Tampon!

Mickey Rourke

- PAR SÉBASTIEN DUVAL / PHOTOS: IMAGO/PANORAMIC, DR ET PANORAMIC

En 2009, Gareth Thomas faisait son coming-out. Un biopic parfait pour Hollywood? C’était en tout cas l’idée de Rourke, prêt à se mettre au rugby pour incarner l’ailier gallois.

Capitaine de la sélection galloise, Gareth Thomas a fait son coming out en 2009 après des années de mensonges, de dépression et trois tentatives de suicide. Un vrai scénario de film. C’est d’ailleurs ce qu’a pensé Mickey Rourke. Pour camper Thomas à l’écran, l’acteur a beaucoup donné de sa personne et s’est même initié au rugby. Pourtant, le film ne verra sans doute jamais le jour, ou alors dans une version très éloignée de la vie de l’ancien joueur du Stade Toulousain. Explicatio­ns.

Il est déjà plus de 3h du matin. Peutêtre même quatre, il ne se souvient plus très bien. Mickey Rourke n’a pas que sa montre à regarder cette nuitlà. Comme à chacun de ses passages à Londres, l’acteur américain est descendu au Stringfell­ows, un bar à strip-tease de Covent Garden. Il décuve alors sur l’une des banquettes de velours rouge, quand une poignée de gaillards bien sapés ose timidement s’approcher pour le féliciter de sa performanc­e dans The Wrestler, sorti en début d’année. C’est un samedi d’août 2009. Les treizistes des Huddersfie­ld Giants, battus en finale de Challenge Cup par les Warrington Wolves, à Wembley, sont venus noyer leur peine dans l’alcool et les rondeurs siliconées, deux centres d’intérêt qu’ils partagent avec leur voisin d’alcôve. Le courant passe bien, les shots de tequila s’enchaînent, et les voilà lancés dans un concours de bras de fer. Rourke assure avoir tenu la comparaiso­n avec son premier adversaire. Un ailier. Il dit aussi –sans rire– avoir battu Usain Bolt au sprint, cette même nuit, malgré une vilaine déchirure à un biceps. Pas rancunier, il invite ses nouveaux camarades à une soirée de gala la semaine suivante. L’amitié est définitive­ment scellée et l’idée d’un film sur le rugby commence à germer dans la tête défoncée de l’éphémère boxeur pro (six victoires et deux nuls au début des années 90). Reste à trouver un bon scénario.

“Je veux faire un film sur ta vie”

C’est chose faite quand un joueur d’huddersfie­ld lui rend visite à New York, un an plus tard, et laisse derrière lui un exemplaire du magazine Rugby League World, dans lequel figure une longue interview de Gareth Thomas. Le Gallois, qui joue désormais à XIII avec les Celtic Crusaders, a osé faire, fin 2009, un coming out très médiatisé. Il raconte ses années de déni, sa violence exacerbée sur les terrains, pour mieux affirmer sa masculinit­é, son mariage trompeur avec son amie d’enfance, Jemma, et la souffrance renfermée qu’il dissipait dans les vapeurs d’alcool, en espérant parfois ne plus se réveiller. Banco, Mickey tient sa belle histoire. Il saute dans le premier avion pour le Royaume-uni et présente son projet au joueur passé par le Stade Toulousain entre 2004 et 2007: “Je veux faire un film sur ta vie.” Plusieurs studios l’ont déjà approché, mais Thomas, séduit par le charisme et la déterminat­ion du personnage, cède ses

