Tampon!

GUY LA CASTAGNE

Et dire qu’il aurait pu ne jamais jouer au rugby… Aujourd’hui, Guy Novès doit redonner vie et envie à un XV de France jamais tombé aussi bas. Entraîneur et manager le plus titré de l’histoire avec le Stade Toulousain, il s’attaque, à 62 ans, à ce qui ress

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“Quand j’ai refusé l’équipe de France en 2011, c’était par rapport à ma fille Julie qui terminait ses études, mon père âgé qui ne voulait pas que je parte, le Stade qui avait été averti au dernier moment et n’était pas organisé du tout. J’ai passé 40 ans dans ce club, tu ne peux pas planter tout le monde. Ma femme avait encore du boulot à l’hôpital. Là, elle a presque fini, Julie travaille, mon père est mort. Maintenant, quand je m’en vais, il ne reste que le chien à la maison.” Guy Novès aura fêté ses 62 ans le 5 février, à la veille de son premier match comme sélectionn­eur face à l’italie ; l’âge de la retraite, l’âge des balades en forêt de Bouconne avec son jeune berger allemand de 5 mois dont il parfait encore l’éducation, l’âge aussi de profiter de ses premiers petits-enfants. Mais, quand un journalist­e a souligné qu’il était le premier sélectionn­eur grandpère, la remarque ne l’a pas trop amusé. Peut-être en raison du sous-entendu. Il serait trop vieux pour la fonction, plus en phase avec la génération actuelle, il aurait dit oui trop tard. Luimême pensait que le train bleu ne passerait pas une seconde fois. “Je me suis dit: ‘C’est passé, c’est fini.’ Ça s’est représenté.” Et il est monté. Depuis, il découvre une nouvelle vie avec ses longs mois sans match ni odeur de vestiaire, les week-ends à manger du rugby devant la télé pour observer les internatio­naux, ses contrainte­s comme le port du costume-cravate –lui qui ne jure que par l’associatio­n jean/t-shirt–, sans parler des allers-retours à Paris qu’il goûte modérément. “Hier, j’étais tout seul dans ma chambre à Orly, je me suis fait chier”, souffle-t-il de retour chez lui, dans cette maison construite de ses mains 30 ans plus tôt, à la sortie de Pibrac, au nord-ouest de Toulouse. Pendant que le chien gratte à la baievitrée, le maître attrape son ordinateur sur lequel on aperçoit une icône de dossier “Projet de jeu équipe de France V6”. Novès clique à côté: sur une vidéo de corrida affichée sur le bureau. Au milieu du salon, il se lève et reproduit la scène. “Regardez, on voit le taureau choper le torero, il le fait valdinguer et le chope à la tête. Le mec n’est pas bien, et là, on voit trois types qui arrivent, ceux qui sont chargés d’attirer le taureau. Les trois se mettent autour de lui, au sol. Ils forment comme une coquille, le taureau charge et ils se font encorner pour protéger leur ami au sol. Je ne sais pas si ça vous parle. Quand on parle de solidarité... Là, ça va encore plus loin.” Le nouveau sélectionn­eur pense exploiter cette vidéo. Histoire sans doute d’enfoncer un message qu’il martèlera à ses futurs joueurs. “J’ai prévenu: ‘Vous risquez, quelque part, de laisser la peau sur le terrain. Si vous êtes d’accord avec ça, vous pouvez revenir. Si vous ne l’êtes pas, restez chez vous.’”

Petits-fils de réfugiés espagnols

Le ton est donné et tranche déjà avec celui de son prédécesse­ur. Pendant quatre ans, Philippe Saint-andré a porté tous les malheurs du monde sur son visage, comme si chaque avion qui s’écrasait tombait sur ses pieds. Guy Novès, lui, n’est pas homme à subir. Il faut comprendre qu’il exècre la défaite au point d’en être un mauvais perdant presque pathologiq­ue. Son ancien adjoint à Toulouse et ami de 30 ans Philippe RougéThoma­s sait de quoi il en retourne depuis qu’il l’a battu en vélo lors d’un stage d’avant-saison dans les Pyrénées, transformé en étape du Tour de France. “On faisait la course entre Laruns et Eaux-chaudes. Ce que je ne lui avais pas dit, c’est que je m’étais entraîné tous les jours pour ça, en rigole l’ex-ouvreur. Je l’ai battu trois fois, la dernière fois en me jetant sur la ligne. Le maire de la ville lui avait dit: ‘Je vous ai vu tricher en coupant à travers la place.’ Le soir, à l’hôtel, les joueurs avaient organisé une cérémonie de remise des maillots: j’avais eu le jaune, le vert et le maillot à pois. Guy bouillait.” Sur un vélo, au bord d’un terrain ou même dans une discussion, Novès bout souvent et a∞che le visage fermé de celui qui ne lâche jamais rien. Le personnage en impose, inquiétait mêmes certains internatio­naux au moment de sa nomination, mais il n’a pas prévu pour autant de changer avec la fonction. “Il ne va pas inventer un personnage parce qu’il est sélectionn­eur, il ne se pose même pas la question”, prévient son ami Jean-michel Rancoule, que Novès a invité dans le comité de suivi du XV de France. L’ancien ailier, arrivé sur le tard au rugby, n’aurait donc pas bougé d’un iota en 40 ans de carrière? “Il s’est assagi, nuance son grand ami Claude Hélias. Il était capable de démarrer au quart de tour. Aujourd’hui, il accepte la contradict­ion.” Jean-claude Novès, grand frère et voisin, en doute un peu. “Guy est toujours le même, et j’ai peur que l’âge avançant, il ne soit encore plus exigeant. C’est peut-être son seul défaut: il a du mal à comprendre que tout le monde ne soit pas comme lui.” Sans doute parce qu’il suit la même grille de lecture depuis le début. La sienne, celle de sa famille où les mains calleuses trahissent la condition ouvrière, celle d’un petit-fils de réfugiés espagnols qui a grandi dans une France des Trente Glorieuses où tout paraissait possible –selon lui– si on s’en donnait la peine. “Le monde est plus dur aujourd’hui, il y a moins de boulot, c’est certain, les jeunes sont plus découragés. Mais à la fin, on n’a que ce qu’on mérite”, lâche celui qui a le coeur et le bulletin à droite.

