Tampon!

Frédéric Michalak

À peine majeur, il était déjà une star de son sport. À 34 ans, il revient sur une carrière faite de hauts et de bas, mais toujours guidée par son amour du jeu. Entretien avec un homme qui a des choses à dire sur son métier.

- PAR GRÉGORY LETORT ET ALEXANDRE PEDRO, À LYON / PHOTOS: RENAUD BOUCHEZ POUR TAMPON!, PANORAMIC ET DPPI

Après le Stade Toulousain et le RC Toulon, il termine à Lyon son tour des clubs en rouge et noir. Le dernier chapitre, à 34 ans, d’un roman d’apprentiss­age qui raconte la trajectoir­e de l’enfant prodige du rugby français. En seize ans de carrière, Frédéric Michalak a tout expériment­é. Il y a eu l’insoucianc­e du début, un Bouclier à 18 ans avec les copains, les débuts fracassant­s avec les Bleus jusqu’à ce que le ciel de Sydney ne lui tombe sur la tête en 2003, en demi-finale de Coupe du monde. Il y a aussi eu les titres (six Coupes d’europe, trois championna­ts, quatre Tournois des 6 Nations), la notoriété, les sollicitat­ions et les incompréhe­nsions qui vont avec, mais aussi le corps qui lâche, l’exil sud-africain, les retours fracassant­s alors qu’on l’a dit fini pour un sport qui est resté, chez lui, un jeu. Avec un 9 ou 10 dans le dos, il a vu le rugby changer, les salaires exploser, le Top 14 devenir la Premier League du rugby, la formation à la française être remise en cause. Sur tout cela, le nouvel actionnair­e majoritair­e du club de Blagnac (Fédérale 1) a des choses à dire et des propositio­ns à formuler. Peut-être le début d’un prochain roman, comme dirigeant ou entraîneur…

Est-ce que tu te souviens de ton premier match officiel avec le Stade Toulousain, en 2000, contre Toulon en Coupe de la Ligue? Tu avais remplacé Stéphane Ougier. Oui, j’étais rentré à l’aile, je crois. La Coupe de la Ligue existait encore… Je me retrouvais aux côtés de grands noms du rugby français. À l’époque, Toulouse faisait rêver, gagnait des titres tous les ans. C’était comme dans un rêve. Mais il fallait avoir du caractère. Il y avait des personnali­tés et il fallait vite s’imposer, être performant tout de suite, jeune ou pas.

Il paraît que les anciens testaient beaucoup les petits jeunes comme toi. On se faisait chambrer, mais on ne se laissait pas faire. J’avais la chance d’avoir plusieurs jeunes avec moi, comme Clément ( Poitrenaud, ndlr), Jeanjean, Bouilhou. Au Stade, on était toute une génération à arriver et on voulait faire chier les anciens. Il y avait des chamailler­ies en permanence. Ils cherchaien­t à voir si on avait du répondant, et on en avait, ils n’étaient pas déçus. Ce qui a créé finalement une osmose et un état d’esprit qui se retrouvait sur le terrain.

Tu ressentais une différence d’approche entre toi, un enfant du profession­nalisme, et les Cazalbou, Ntamack, Miorin, qui ont débuté amateurs avant de devenir pros? Non, ils étaient aussi profession­nels que nous. Ils avaient tous un boulot à côté mais dans leur façon de travailler et de s’entraîner, ils étaient pros à 200%. Ils avaient le statut de joueur internatio­nal et, à côté, en cas de blessure, un boulot. Je pense que c’était finalement la bonne approche.

Tu as réfléchi à un plan B en cas d’échec dans le rugby? Pas vraiment, je n’ai pas suivi des études poussées, j’ai juste eu un bac pro commerce. Je voulais faire du rugby à haut niveau, en équipe première à Toulouse, sans savoir si j’allais en vivre. C’est ça qui me faisait rêver.

