Tampon!

Infirmerie

Parce qu’au fond, on parle quand même d’un sport de voyous joués par des gentlemen. Un sport de mecs insensible­s à la douleur qui, même blessés, continuent le match. NEZ OREILLE CRÂNE

- CHARLES ALF LAFON / PHOTOS: ICONSPORT

Blessés, même là où ça fait très mal, ils sont restés sur le terrain. La douleur? On verra ça après.

JACQUES FOUROUX

Tournoi des cinq nations 1977. Deux minutes à peine que le match a débuté et voilà que le nez du “Petit Caporal” saute à cause d’un vilain Écossais. Le toubib tente de le faire sortir, arguant que la respiratio­n sera difficile dans de telles conditions. “Je m’en fous! Débrouille­toi comme tu veux. Si je sors, tu ne seras plus jamais mon ami.” L’amitié étant la clé de tout, Fouroux retourne cornaquer avec de la mèche dans le tarin.

MANU TUILAGI

S’ouvrir, se faire recoudre au bord du terrain, un peu de vaseline et ça repart: un classique du rugby. Et puis, il y a la version Manu Tuilagi 2013. Sur son premier placage, le coude de Louis Picamoles lui arrache littéralem­ent un morceau d’oreille. Plutôt que des points de suture, le centre du XV de la Rose demande un bandage, repart au combat et inscrit même un essai. L’angleterre s’impose au prix d’un lobe en lambeaux.

JAMIE ROBERTS

Pays de Galles-australie, novembre 2008. Les Gallois jouent vite un bras cassé. Stirling Mortlock monte à l’intercepti­on sur Jamie Roberts. Les deux centres se percutent à pleine vitesse, tête la première. Roberts se relève seul, alors que Mortlock est porté hors du terrain, groggy. Cinq minutes plus tard, les migraines commencent à taper dans la caboche de Jamie. Il tient dix minutes supplément­aires avant de sortir, le crâne fracturé. En même temps, avec un tel front…

NATHAN SHARPE

On approche de la fin de cet Australie-afrique du Sud de 2010, lorsque Jaque Fourie s’échappe au coeur de la défense des Wallabies. Sharpe tente de le récupérer mais rate sa cible. Ce qu’il ne rate pas, c’est un bon coup de chausson dans la tête. L’une de ces molaires s’échappe. Qu’importe, le Sud-africain va quand même au bout de la partie. À la fin du match, des membres du staff mettront la main sur la quenotte, qui retrouvera ses copines.

RORY LAMONT

Usé par les blessures, l’écossais a mis un terme à sa carrière en 2013, non sans balancer sur toutes les fois où on l’a laissé jouer contre son propre intérêt. Comme ce match où il se fracture la mâchoire au bout de dix minutes. “Ma bouche était pleine de sang, ma mâchoire à l’agonie, je me suis fait soigner et je suis resté sur le terrain. À la mi-temps, j’ai dit: ‘Écoutez, j’ai besoin de plus d’antidouleu­rs.’ On m’a répondu: ‘Si tu n’as pas envie de jouer, on te remplace par quelqu’un qui en a envie.’” Rory finit le match et convainc le doc’ d’aller à l’hôpital avec sa mâchoire en deux morceaux, tenue simplement par un muscle. Ensuite? “Aucune excuse des coachs ni du doc.”

JÉRÔME THION

Touche pour les Springboks. Après un lancer mal maîtrisé, John Smit récupère et va percuter. Face à lui, Jérôme Thion. Au moment de l’impact, le talonneur relève l’avant-bras pour une belle manchette. Le Biarrot l’emmène quand même au sol, puis se relève en se tenant la gorge. Il ne peut plus parler: fracture du larynx. Thion tient dix minutes avant d’être remplacé. Pas facile d’être capitaine sans voix.

RON ELVIDGE

Il fut un temps où les remplaceme­nts n’étant pas encore autorisés, il fallait savoir oublier la douleur. C’est ainsi que le capitaine des Blacks, Ron Elvidge, joua plus d’une mi-temps avec une clavicule fracturée face aux Lions, en 1950, son équipe étant déjà réduite à quatorze. Reposition­né en deuxième arrière, il se permit même d’inscrire l’essai de la victoire.

SEAN LAMONT

Les frangins Lamont sont solides. En 2015, le grand frère, Sean, ailier des Glasgow Warriors se disloque ainsi l’épaule sur un mauvais placage face au Munster. Ni une ni deux, il se la remet en place lui-même, au milieu de l’action. C’est important de garder la tête sur les épaules.

RORY BEST ET COLIN MEADS

En tentant de repousser une énième vague néo-zélandaise, le talonneur irlandais Rory Best se casse le bras. Qu’importe, il rejoint la ligne défensive. Un ruck? Il fait le ménage, tête la première. S’il sort quelques minutes plus tard, l’effort est louable. Peut-être était-il inspiré par Colin Meads, historique capitaine des Blacks qui finit un match dans des conditions similaires en 1970. Le soigneur lui avait parlé de “nerf pincé”.

WALTER SPANGHERO

“On recevait le Racing à Narbonne. Sur deux fonds de touche, Perron m’avait filé deux gros cartons, il m’avait vraiment bougé. Alors, je m’étais dit: ‘ Toi, la prochaine fois, tu vas voir, je vais te bouger.’ Le match continue et, subitement, j’ai un ballon. Et je me le vois, ce Perron, gros comme un départemen­t. Alors j’arrive plein fer et, au moment où je me baisse pour le faire exploser, j’accroche son genou et je me fais éclater la main. Cinq fractures, dont des ouvertes. Alors je me suis remis l’os en place, et je suis sorti voir le soigneur. Il m’a dit: ‘Oh c’est rien, c’est une entorse.’ Il m’a enroulé la main dans un bandage et j’ai continué. Effectivem­ent, il y avait cinq fractures, je suis resté 20 jours sans jouer et ma main est encore déformée.” L’interview, visible sur L’INA, est délicieuse.

WAYNE “BUCK” SHELFORD

Le héros de la légendaire “Bataille de Nantes” a payé le plus grand tribut qu’un homme puisse payer. Nous sommes alors en 1986, et le troisième ligne dispute l’un de ses premiers test-matchs avec les Blacks. Après 20 minutes de combat acharné, voilà qu’une semelle française trouve malencontr­eusement le chemin de son entrejambe, déchirant son scrotum et libérant un testicule. Il perd aussi quatre dents au passage, une paille. Réalisant la perte, il demande calmement au soigneur de le recoudre, avant d’y retourner. Il tiendra dix minutes, le temps de prendre un K.O. Aujourd’hui, Buck n’a aucun souvenir de ce match.

RICHIE MCCAW

Il y a jouer un match blessé, et il y a jouer (et gagner) une Coupe du monde avec le pied pété. Voilà la performanc­e de Mccaw en 2011. Le Néo-zélandais se casse le pied droit à l’entraîneme­nt en janvier –une fracture de stress du cinquième métatarse–, nécessitan­t la pose d’une vis, avant de remettre ça lors du match de poule contre la France. Mais Richie tient en serrant les dents jusqu’à la finale, sans le dire à personne. Des plongeons sponsorisé­s par Craig Joubert plus tard, il peut enfin passer une radio, qui montrera que la vis a en effet provoqué une nouvelle fracture, nécessitan­t une autre opération.

 ??  ?? Manu Tuilagi mordu par Mike Tyson.
Manu Tuilagi mordu par Mike Tyson.
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 ??  ?? Richie Mccaw, hors jeu.
Richie Mccaw, hors jeu.
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