Mais comment mérite-t-on de devenir l’entraîneur le plus titré (dix Brennus et quatre Coupes d’europe), le plus respecté, mais aussi le plus craint du rugby français? L’histoire débute à Toulouse, dans le quartier populaire de Saint-michel, où les grands-parents républicai­ns posent bagages après la fin de la guerre civile. “Ils venaient d’un petit village, Reus, près de Barcelone je crois. C’est très loin dans ma mémoire, j’ai dû y aller une seule fois quand j’étais tout petit. Je revois une porte, de la terre, un truc d’un autre monde.” Pas de nostalgie du pays ou d’envie de retour, “c’était un aller simple, mes parents sont français, on parlait français à la maison”. De ses racines, il garde surtout le souvenir de sa grand-mère, toujours habillée en noir –“une caricature de mamie espagnole qui mélangeait les deux langues”–, mais aussi du souffle court d’un grand-père, ancien mineur. “Il avait de l’asthme, il s’étouffait, le pauvre. Un jour, en rentrant du boulot, mon père l’a découvert pendu et il a dû le décrocher. Il ne supportait plus de s’étouffer. On a ensuite récupéré notre grand-mère chez nous, c’était une époque où on ne laissait pas partir les anciens en maison de retraite.” Plus qu’une famille, les Novès forment un clan, à en croire JeanClaude. “On est une famille très unie, on partage nos joies et nos peines. Et il ne faut surtout pas toucher à un membre. Sinon…” À la maison, on entend surtout la voix d’andrée, la mère,

“Guy est toujours le même

et j’ai peur que, l’âge avançant, il ne soit encore plus exigeant. C’est peutêtre son seul défaut: il a du mal à comprendre que tout le monde ne soit pas comme lui” Jean-claude Novès,

le grand-frère

secrétaire de direction, la famille”, selon Guy. Raymond, le père, travaille lui comme électricie­n à la régie des transports de la ville –“l’ouvrier type jamais malade”–, c’est un homme calme, aimant, mais aux colères aussi rares que craintes. “Je n’ai pas pris beaucoup de tartes, mon frère Jean-claude, oui. Je l’ai vu glisser dans la pièce.” Mais c’est davantage chez la maman qu’il faut chercher le caractère du fils cadet. “Elle gérait la maison et était assez directive. Guy tient beaucoup d’elle”, observe Christian Gajan, camarade d’études avec qui Novès commencera plus tard sa carrière d’entraîneur. “Elle venait à tous ses matchs, poursuit Serge Gabernet, arrière et capitaine du Stade Toulousain au début des années 80. Elle était toujours à la même place et, parfois, on l’entendait crier contre l’arbitre ou les adversaire­s.”

“J’ai même fait une émission

avec Michel Drucker”

Les parents s’entendent sur un point: la pratique du sport pour leurs deux fils. Alors, le dimanche, ils emmènent en voiture leurs enfants et les copains du quartier à la campagne pour courir et taper dans un ballon. “Le sport a

“J’étais un mec de la rue, je me bagarrais souvent. J’étais turbulent. Ça ne veut pas dire que je gagnais tout le temps”

Guy Novès, du quartier Saint-michel

toujours fait partie de notre éducation, on a le chromosome du sport dans la famille. On commence à prendre du plaisir quand on commence à avoir mal aux jambes”, se souvient Jean-claude. Aujourd’hui encore, le petit frère affiche une silhouette de jeune homme. À l’époque, le père préfère le foot, qu’il pratique. Le fils suit. “Je me revois tenant la main de mon père, partir voir le TFC, il y avait une équipe cohérente à l’époque. On habitait à cinq minutes à pied du Stadium. J’aurais pu faire une carrière dans le foot, j’étais tout le temps le ballon au pied.” Si la mère surveille de près les devoirs, dehors, les frères Novès sont du genre dissipé. “J’étais un mec de la rue, je me bagarrais souvent, avoue Guy. J’étais turbulent. Ça ne veut pas dire que je gagnais tout le temps. C’était une autre époque. Aujourd’hui, vous montez dans les tours, vous pouvez prendre un coup de couteau, on incite nos enfants à fermer leur gueule et à partir en courant.”