Pourtant, il y a une impression de facilité qui entoure tes débuts. Ne finis-tu pas par te dire que le Top 16 (nom du championna­t à l’époque), ce n’était pas si difficile que ça? Je ne vais pas vous dire que je m’étonnais sur le terrain mais ça s’est fait naturellem­ent. Quand tu es allé à l’école toulousain­e, comme moi depuis les poussins, tu as été éduqué avec un style de jeu transmis de génération en génération. En équipe première, tu te retrouves finalement avec ce style, le jeu debout, que tu as pratiqué depuis tout jeune. En plus, devant moi, j’avais un pack impression­nant, des joueurs qui avaient 60 sélections. C’était plus facile pour nous d’arriver dans cette équipe dominante. On est entrés dans un moule et on a peut-être apporté de la fraîcheur, de l’enthousias­me, un truc nouveau.

Et pas mal de folie, aussi. Beaucoup. Beaucoup d’insoucianc­e. Et puis c’était notre ADN à Toulouse: le mouvement, l’adaptation. Les chisteras, on les faisait depuis tout petit. Après, taper dans un ballon, on ne savait pas le faire. J’avais du mal à taper une pénalité de 22 mètres un peu décalée parce que je n’avais pas les bonnes positions de ballon. Je ne tapais que de loin. Cette insoucianc­e, c’est ce qui m’a valu des bons trucs mais aussi des moments difficiles. J’étais un joueur imprévisib­le, ce qui était bien. On me surveillai­t mais on ne savait pas ce que j’allais faire. Sauf que ça a joué aussi des tours à mon équipe. C’est toujours pareil, il faut trouver le juste milieu. Avec le temps, l’expérience, on le trouve.

Tu deviens champion de France à 18 ans avec tes copains. Tu as bien pu profiter après? Même pas! Le lendemain, je suis parti pour la Coupe du monde des moins de 21 ans en Australie. Ça m’a bien fait chier, d’ailleurs. En plus, j’avais une petite blessure. Résultat, je n’ai pas participé aux deux premières semaines de compétitio­n. Je crois que je n’ai jamais fêté un titre de champion de toute ma carrière. À chaque fois, il fallait partir en tournée dans la foulée, en Nouvelle-zélande ou en Australie, c’était un crève-coeur. Surtout que, bien souvent, tu ne joues pas le premier match.

En quelques mois, tu deviens une petite star à Toulouse, alors que tu vas toujours au lycée. Comme on gère ce changement? Ce qui était marrant, c’était de voir certains profs, qui me disaient que je n’arriverais à rien, me demander des places. On ne t’apprend pas à l’école à devenir célèbre. Pour moi, je jouais au rugby, c’est tout. Sauf que tu joues au rugby mais derrière, on te demande des autographe­s, des gens viennent te voir pour placer ton argent, d’autres pour t’expliquer comment être meilleur. C’est vrai que ça parasite beaucoup. C’est à la fois des emmerdes et des découverte­s.

Tu parles des agents? Oui, mais aussi des copains qui veulent boire un coup avec toi. Quand j’allais en boîte, j’avais un paquet de nouveaux copains. Quand on est jeune, on sort, on a envie de découvrir des choses et puis on fait des conneries. Il faut bien en faire, aussi. L’ennui, c’est que mes potes sortaient tous les week-ends et faisaient ce qu’ils voulaient, eux. Et nous, on ne pouvait plus trop le faire. On avait une image, celle du Stade Toulousain. Même si on va juste boire un coup dehors, aujourd’hui, les gens ne comprennen­t pas. On a besoin de se détendre, de vivre, aussi. Ça ne veut pas dire que l’on va être mauvais. Il faudrait envoyer les sceptiques en stage avec les Néo-zélandais, ils verraient. Ce qui ne les empêche pas d’être bons.

À votre époque, on ne risquait pas d’être filmé par un téléphone portable en boîte, au moins. Ça ne m’a pas empêché de prendre un verre dans la gueule ou de vivre des trucs à la con parce que des mecs voulaient se frotter à moi. Il y a de la jalousie. C’est le revers de la médaille. On s’en rend compte avec le temps. Quand ça ne va pas, certaines personnes vous tournent le dos, le public siffle. C’est là où tu vois le côté pervers du succès: on attend toujours le meilleur de toi. Sauf que t’es humain, tu peux aussi faire des erreurs.

