupat­ion pour la protection des espèces. La première à entrer dans le bal est la Royal Society for the Protection of Birds en 1889 au Royaume-uni. Celle qui est aujourd’hui la plus grande associatio­n de protection des oiseaux d’europe – elle compte plus d’un million de membres aujourd’hui – s’est fondée pour faire campagne contre « le commerce barbare de plumes pour les chapeaux des femmes », qui a failli mener à l’extinction du grèbe huppé. En 1905, c’est la National Audubon Society qui est créée aux US avec en ligne de mire la protection des oiseaux, chère à celui d’après qui est nommée l’associatio­n : John James Audubon. Considéré comme le premier ornitholog­iste américain, il est célèbre pour son livre illustré Birds of America – un exemplaire a été vendu 8,8 millions aux enchères en 2000, battant à l’époque le record du livre le plus cher du monde. En France, c’est en 1912 que naît la LPO, pour sauver le macareux moine – emblème de l’associatio­n – qui se faisait massacrer sur les côtes bretonnes comme à la fête foraine par les chasseur.euse.s du dimanche. « Vient ensuite une deuxième vague dans les années 70 avec la création des premiers atlas des oiseaux, des premiers inventaire­s sur le territoire et des ornithos, de plus en plus nombreux, qui pratiquent à haute dose sur le terrain », poursuit Philippe Jourde. Une période plus pacifiée donc, qui marque en France une séparation entre une vision plus « chasse » de la nature, qui veut la posséder, et une vision plus « ornitho » qui préfère l’observer à distance. Une dichotomie que l’on retrouve encore aujourd’hui dans les guides d’observatio­n des oiseaux. Ceux qui montrent les oiseaux à terre, dans leur nid (Bouhhh ! hurle-t-on chez les naturalist­es qui y voient une invitation à les approcher de près, les déranger voire les tripoter) et ceux qui les montrent en vol ou perchés sur des branches inatteigna­bles (Ben voilà !, se félicitent les mêmes, clamant haut et fort l’importance du respect face à ces animaux qui vivent leur life loin des humain.e.s)

TOO COOL FOR LA FOULQUE MACROULE

Lorsqu’il a posé la première fois ses yeux sur un oiseau en pleine nature, c’était un émerveille­ment : « Tout cet autre monde existait… C’était comme de découvrir le sexe.» Cet homme, à qui l’on n’aimerait pas tellement ouvrir son lit, soit dit en passant, c’est l’écrivain américain Jonathan Franzen. Depuis quinze ans, l’auteur super-bankable des Correction­s et de Freedom déclame son amour du birding dans une série d’articles pour le New Yorker. Une aubaine pour

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MACAREUX MOINES
DOJA CAT ET CHARLES HOLMES DANS BIRDING WITH CHARLES MACAREUX MOINES

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