Si l’adolescent court, ce n’est donc pas pour fuir les bagarres, mais par un goût de l’effort déjà bien affirmé. C’est un passeport pour une carrière dans l’athlétisme. À 13 ans, il rejoint le TCMS (Toulouse Cheminots Marengo Sports) où son grand frère alterne entre le XIII et le sprint. Guy opte lui pour le demifond et effleure la victoire dès son premier cross. Presque un demi-siècle plus tard, il garde encore la deuxième place amère. “L’arrivée se faisait sur cette piste, à côté du Stadium. Je rentre en tête, je lâche les chevaux pour distancer le gars derrière. Sauf qu’à 50 mètres de l’arrivée, on me dit: ‘Il y a un tour entier à faire.’ Là, je me fais prendre, j’étais cuit. Le mec s’appelait Falgera. Quinze jours après, aux championna­ts des Pyrénées, je le retrouve et là, je l’ai tué. Je me suis entraîné entre-temps.” Le galopeur de Saint-michel enchaîne alors les victoires et les records. Il se fait une réputation. “J’ai même fait une émission avec Michel Drucker à Hossegor sur la piste en herbe. Il y avait Michel Jazy. On m’a sélectionn­é en tant que meilleur cadet, je galopais derrière leur voiture, ils avaient placé une caméra pour me filmer.” De sa carrière de demifondeu­r, il conserve toujours le record de France cadets du 1 200 mètres (distance aujourd’hui disparue) en 3’06’4’, le 4 juillet 1971. “Les spécialist­es disaient que j’étais promis à une grande carrière sur 5 000 mètres. Si c’était à refaire, je referais pareil, mais je regrette un petit peu de ne pas savoir quel niveau j’aurais pu atteindre comme coureur.”

À l’origine de ce (petit) regret, il y a l’année 73. Le jeune bachelier prépare le concours d’entrée au CREPS de Toulouse afin de concilier sa carrière d’athlète et son aspiration à devenir professeur d’éducation physique, un horizon qui l’aimante depuis son enfance. “Mes parents louaient deux chambres à des jeunes étudiants futurs profs de gym. Mais ma mère est tellement maternelle qu’elle s’occupait d’eux, elle les faisait dîner. Ils étaient tout le temps avec nous. J’avais 10 ans, j’étais tout le temps avec ces types de 20 ans. Ça a germé en moi. Ça me paraissait une vie chouette.” Un dimanche matin, le destin décide de lui mettre un ballon ovale entre les mains. “Je suis au TCMS à courir comme tous les dimanches et l’équipe de rugby doit se barrer dans l’aude pour un match pas simple. Je ne me souviens plus du niveau, deuxième division, troisième. Il leur manque un mec. Un type vient me voir et me demande si je ne veux pas venir pour dépanner. Je suis parti avec eux, j’ai marqué trois ou quatre essais. Je galopais, je contournai­s les types, je faisais 10,6 secondes au 100 mètres. Personne ne courait aussi vite. Je ne savais pas jouer au rugby, mais j’étais adroit. Et après, il fallait quand même m’attraper...” Le demi-fondeur a chopé le virus et signe une licence au Stade Toulousain dans la foulée. Au concours d’entrée du CREPS, il présente rugby comme sport collectif mais récolte un pauvre 6/20. L’élève Novès livre son explicatio­n. “Comme tous les mecs jouent leur note, ils ne te filent pas les ballons. Et comme tu joues ailier et que tu ne sais pas jouer, tu cours. Ils m’ont vu courir et m’ont filé 6 pour ne pas mettre 0.” Une note qui ne l’empêchera pas de terminer major de promo et de chambrer pendant des années un de ses examinateu­rs, Robert Bru, prof au CREPS et son futur entraîneur au Stade Toulousain.

Fâché, il claque la porte

des Bleus

Malgré ses manques, le nouveau venu grille les étapes. D’abord en réserve, puis avec la grande équipe du Stade à la suite d’une série de blessures. “Les entraîneur­s me prennent à Tulle, on fait match nul, derrière, j’ai été titulaire pendant treize ans”, résume-t-il. “Quand il est arrivé, il nous a pas mal emmerdés, balance avec tendresse Serge Gabernet. Il courait beaucoup et il nous en faisait baver lors des footings, on se demandait: ‘Mais c’est qui ce type?’ Niveau rugby, disons qu’il avait quelques notions, mais il a vite compris.” L’ancien du TCMS n’est pas le premier transfuge de l’athlétisme, “sauf que les autres sprinteurs étaient terrifiés sur un terrain, resitue Jean-claude Skrela, son illustre coéquipier alors. Pas Guy, c’est une question de tempéramen­t.” Très vite, il devient incontourn­able, à une époque où Toulouse mange son pain noir. Le club attend un titre depuis 1947. Pire encore, il ferraille pour le maintien en 1976 jusqu’à la dernière journée, malgré les Skrela, Jean-pierre Rives ou Walter Spanghero dans son effectif. Les rouge et noir s’inclinent à Valence mais sauvent leur tête grâce au match nul providenti­el de Perpignan face à leur adversaire direct, Tulle. Un épisode que Novès, devenu manager, a toujours mis en lumière. “Il me semble qu’à cette époque-là, le Stade Toulousain n’était pas un grand club. Si on évoque l’histoire, on s’aperçoit que c’est très compliqué de gagner et ce qu’on a fait avec tous ceux qui sont passés par le club depuis les années 1980, c’est phénoménal. Ça ne veut pas dire que ça va durer non plus. Il ne faut pas insulter les gens en ce moment et faire des comparaiso­ns avec ce qu’on a fait durant un certain temps. Il faut connaître ses racines, on pourrait ne plus exister si on n’avait pas été sauvés par d’autres. Le Stade serait tombé un étage en dessous, ne plus avoir de moyens, voir ses joueurs partir comme cela s’est passé au Toec (l’autre club de Toulouse à l’époque, ndlr).”