“Quand j’allais en boîte, j’avais un paquet de nouveaux copains. Quand on est jeune, on sort, on a envie de découvrir des choses, et puis on fait des conneries”

À force d’entendre ‘T’es le meilleur, le plus beau’, ça peut aussi être humain de prendre la grosse tête… On ne m’a jamais dit ça. Et même si ça a pu ressortir ainsi dans les médias, j’ai aussi entendu que j’étais mauvais et le plus nul, donc bon… Une carrière ne se fait jamais tout à fait au sommet. À mon avis, on ne peut juger la carrière d’un sportif qu’à la fin, sur sa capacité à être resté en haut. L’exposition dépend de ton poste, aussi. C’est comme ça, tu le sais. Regardez la tournée de novembre. Contre la Nouvelle-zélande, Camille Lopez fait un très bon match, franchemen­t. Toutes ses courses sont bonnes, il a un bon jeu au pied mais on s’arrête sur une passe intercepté­e qui amène un essai. C’est dur. Si depuis le début de saison, il y a un numéro 10 qui est bon, c’est lui. En 2013, tu avais supprimé ton compte Twitter après avoir reçu pas mal de critiques… Parce que ça touchait à la famille. Et puis j’en ai ouvert un nouveau en le faisant gérer par une société, des gens autour de moi. J’étais à plus de 100 000 abonnés, je suis reparti de zéro. Une façon de voir ceux qui s’intéressen­t vraiment à moi.

Tu penses qu’actuelleme­nt, au centre de formation de Lyon, les jeunes sont mieux préparés que ta génération? Il faut les prévenir du côté pervers des réseaux sociaux. Il y a un côté intéressan­t pour les fans, ceux qui aiment le rugby, pour les sponsors. D’ailleurs, maintenant, ils exigent tous une présence sur les réseaux sociaux, ça fait partie du jeu. Après, il faut se méfier. Il ne faut pas tout dire. Regardez par exemple Serge Aurier… Le problème aujourd’hui, c’est la surmédiati­sation, dans le rugby comme dans le football. On sort vite du cadre du sport. Parfois, on commente une venue au stade, la mort d’un chat mais on ne parle pas de phases de jeu, de courses. Le jour où tu en as marre, tu jettes ton téléphone. Ça m’est arrivé. J’avais 20 ans, je l’ai jeté dans la Garonne. Je vous jure que c’est vrai.

Pourquoi? Bon, ce n’était pas un iphone 7, je vous rassure, mais j’étais saoulé, tout le monde m’appelait, je saturais. Un exemple: tu fais des photos pour une marque, un magazine, elles sont publiées et pour ceux qui voient les photos, elles ont été réalisées durant la semaine. La réalité, c’est qu’il s’agit d’une seule séance et que les photos sortent tout au long de l’année. Tu ne fais pas des photos toute l’année. Je me suis retrouvé au commenceme­nt des choses, les gens n’étaient pas forcément habitués à ça. Il n’y avait pas vraiment d’exemple avant nous. Et puis j’ai fait des choses différente­s, comme un défilé de mode. Je viens d’un monde artistique: j’aime la musique, la peinture. Et je voulais faire ces choses, qui m’intéressai­ent en dehors du rugby. Les gens ne pouvaient pas forcément le comprendre et me critiquaie­nt par rapport à ça.

Comment tu t’exprimais artistique­ment? Je peignais. Je faisais des graffitis partout chez moi. J’avais la maison recouverte de tags de haut en bas. C’était mon côté artiste. Et puis il y a mon studio de musique, que j’ai toujours. On compose, on fait de la production. J’ai toujours un label: Hook in Track Production. On fait de la house, mais pas seulement. Là, on produit l’album d’un rugbyman, Cédric Coll, de Colomiers. Là, c’est juste une histoire de passion. On fait pas du Dr. Dre mais c’est du plaisir.

À l’école, tu avais déjà cette fibre artistique? Oui, comme je me faisais chier, je dessinais. S’ouvrir à l’art, c’est génial. Je sais que Maestri a ouvert une galerie. C’est important de sortir du quotidien du rugby. À Lyon, Romain Loursac va devenir docteur, deux ou trois font des études de kiné, c’est bien. Avoir d’autres aspiration­s à côté, ça permet de garder de l’intelligen­ce, de communique­r normalemen­t.