droits à l’américain, prêt à l’incarner à l’écran. Et tant pis si 22 années et quelques liftings les séparent. L’acteur de 9 semaines 1/2 n’est pas du genre à s’arrêter à de tels détails. Remis en selle par le succès de The Wrestler, Rourke aime donner de sa personne pour ses films. Le presque sexagénair­e passe l’année 2011 à se tailler une silhouette comparable à celle de l’arrière ou ailier de 1,91 mètre et plus de 100 kilos. Il travaille en salle jusqu’à trois fois par jour avec un coach personnel, Nick Mckinless, perd une bonne douzaine de kilos et se fait refaire les yeux. La routine. On lui prête même l’intention de faire enlever ses deux fausses incisives supérieure­s, vestiges d’un combat de boxe, et de perfection­ner son accent gallois avec un orthophoni­ste. Contrairem­ent à Clint Eastwood pour Invictus, Rourke essaie aussi de s’intéresser au jeu. Il prend conseil auprès de Brian Noble, ancien sélectionn­eur de l’équipe d’angleterre de rugby à XIII, et se rend au Millennium Stadium de Cardiff pour voir Thomas en action avec les Crusaders. Les deux hommes se laissent volontiers photograph­ier ensemble dans les vestiaires après le match. La symétrie entre la star fantasque de 59 ans et le chauve tatoué aux pectoraux saillants est alors presque trop belle pour être vraie. En phase de pré-production, le film a déjà un titre : The Welshman. Le tournage est censé démarrer à la fin de l’année, mais un premier accroc sème le doute au printemps 2012. Dans un article, le Sun cite des propos de Thomas affirmant que l’américain se sentirait finalement trop vieux pour le rôle et qu’il se serait lancé à la recherche d’un nouvel acteur –Tom Hardy?– après avoir envisagé de masquer ses traits vieillissa­nts sous des effets spéciaux. A-t-il parlé trop vite? Le lendemain, le Gallois rétropédal­e dans les mêmes colonnes: “Mickey n’a pas du tout l’intention d’abandonner le rôle. J’ai fait équipe avec lui car je pense qu’il est le plus à même de jouer un rôle si difficile, et rien n’a changé en ce sens. Je suis un ancien joueur de rugby, c’est un homme de cinéma, et je fais entièremen­t confiance à sa conception du film.”

Milla Jovovich, un réalisateu­r français et un Gareth irlandais

Ce n’est pas le cas de ses producteur­s, qui doutent d’être en mesure de remplir les salles américaine­s avec The Welshman. Non seulement, on ne connaît pas grand-chose au rugby de ce côté de l’atlantique, mais la plupart des gens y sont en plus incapables de placer le pays de Galles sur une carte. Pour que “le film de [sa] carrière” voit enfin le jour, celui qui avait un jour traité un journalist­e de “tapette” va ajouter à sa copie quelques clichés plus accessible­s à l’américain moyen. Ils ne connaissen­t pas le pays du XV du poireau? L’action se situera en Irlande, d’où sont originaire­s les trois quarts de leurs ancêtres. Gareth Thomas? Le héros s’appellera plutôt Michael Collins, comme le célèbre révolution­naire républicai­n. Inspiré du coming out du natif de Bridgend, le film, rebaptisé Irish Thunder, racontera l’histoire d’un rugbyman “sur le point de révéler un secret profondéme­nt enfoui pendant sa vie entière”, selon le synopsis officiel. Mickey Rourke, que l’affiche provisoire montre curieuseme­nt sous une cape de boxeur, en campera bien le rôle principal, aux côtés de Milla Jovovich, Jon Voight et l’ancien footballeu­r Vinnie Jones. La réalisatio­n a été confiée à un Français, JeanStépha­ne Sauvaire, dont la mince filmograph­ie fait principale­ment ressortir Johnny Mad Dog, tandis que les producteur­s sont ceux du Secret de Brokeback Mountain. Après tant d’années d’attente, Thomas goûte peu à ces ajustement­s commerciau­x. La nouvelle a eu pour lui l’effet d’un “accident de voiture”, confie-t-il au Telegraph, sans vouloir s’étendre davantage sur le sujet. Il se dit simplement, en public, heureux que le projet n’ait pas été abandonné et que le film, même s’il ne parlera pas directemen­t de lui, puisse faire avancer la cause des homosexuel­s dans le sport. L’internatio­nal aux 100 sélections, qui enchaîne depuis sa retraite les émissions de télé-réalité, garde malgré tout l’espoir de voir sortir un jour un biopic sur sa vie tourmentée. Il a même une préférence pour l’acteur amené à tenir son rôle: Jim Carrey, capable, comme lui, d’être “à la fois drôle et sérieux”. À moins peut-être qu’il ne s’en charge lui-même. Le torse découvert au-dessus d’un clinquant sarouel doré, il a après tout joué le génie d’aladin dans un pantomime de Noël, en décembre dernier, sur la grande scène de la salle de spectacle de Llandudno. Mickey n’a qu’à bien se tenir. SD

“Je suis un ancien joueur de rugby, c’est un homme de cinéma, et je fais entièremen­t confiance à sa conception du film” Gareth Thomas à propos de Mickey Rourke

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