“Les spécialist­es disaient que j’étais promis à une

grande carrière sur 5 000 mètres. Si c’était

à refaire, je referais pareil, mais je regrette un petit peu de ne pas savoir quel niveau j’aurais pu atteindre comme

coureur” Guy Novès, l’ancien demi-fondeur

Sur le terrain, l’ascension du joueur est vertigineu­se. Moins d’un an après ses débuts, l’ailier part galoper en équipe de France. Si une entorse de la cheville le prive du Grand-chelem de 1977, il participe à la victoire en novembre de la même année face aux Blacks, à quelques hectomètre­s de la maison familiale, au Stadium. Mais la lune de miel avec les Bleus ne dure pas. La faute peut-être à un caractère déjà bien affirmé. “Une fois, à l’aéroport avec mon copain Daniel Bustaffa, l’autre ailier de l’équipe, on s’était promenés avec un panneau ‘On veut des ballons’. On trouvait qu’on n’en touchait pas assez. Ça n’avait pas été bien pris.” L’entraîneur Fernand Cazenave goûte peu l’irrévérenc­e et menace de le renvoyer. “On était dans le rugby amateur, on prenait 13 francs par jour, alors il m’est arrivé de sauter par la fenêtre et d’aller en boîte. Évidemment, on se faisait engueuler, ce qui est normal, mais on ne le vivait pas bien.” En 1979, il claque la porte du XV de France après une incompréhe­nsion de trop avec le comité de sélection. “Contre la Roumanie, on me demande de remplacer Gourdon blessé et de jouer à droite, alors que j’ai toujours évolué à gauche. On gagne mais je ne suis pas très bon. Le tournoi démarre, Gourdon revient, on garde Averous à gauche et on me laisse à la maison. Je suis impulsif, mais ils auraient pu m’appeler. Je rends service et je me fais baiser.” Sa carrière internatio­nale bloque à 24 ans à sept petites sélections, mais sans regret. “Je faisais mes études, je jouais au Stade, au bout d’un moment, je me suis dit: ‘J’arrête, j’en ai marre de ces histoires, je vais prendre du plaisir avec mes copains au club.’” Surtout qu’une nouvelle ère s’annonce à Toulouse avec l’arrivée de Rober Bru à la tête de l’équipe. En 1980, les Haut-garonnais défient en finale le grand Béziers, dont le pack de mammouths écrase le rugby français. La défaite est courte –10-6– et difficile à digérer pour Novès. “On prend un essai parce que je loupe Michel Fabre. Je suis planqué derrière un regroupeme­nt, je ne le vois pas sortir et je suis pris.” Vexé aussi. “Guy était comme un fou, il le cherchait partout sur le terrain, il voulait le crever, exagère à peine Gabernet. Il faut parler avec ses adversaire­s, ils vous diront que c’était un con.” Ce qui sonne comme un compliment.

“Guy n’aime pas les beuveries, il aime garder le contrôle. Il n’aime pas les gens bourrés parce que ça détruit. En soirée, ce n’est pas quelqu’un qui va appeler tout le monde

‘mon ami’” Philippe Rougé-thomas, ancien coéquipier et adjoint

Même un pilier de métier comme Claude Portolan souligne les qualités de combattant de celui qui deviendra son entraîneur. “Quand les ailiers en face affrontaie­nt Guy Novès, je peux vous dire qu’ils n’étaient pas contents. Et puis, il était le premier à venir cogner quand il y avait une bagarre générale, il ne faisait pas la queue.”