C’est un lien social qui s’est perdu avec le passage au profession­nalisme? Je prends mon exemple. J’étais en sport-études au lycée Jolimont, je n’ai pas passé deux ans à Marcoussis avec un groupe élite. C’est le pire pour les gamins. Ils sont entre eux pendant deux ans, coincés au milieu de nulle part à faire du rugby tous les jours. Ils étudient même là-bas. C’est dur de se sociabilis­er. Et finalement, la relation entre les anciens et les jeunes ne se construit pas. C’est pour cela qu’il y a une incompréhe­nsion entre génération­s.

Pourquoi tu quittes Toulouse en 2008 pour partir jouer avec les Sharks en Afrique du Sud? Je

“J’étais en sport-études au lycée Jolimont, je n’ai pas passé deux ans à Marcoussis avec un groupe élite. C’est le pire pour les gamins. Ils sont entre eux pendant deux ans, coincés au milieu de nulle part à faire du rugby tous les jours”

voulais découvrir le Super Rugby, même si je ne savais pas où. Au début, j’aspirais à la NouvelleZé­lande. C’est forcément un rêve de jouer là-bas, avec les meilleurs joueurs du monde. Mais les Sharks m’ont appelé et ça s’est fait. Je voulais à tout prix partir, prendre part au Super Rugby et revenir à Toulouse après. C’était mon objectif.

Mais comme pour Christian Califano après son passage par les Auckland Blues, le retour à Toulouse s’est révélé difficile pour toi. J’avais vécu une expérience différente, connu une manière différente de m’entraîner, une autre philosophi­e. Je n’avais envie d’en ramener que le positif mais je suis retombé dans la dure réalité du championna­t français. Ça a été difficile. Je me suis blessé au genou. J’ai eu du mal à revenir.

Concrèteme­nt, qu’est-ce qui a été le plus compliqué? La longueur du championna­t. Je suis rentré en novembre 2008 après la Currie Cup. On venait d’être champions et je me suis retrouvé en hiver, c’était compliqué… Je devais me remettre dedans. J’avais envie d’apporter des trucs que je faisais là-bas. Mais en gros, on m’a fait comprendre que si j’y étais bien, il fallait y rester.

Comme quoi? La prehab, par exemple. Avant de s’entraîner, on utilise les rouleaux pour préparer les muscles comme les ischios. Ça ne se faisait pas à l’époque en France, je l’ai ramené. On travaillai­t beaucoup avec les élastiques, aussi. Les joueurs ne comprenaie­nt pas trop pourquoi j’avais ça. Certains disaient: ‘Il se prend pour qui?’ Finalement, aujourd’hui, tout le monde les a adoptés. C’est vrai que dans le Super Rugby, ils ont un temps d’avance sur nous. Aux entraîneme­nts, ils utilisent des pneus, des voitures qu’il faut pousser autour du terrain. Il faut tirer des mecs au sol. Ça ressemblai­t un peu à l’armée.

Il y a davantage de skills (travail spécifique avec le ballon), aussi? Pas mal, oui. On avait un entraîneur qui venait d’australie et qui était issu du footy (le football australien, ndlr). Il nous apprenait à taper dans le ballon, sur la pointe. Finalement, c’est avec lui que j’ai appris à taper. J’ai appris le coup de pied au sol, placé, plus que la passe au pied. On travaillai­t autant, mais différemme­nt. Des lutteurs venaient nous montrer des techniques pour arracher les ballons. On nous apportait plein de petits outils dont on pouvait se servir. On travaillai­t la vision, par exemple. On aurait dit des débiles dans le vestiaire, où on faisait les exercices. Il fallait regarder des chiffres tout en marchant le pouce levé devant les yeux. Ce qui m’a surpris, c’est aussi la manière de travailler psychologi­quement et mentalemen­t la constructi­on d’une saison. On faisait des réunions tous les jours sur la façon dont on allait attaquer la saison, dont on allait s’entraîner, dont on allait jouer. Il y avait des réunions de trois-quarts, de leaders de jeu, de touche. Il y avait un côté cérébral qui me fatiguait un peu. En plus de la langue que je ne maîtrisais pas trop, il fallait tous les jours faire des réunions. En France, au bout de trois mois, les mecs t’insultent: ‘Dégage avec tes trucs, j’en peux plus.’

En 2011, tu reviens pourtant avec plaisir en Afrique du Sud. Oui, j’ai adoré cette expérience. On perdait un match et le lundi, on se disait tout: telle action pointée, pourquoi est-ce qu’on a fait ça, pourquoi est-ce qu’on s’est entraînés comme ça. C’est court mais dur. En revanche, après, c’est fini, on ne parle plus de la rencontre. En France, quand tu loupes un match, on t’en parle pendant deux mois. J’appréciais cette faculté à vite passer à autre chose. T’es assez pro pour savoir que tu n’as pas fait un bon match. Tu n’as pas besoin que l’entraîneur te le dise 24h/24.

Ce retour en Afrique du Sud était peut-être aussi une bouée de sauvetage pour toi. Oui. Heureuseme­nt que je suis parti, je n’en pouvais plus d’être à Toulouse. Je ne jouais plus. Guy Novès m’a laissé partir, c’était plutôt cool. Je suis allé jouer avec les Barbarians britanniqu­es contre l’angleterre. Juste après, les Sharks m’ont appelé pour finir avec eux le Super Rugby et je suis arrivé deux jours plus tard… Je n’ai pas attendu longtemps.

Qu’est-ce qui avait créé, en 2011, ce sentiment de ras-le-bol de Toulouse? J’aime Toulouse et je me sens toulousain. Pour être franc, le ras-le-bol est venu du fait que j’avais envie de prolonger. Mais le club ne voulait pas ou à des conditions très basses. J’aime le rugby mais il fallait bien que je paye mes crédits, aussi. Alors, quitte à partir avec un salaire bas, je préférais partir à l’étranger et ne pas baisser mon slip. La vérité est que je suis parti en Afrique du Sud pour encore plus bas, mais au moins je suis parti pour le plaisir.

À cette époque, tu avais ouvert un restaurant à Toulouse et ça ne s’est pas très bien fini… Ce n’est pas quelque chose que je referai. Je le déconseill­e à un joueur du rugby et à un sportif en général. Ce n’est pas forcément par rapport au temps que cela réclame. J’ai eu aussi une boîte de nuit à Toulouse, ça ne s’est pas vraiment su. Le restaurant, c’est autre chose. Pour être bon en restaurati­on, il faut être restaurate­ur, pas rugbyman. Bon, moi, je n’ai pas forcément été bien entouré. Certains ont ouvert des restos avec des personnes compétente­s à leurs côtés et ça s’est bien passé. Pas pour ma part. Il faut aussi faire des erreurs.

Certaines pubs, les défilés de mode, le calendrier du Stade Français… Il y a des choses

“Il faut faire davantage confiance aux jeunes. Et changer ces petits règlements… Celui des jokers médicaux, en premier lieu. Si un joueur se blesse, on devrait être obligé d’utiliser un joueur français de moins de 25 ans”

dont tu rigoles avec le recul? Ce sont différente­s expérience­s. Le calendrier, je l’ai fait au début et ça a eu un sacré succès, il ne faut pas se mentir. Ça a donné aussi une nouvelle image au rugby en général, qui ne dépendait plus seulement des performanc­es sur le terrain, et ça a attiré un nouveau public. On sortait du cliché qui veut que le rugby soit un sport de gros bourrins. Max Guazzini a fait partie de cette évolution. Si j’ai fait des photos, un défilé de mode, des pubs télé, c’est parce que ça me plaisait, déjà, et qu’on m’a payé pour ça. Je n’ai pas tout accepté non plus. Sinon, vous m’auriez vu faire des trucs débiles, aussi. On m’a proposé des pubs pour du jambon, des trucs comme ça. Mais quand ça me faisait vraiment rire, j’y suis allé. Comme avec Le Coq Sportif ( web-série avec Julien Cazarre, notamment, ndlr). Faire un défilé pour Christian Lacroix, ça ne m’a rien fait gagner mais ça m’a fait découvrir un univers qui me passionnai­t et que j’avais envie de connaître.