“Le mec tombe comme une palombe

à la chasse”

À Toulouse, où même “les mémés aiment la castagne” comme dit la chanson de Claude Nougaro, ce sont les arrières qui cognent, à en croire Gabernet. “Il y a une photo d’un match à Mazamet où nous, les trois-quarts, on est en train de se battre, alors que nos avants sont planqués derrière. Disons qu’on avait de la personnali­té. Les arbitres ne disaient rien à l’époque quand il y avait un marron qui partait. Pour être expulsé, il fallait mettre un coup de pied dans la tête d’un mec au sol. Guy a dû prendre deux, trois rouges.” Le principal concerné en recense même quatre, le plus marquant contre Béziers, lors d’un huitième de finale retour, en 1983. “On les domine, on va gagner, on sent qu’ils sont fragilisés, revit-il. Dans un regroupeme­nt, je prends les doigts de Palmié dans les yeux. Il n’y a rien de plus horrible quand vous êtes dans un regroupeme­nt. Je dégoupille complet. Je saute sur Jean-paul Medina, l’ailier qui jouait en face. On se retrouve sur la piste. Tout le monde s’arrête et nous, on continue à se frapper comme des idiots. Moi particuliè­rement. L’arbitre nous file deux rouges. Ça a tout foutu en l’air, je faisais partie des joueurs qui pouvaient faire basculer un match.” Le joueur est sanguin. Et pas seulement sur la pelouse. Parfois, il lui arrive de grimper dans les tribunes pour s’expliquer avec un spectateur qui a eu le malheur de lui servir un nom d’oiseau. Serge Gabernet paye son anecdote. “Je me rappellera­i toujours d’un match à Agen contre Bayonne. Toute la soirée, on se fait insulter – faut dire que les Toulousain­s, à Agen, on n’était pas trop aimés. En sortant des vestiaires, il y avait un Agenais dans les arbres, il avait regardé le match. Le type devait être à une quinzaine de mètres de nous, de l’autre côté du grillage, et il nous insultait tant qu’il pouvait. Alors, avec Guy, on ramasse des cailloux pour le canarder. On finit par le toucher et il tombe comme une palombe à la chasse. Je pense qu’il a dû avoir un peu mal, mais il s’est vite relevé pour partir en courant.”

En dehors du terrain, aussi, Guy Novès assimile les moeurs et coutumes du rugby. Après quelques mois d’adaptation, il s’initie aux joies de la troisième mi-temps et emmène les copains en virée à bord de sa Toyota Celica GT. “Joueur, Guy, c’était un drôle de vicelard, il savait bien s’amuser”, compliment­e Claude Portolan. “Attention, on faisait la bringue, mais tous ensemble, précise l’intéressé. On allait jouer au billard dans un bar sur le bord du canal du Midi. Jusqu’à une heure du match, on était au billard.” Fêtard oui, buveur, un peu, mais avec modération, assure Philippe Rougé-thomas. “Guy n’aime pas les beuveries, il aime garder le contrôle. Il n’aime pas les gens bourrés parce que ça détruit. En soirée, ce n’est pas quelqu’un qui va appeler tout le monde ‘mon ami’. Il a ses amis depuis des années, ce n’est pas une girouette.” Niveau coeur non plus. Novès retrouve et épouse Françoise, son grand amour de jeunesse, étudiante en médecine, mère d’un petit Vincent qu’il adoptera plus tard. Le jeune marié termine alors ses études pour devenir prof de sport. Le Stade tient d’ailleurs du repère estudianti­n, ce qui n’est pas qu’un avantage pour prolonger les soirées. “On disposait de davantage de temps libre pour s’entraîner que si on avait eu un boulot, souligne Rancoule. On a été les premiers à passer à quatre séances par semaine.”

“Jamais voulu être entraîneur

de rugby”

Alors que Jean Fabre accède à la présidence et donne des outils profession­nels à un club qui fonctionne surtout au bénévolat, Pierre Villepreux prend le relais de Robert Bru et développe la théorie du jeu en mouvement initiée par René Deleplace quelques années plutôt. Jean-claude Skrela le rejoint la saison suivante pour former le duo à l’origine de ce que l’on appellera le jeu à la toulousain­e. “On était en rupture avec le jeu qui donnait des résultats à l’époque, celui de Béziers, resitue Villepreux. On donnait de la liberté aux joueurs, on misait sur leur intelligen­ce.” Cette chère “intelligen­ce situationn­elle” avant-gardiste à laquelle Guy Novès souscrit avec gourmandis­e. “Comme quelques autres, il était prof D’EPS, et ça nous aidait à développer cette approche théorique. Il était rapide, bon relanceur et correspond­ait au jeu que je souhaitais mettre en place.” En 1985, les hommes de Villepreux et Skrela soulèvent enfin ce bouclier de Brennus après une finale d’anthologie contre Toulon, remportée en prolongati­on. Barbu et le cheveu long, Novès allume quelques mèches et ose même un drop dans les dernières minutes. Trois décennies plus tard, Jean-michel Rancoule se tient encore les côtes. “Il le tente à 30 mètres des poteaux depuis son aile gauche, et le ballon termine à droite, sur mon aile, à l’entrée des 22 mètres. C’était un précurseur, celui qui a réalisé la première passe au pied du rugby, c’est Guy, sans le savoir.” Pas de drop l’année suivante, mais un nouveau titre, cette fois face à Agen. Devenu enseignant au collège du Bois de la Barthe, à Pibrac, où il a monté son équipe de rugby, le trentenair­e pèse dans le vestiaire stadiste et n’hésite pas à livrer son éclairage auprès de ses entraîneur­s sur les orientatio­ns tactiques.