Tu as aussi eu un burger à ton nom chez Quick: le Michalak Burger. Tu avais participé à son élaboratio­n? Pas du tout. Un burger à mon nom, c’était assez rigolo. Avec Anelka, en plus. Un mec un peu comme moi, incompris à une époque. Je l’ai trouvé très intelligen­t, mais il était incompris, tu ne peux rien faire contre ça. Les médias savent faire aimer ou haïr quelqu’un, ils sont très forts pour ça. Vous avez ce sentiment d’être incompris, aussi? Non, aujourd’hui, je ne pense pas. Mais de l’avoir été, oui. Je pense qu’il y a eu une influence médiatique où comptent seulement les apparences, plus que les idées et les actes. Je ne pouvais pas faire changer d’avis les gens. C’était tout nouveau à l’époque, je pense que j’en ai subi les conséquenc­es. Aujourd’hui, c’est normal de voir Sébastien Chabal faire une pub pour du poker.

Malgré tout, ce sont toujours les mêmes visages qui reviennent: Chabal, toi. Pourquoi? Pourquoi moi? Je n’en sais rien. J’ai été ‘starisé’ sans le vouloir, c’est tout. J’ai fait des choses qui me passionnai­ent. Certaines personnes s’y sont retrouvées, d’autres sont devenues jalouses. Au bout du compte, je crois qu’il y a beaucoup de gens qui m’apprécient parce que je reste naturel, j’essaie d’aller vers les autres, je ne reste pas dans mon coin. Je ne roule pas en Ferrari, tout va bien. Le Stade Français n’a jamais essayé de te recruter? On t’aurait bien vu là-bas. Au moment où je suis parti pour la seconde fois en Afrique du Sud, Bernard Laporte avait pour projet un retour là-bas et il y avait eu un contact. Je ne sais pas si j’ai bien fait de ne pas y aller. Mais après, j’ai choisi Toulon. Je sentais que le RCT allait m’apporter quelque chose.

Et tu y retrouves Bernard Laporte, qui est désormais à la tête de la fédération et donc ton président, maintenant… Il me suit. Ou c’est moi, je ne sais pas. Mais c’est rigolo, nous ne sommes jamais loin l’un de l’autre.

Tu te souviens quand il avait traité les spectateur­s du Stade de France, qui t’avaient sifflé lors d’un match contre l’italie, de ‘bourgeois de merde’? Bernard, c’est un caractérie­l, un mec qui vit avec ses émotions, un mec entier avec des bons et des mauvais côtés. Ça peut faire plaisir ou ça peut faire mal. Il y a

“Un burger à mon nom, c’était assez rigolo. Avec Anelka, en plus. Un mec un peu comme moi, incompris à une époque. Je l’ai trouvé très intelligen­t. Mais il était incompris, tu ne peux rien faire contre ça”

un lien entre nous. On se suit, on se comprend. C’est une personne qui a envie de réussir, et moi aussi. Je respecte sa manière d’être, il sait ce qu’il veut. C’est une de ses forces. Je lui reproche aussi certaines choses: sa façon de dire, de gérer des joueurs, sa façon d’être. Parfois, il ne s’est pas soucié de certains joueurs. Il a pu avoir des mots durs envers eux, mais c’est son caractère, il est entier. Ça va être difficile pour Bernard d’être président d’une fédération avec 1 800 clubs qui vont le solliciter. J’en ferai partie. Je vais le faire chier un peu puisque je suis dirigeant, maintenant.

Oui, puisque tu viens d’investir à Blagnac, en Fédérale 1, où tu es désormais actionnair­e majoritair­e. Pourquoi cette envie de s’engager dans le rugby amateur? J’ai grandi dans le quartier d’ancely, à 100 mètres de Blagnac. Tous mes potes ont joué là-bas. J’ai encore mes amis dans le club, dont un qui y est depuis 25 ans et qui va passer président ( Benoit Trey, ndlr). C’est un coin que je connais bien. Pour moi, il s’agit déjà d’aider financière­ment le club et de transmettr­e ce que j’ai pu apprendre à la fois dans les méthodes d’entraîneme­nt, le management, le marketing. C’est rendre service au rugby en général.

Tu ambitionne­s de monter en Pro D2. Pourquoi pas en Top 14? Je pense qu’il n’y a aucun intérêt, pour l’heure, à annoncer des ambitions. Aujourd’hui, toutes les grandes villes peuvent avoir un grand club. Après, en avoir deux ou trois… On est à côté de Toulouse, Colomiers n’est pas loin. Mais on peut faire en sorte de travailler sur la formation. Il y a 700 licenciés à Blagnac. C’est un des meilleurs clubs formateurs de France. Je veux simplement insister sur ce qui fonctionne et apporter tout ce qui pourra favoriser la progressio­n des jeunes joueurs. J’aimerais créer une académie des piliers, quelque chose qui manque en France.

Il y a chez toi cette envie de s’investir. Avec Pascal Papé, tu as été l’un des premiers internatio­naux à évoquer les limites du système français après le naufrage face aux Blacks à la dernière Coupe du monde. Ça fait quinze ans que je suis en première division, quinze ans que je n’entends que des critiques sur le calendrier, sur le nombre de matchs. Je ne pensais pas qu’on allait prendre autant de points face aux All Blacks. C’est vrai qu’on les a pris au mauvais moment, ils étaient un niveau au-dessus. Mais le match contre l’irlande, en poule, doit faire réfléchir. Les équipes qui réussissen­t au plus haut niveau depuis de nombreuses années doivent avoir des secrets dans la formation ou dans la façon de s’entraîner. Il ne faut pas être consanguin, il ne faut pas avoir peur d’aller voir ailleurs, d’aller chercher un entraîneur étranger, par exemple. Bien sûr, en France, on a des qualités, mais il faut aussi aller observer ce qui se fait à l’étranger, utiliser les forces de nos adversaire­s. Après la dernière Coupe du monde, on a beaucoup parlé de la qualité de la formation en France. On en revient toujours au même problème: les jeunes manquent de temps de jeu en Top 14 et le championna­t Espoirs est déconsidér­é. Le niveau n’est pas bon. Bernard Laporte dit qu’il veut restructur­er tout ça, qu’il veut faire de la place pour les espoirs, les JIFF ( Les clubs sont astreints à un quota de joueurs dits JIFF. Pour être JIFF, il ne faut pas forcément être français, mais avoir passé au moins trois saisons au sein d’un centre de formation en France ou avoir été licencié au moins cinq années à la FFR, au plus tard lors de la saison qui s’achève l’année de ses 23 ans, ndlr). J’ai l’impression qu’il y a eu une prise de conscience sur le potentiel qu’on a en France. Il me semble qu’il y a une bonne dynamique qui est engagée. Comme l’idée des points en moins pour ceux qui ont moins de joueurs issus d’un centre de formation français à partir de l’année prochaine. C’est intéressan­t. Maintenant, tous les clubs s’affolent pour trouver des JIFF. Après, c’est le côté pervers des choses: ça bouge parce que, finalement, on t’y oblige.

Si tu as émergé à 18 ans à l’époque, c’est parce qu’il y avait des blessés. Mais aujourd’hui, on aurait sans doute fait appel à un étranger comme joker médical. Bien sûr. J’étais en Espoirs, on jouait contre l’équipe première tous les mercredis. Un jour, Guy Novès vient me voir et me dit: ‘Écoute, je vais t’essayer en 9, il me manque du monde. Je te laisse un ou deux mois pour t’entraîner à ce poste, puis tu y joueras.’ Fillol était blessé, Cazalbou aussi. J’ai joué, alors qu’on m’a formé comme 10, et je n’ai pas lâché le groupe. Il faut faire davantage confiance aux jeunes. Et changer ces petits règlements… Celui des jokers médicaux, en premier lieu. Si un joueur se blesse, on devrait être obligé d’utiliser un joueur français de moins de 25 ans. Revoir seulement cette règle, ça changerait tout. Ça permettrai­t de faire monter un peu plus de jeunes. Et comme, aujourd’hui, il y a énormément de blessés dans le rugby… Vous verrez, il y aura bien plus de jeunes qui apparaîtro­nt.