Le début d’une vocation? “Je n’ai jamais voulu être entraîneur de rugby quand j’étais joueur”, assure-t-il pourtant. Mais d’autres vont le penser pour lui. “En 1987, Villepreux m’a dit qu’il fallait que j’arrête sinon David Berty, qui avait 17 ans de moins que moi, ne jouerait jamais. Il avait aussi sûrement vu en moi un certain talent lors de nos discussion­s sur la préparatio­n physique ou d’autres choses, et il m’a demandé si j’étais intéressé pour entraîner les juniors. Je l’ai fait naturellem­ent et nous sommes champions la première année (en 1988, ndlr) avec

“Quand les ailiers en face affrontaie­nt Guy Novès, je peux vous dire qu’ils n’étaient pas contents. Et puis, il était le premier à venir cogner quand il y avait une bagarre générale, il ne faisait pas la queue” Claude Portolan, ancien coéquipier et joueur

Christian Gajan.” Le lendemain, il rechausse les crampons une dernière fois pour dépanner face à Dax, en finale du challenge Yves-du-manoir. Toulouse l’emporte et “Guy trouve le moyen de se battre avec un pilier dacquois”, précise Claude Hélias. Des adieux réussis, donc. La saison suivante, la crise pointe dans les vestiaires du Stade. Certains cadres remettent en cause les méthodes du duo Villepreux­Skrela. Ce dernier en garde encore une certaine rancoeur. “Deux joueurs, Karl Janik et Albert Cigagna, ont voulu prendre le pouvoir à ma place à ce moment-là. J’étais la personne qui allait gêner leur fonctionne­ment.” Absorbé par sa thèse sur le rugby qu’il prépare à Paris, Villepreux déserte souvent les bords de la Garonne. Rancoule, Denis Charvet, Didier Codorniou, RougéThoma­s, entre autres, suggèrent à Jean Fabre d’appeler leur copain Guy Novès pour officier comme tampon entre le groupe et les coachs. “Il y avait une certaine usure, Villepreux et Skrela étaient là depuis 1983, on a senti qu’il fallait un nouveau discours”, justifie Rancoule.

Le duo mue en triumvirat. Du jour au lendemain, le récent retraité des terrains dirige ceux qui étaient encore ses coéquipier­s et copains de soirées quelques semaines plus tôt. Villepreux le met alors en garde. “Je lui avais dit: ‘Fais attention, tu n’es plus le copain des joueurs, tu t’en rendras compte plus tard.’” Claude Portolan observe la transition. “Il nous disait qu’il ne fallait pas boire et se coucher tôt, je lui rappelais comment il était avant et lui répondait: ‘Avant, c’était avant.’ Voilà, c’est du Guy Novès.” Mais le nouvel entraîneur en impose déjà et gagne très vite le respect du vestiaire. Portolan, toujours: “Tout le monde avait confiance en lui, pas parce que c’était un copain, parce qu’on sentait qu’il était fait pour ça.” Le style Novès émerge, celui d’un meneur d’hommes capable de retourner le cerveau de n’importe qui. “Il n’est pas du genre à prononcer des grands discours de façade devant tout le groupe, souligne Rougé-thomas. Il travaille individuel­lement. Il chope les mecs en tête-à-tête comme j’ai rarement vu faire.” Et les résultats suivent, le Stade vient à bout de Toulon lors de la finale de 1989. Mais derrière les sourires et la fête au Capitole, la situation devient étouffante entre les trois technicien­s. Novès dira un jour avoir eu l’impression d’être “le larbin” des deux autres. “Il n’a pas très bien vécu le fait de devenir notre adjoint, concède Skrela. Jamais il n’a été dit qu’il allait nous succéder. Mais les choses devaient ne pas être très claires pour lui.” Aujourd’hui, le troisième homme joue l’apaisement avec ses deux anciens mentors. “J’étais un jeune entraîneur et je n’avais pas les compétence­s que j’ai pu acquérir

“Il n’a pas très bien vécu le fait de devenir notre adjoint. Jamais, il n’a été dit qu’il allait nous succéder. Mais les choses devaient ne pas être très claires pour lui”

Jean-claude Skrela, coentraîne­ur du Stade Toulousain avec

Pierre Villepreux et Novès

au fil des années. J’ai appris mon boulot auprès d’eux. Je leur dois ça. Est-ce que j’aurais été capable de prendre seul la tête de l’équipe première en 1990? Je ne pourrai jamais répondre à ça.” Jean Fabre doit, lui, y répondre. Le président réunit les trois autour d’une table pour trouver une solution. En vain. “Je me suis retrouvé, en 1990, à devoir trancher entre Villepreux-skrela et Guy. Les deux me disaient ‘nous, on continue mais Guy, non’ et lui me répondait ‘moi, je continue mais eux, non’. La situation était bloquée. Il aurait été invraisemb­lable que je tranche en faveur de Guy qui venait d’arriver. Il n’a pas du tout apprécié, et je le comprends.” Fabre lui propose de diriger les espoirs. Il refuse et claque la porte.

Passions footing et maçonnerie

Débute alors un court exil. Pas un homme d’exotisme, Novès file à Blagnac, de l’autre côté de la rocade, à dix minutes du stade des SeptDenier­s. “J’avais décidé de tout arrêter quand mon ami Roger Viel (un ancien partenaire au Stade, ndlr), qui venait d’être nommé président, m’a appelé, il avait besoin d’un mec avec un peu de notoriété pour encadrer ses deux entraîneur­s. Je suis passé d’un club qui était avancé dans le travail à un autre totalement amateur.” Le manager tente bien d’initier ses nouveaux joueurs aux joies de la préparatio­n physique. L’un d’eux, Serge Sanchez, en souffle encore. “Pour le premier match, il a demandé à ce qu’on prenne nos baskets, on se demandait pourquoi. On a compris quand, à la fin du match, il nous a demandé d’aller faire des tours de terrain pour éliminer les toxines. Nous, avant, c’était plus la récupérati­on à la bière.” La greffe ne prend pas. Au bout d’un an, Viel quitte la présidence et son ami s’en va avec lui. Le voilà enfin avec du temps devant lui pour terminer les travaux de sa maison et de celle de son frère. “J’ai fait manoeuvre là-bas, lance-t-il avec orgueil. Un médecin peut être maçon mais un maçon ne peut pas être médecin. Si on n’est pas trop con, on peut arriver à monter un mur. Et puis, ma femme et moi n’avions pas un rond à l’époque. Elle terminait ses études d’anesthésis­te et moi, j’étais prof. Heureuseme­nt, on a eu un prix sur le terrain.” Pendant des années, les frangins enchaînent les bétonnière­s, montent des murs et plantent une centaine d’arbres. “Je lui ai prêté un camion benne très ancien pour l’occasion, n’a pas oublié Christian Gajan. C’était un 3,5 tonnes, avec une benne mécanique, il l’a trop chargé, le camion est mort. Il aime tirer les objets et les hommes jusqu’au bout.” À commencer par lui-même. Après les cours, il rentre en footing de son domicile de Colomiers à Pibrac. “Je ne sais pas combien de kilomètres il y a entre les deux (environ 7, ndlr). Quand il arrivait, je l’arrosais avec le tuyau pour le rafraîchir avant d’attaquer la journée de chantier, rembobine son frère. On travaillai­t toute la journée comme des fous et il repartait en footing. Un truc de malade.”

Quand il n’a pas les mains dans le mortier, Guy Novès apprend à ses élèves à monter à la corde, ou l’art du cloche pied au triple-saut et continue d’enchaîner les titres de champion de France scolaire avec son équipe. Dans ce petit collège de campagne, il met en place une usine à rugby avec deux, voire trois entraîneme­nts par semaine, entre midi et deux. À la Barthe, il a sympathisé avec Claude Hélias, qui finance ses études d’expert-comptable en faisant le pion. “À la cantine, par exemple, il fallait que ses joueurs passent avant tout le monde pour qu’ils puissent s’entraîner. Comme j’étais surveillan­t, j’organisais ça”, explique celui qui redressera les comptes du Stade Toulousain quelques années plus tard. Le prof-entraîneur réalise des miracles avec des élèves qui, pour une majorité, n’ont jamais manié un ballon ovale. Jean-luc Sadourny et David Skrela sont les exceptions qui confirment la règle. “Il allait chercher d’autres sportifs pour les mettre au rugby, confirme David, le fils de JeanClaude, et futur internatio­nal. Il arrivait à convaincre le judoka de faire pilier, le basketteur de s’essayer en deuxième ligne.” Une année, il laisse son fils Vincent (actuel maire de Balma sous la bannière Les Républicai­ns) sur le banc pour la grande finale. “Il a compris la décision, coupe le paternel. Il était moins bon que les autres. Les gosses s’évaluent vite, ils savent très bien qui sont les meilleurs.” Et puis, il s’agit toujours de mettre toutes les chances de son côté, surtout lors des chocs face à l’équipe du collège de Saint-lys, entraînée par son copain Serge Gabernet. Un jour, les deux manquent d’ailleurs d’en venir aux mains. “Nos équipes s’étaient rencontrée­s l’après-midi, et le soir, à l’entraîneme­nt, on s’était sérieuseme­nt expliqués, admet Gabernet. Pas battus, mais pas loin. Je lui reprochais d’avoir triché sur les licences, il y avait quelques cadets dans l’équipe des minimes.” Une version toujours démentie par l’accusé. “Il a perdu et a raconté aux autres que je trichais. Au début, on a rigolé, mais à la fin, ça a commencé à m’énerver et on a dû nous séparer.”

Entraîneur champion de France

à 18 000 francs par mois

À l’approche de la quarantain­e, l’hyperactif marque une pause et pense “profiter des week-ends, des copains, des bringues”. La maison est enfin terminée, il a deux filles, la stabilité de l’emploi,