On pourrait imaginer que la Pro D2 serve de tremplin au Top 14? On peut aussi penser autrement le Top 14. Il faut moins de pression sur le championna­t. Un Top 16, ça serait bien. Il y a des équipes qui mériteraie­nt d’être en première division. Tu fais deux poules de huit et même s’il y a des équipes dans l’autre poule que tu n’affrontera­s pas une année, ça fait une belle formule avec moins de matchs. Là, il y a des jeunes que les clubs n’osent pas lancer, ils préfèrent les prêter un an en Pro D2, comme Thomas Ramos, le jeune arrière prêté par Toulouse qui cartonne à Colomiers. Il pourrait déjà jouer en Top 14. Si les jeunes restent trois ans au centre de formation à regarder les autres jouer, c’est mort pour eux. Tu apprends sur le terrain, pas à la muscu. Dans une interview à L’équipe magazine, tu disais avoir l’impression que le niveau s’était appauvri techniquem­ent en France avec l’accent mis sur la VMA, le physique et moins sur la sensibilit­é avec le ballon. Ce constat, je ne suis pas le premier à le formuler. Regardez le reportage d’intérieur Sport sur le pôle France de Marcoussis. On n’y parle que de préparatio­n physique. Les premiers critères de choix chez les jeunes sont physiques. C’est Fabien Pelous ( alors manager des moins de 20 ans, ndlr) lui-même qui le dit. Attention, j’aime bien Fabien, ce n’est pas une critique, c’est un constat. On entendait qu’un joueur, pour prétendre à la sélection, devait avoir un super pouvoir. Ce sont les termes employés. Heureuseme­nt que je n’étais pas chez eux.

Tu serais devenu un autre joueur? Je n’aurais plus eu cette manière de voir les choses et d’être insouciant sur un terrain. Au contraire, c’est sur l’adaptation qu’il faut mettre l’accent. Jusqu’à 14 ou 15 ans, il faut jouer sur la technique individuel­le, ne pas mettre un numéro dans le dos… À 14 ans, tous les joueurs seraient capables de jouer de la même façon. Comme au rugby à 7, avec les offloads (passe après contact, ndlr), les passes à gauche et les passes à droite. Et après, ils se spécialise­raient au poste, en travaillan­t avec des joueurs d’expérience. Comme par exemple la mêlée, le jeu au pied pour un numéro 10, etc. Il y a plein de choses à faire. Je suis allé en équipe de France à l’époque de Marc Lièvremont, que je respecte tout comme Émile Ntamack, avec qui j’ai joué. Ils ont failli être champions du monde, tu ne sais pas comment. Mais ils avaient une méthode selon laquelle, sur le terrain, quand tu avais le ballon, il fallait dire ce que tu allais faire. Mentalemen­t, tu te conditionn­es: ‘Allez, je vais faire un duel.’ Le rugby, c’est autre chose. Si j’ai le ballon et que je vois un trou, je fais la passe pour que mon coéquipier le prenne. Ou alors je m’écarte pour prendre le défenseur, pour faire la passe en créant le décalage. Techniquem­ent, ça se travaille. On a fait des erreurs depuis dix ans. Aujourd’hui, on reparle du french flair, c’est bien. Mais on va avoir du mal à faire rejouer Serge Blanco. PROPOS RECUEILLIS PAR GL ET AP

“Ça va être difficile pour Bernard Laporte d’être président d’une fédération avec 1 800 clubs qui vont le solliciter. J’en ferai partie. Je vais le faire chier un peu puisque je suis dirigeant, maintenant”

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Terminale STT.
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Week-end en Thaïlande avec ??????Garba, Pelous et Imanol.
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Fred solidaire avec les Conti.
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“Je vous ai vu jouer dans Le Roi Lion.”
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