“Nos équipes s’étaient rencontrée­s l’après

midi, et le soir, à l’entraîneme­nt, au stade, on s’était sérieuseme­nt

expliqués. Je lui reprochais d’avoir triché sur les licences, il y avait quelques cadets dans l’équipe des minimes” Serge Gabernet, coéquipier au Stade Toulousain et entraîneur rival dans le

championna­t scolaire

les vacances d’été toujours à Port-leucate, comme avec ses parents, dans le temps, et la forêt voisine pour tirer quelques lièvres et bécasses, lui qui entrepose un fusil dans chaque pièce et qui chassait le lapin aux abords des Sept-deniers quand il appartenai­t encore à la famille du Stade Toulousain. Ce qui lui a valu, un soir, une mise en joue par la BAC. Mais voilà que Toulouse traverse une crise financière sans précédent. Le club a∞che un trou de 1,5 million d’euros, deux fois son budget de l’époque. L’avocat Jean-rené Bouscatel en prend la présidence en octobre 1992, Villepreux est déjà parti, Skrela va suivre, le duo Gajan-cigagna récupère l’équipe. L’expérience ne dure qu’une saison et le nom de Novès est soufflé à l’oreille de Bouscatel par son ancien coéquipier et joueur, Karl Janik, à en croire Claude Hélias. “Bouscatel dit que c’est son idée, mais Karl avait demandé à déjeuner avec moi, on avait parlé du Stade, des problèmes rencontrés et de Guy comme futur entraîneur. Je lui avais expliqué ce qu’il avait réalisé à Pibrac avec les jeunes, son apport, sa ferveur, et il en a parlé ensuite à Bouscatel.” “Je ne sais pas qui a soufflé mon nom, soupire un Novès peu intéressé par la question. Karl Janik a émis certaines opinions, oui. Parfois, il me l’a rappelé.”

Il ne détaille pas. Mais plus qu’une façon d’esquiver, il faut y voir les traces d’une éducation dans un milieu ouvrier. Claude Hélias balise: “Celui qui a officielle­ment pris l’initiative de faire revenir Guy, c’est Bouscatel. Celui qui a appelé Guy, c’est aussi Bouscatel. Mais Bouscatel, sa principale qualité, c’est de savoir récupérer le mérite des autres. Il sait s’arroger des réussites et remettre sur le dos d’autrui ce qui ne marche pas. Guy sait quelle est l’estime de Karl Janik à son égard. Mais il a toujours choisi de jouer le jeu et de respecter son président, celui qui l’a appelé et qui avait la légitimité pour valider son retour au Stade Toulousain. Guy est légitimist­e. Il a considéré que c’était son patron.”

Le contrat est signé dans un petit bar place du Salin et le salaire avoisine les 18 000 francs, “le double de ce que je gagne comme prof”. Au départ, Novès partage la lumière et le travail avec Serge Laïrle –encore un ancien du Stade, encore un prof D’EPS– comme entraîneur, avec les mêmes prérogativ­es. Le premier chapote les arrières, le second les avants, les deux doivent composer aussi avec l’influence d’un Cigagna redevenu joueur. Le duo marche sur des oeufs, mais les résultats vont très vite parler pour eux. De 1994 à 1997, le Parc des Princes devient un jardin toulousain avec quatre Brennus auxquels s’ajoute la toute première Coupe d’europe, en 1996. Mais, très vite, le moustachu Laïrle s’efface au profit de son colistier, meilleur client pour les médias, et dont l’influence déborde du terrain avec l’arrivée de Hélias comme président du conseil d’administra­tion, puis, plus tard, en 1997, de Rancoule pour chapeauter le recrutemen­t. Le regretté Daniel Santamans et Christian Gajan vont succéder à Laïrle, qui reviendra quatre ans plus tard. Mais le boss s’appelle déjà Novès, même s’il ne deviendra manager en titre qu’en 2002, année où il arrête l’enseigneme­nt et devient un profession­nel du rugby, à presque 50 ans. “L’expérience en trio avec Villepreux et Skrela l’a vraiment marqué, il s’est dit ‘plus jamais’ et a cherché à garder le contrôle, note Gajan. Il va toujours se méfier un peu. Ça peut le rendre rigide. On s’est fâchés à un moment, mais ça va mieux. D’ailleurs, je suis toujours resté son assureur.” Les réconcilia­tions sont pourtant rares. Cigagna, Cazalbou et d’autres: la liste des anciens copains, camarades de jeu ou joueurs chéris avec lesquels la rupture est consommée, est longue. Question de caractère sans doute. “Guy est rarement surpris, il anticipe tout et donc, il est rarement pris à défaut. Mais il peut être surpris par des réactions humaines de personnes pour lesquelles il a de l’estime. Quand il donne sa confiance, il attend qu’on la lui rende puissance dix”, prévient Hélias. Un avertissem­ent qui marche pour les Bleus. L’ancien coureur a encore du souffle et entend remuer le XV de France à sa façon. “Ceux qui ne sont pas d’accord, ils vont dégager”, menace le sélectionn­eur en caressant son berger allemand enfin autorisé à entrer. Sans doute qu’il aimerait façonner ses joueurs un peu à son image. Des hommes qui galopent avec une certaine personnali­té. “Il te faut des turbulents dans une équipe. À la limite, il ne faudrait que ça. Des moutons, tu ne peux pas en faire des machines de guerre.” D’ailleurs, le fusil de chasse est déjà prêt. Reste juste à choisir lequel. TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR GL, AM ET AP

“Un médecin peut être maçon mais un maçon ne peut pas être médecin. Si on n’est pas trop con, on peut arriver à monter

un mur” Guy Novès à propos de la constructi­on

de sa maison

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