Tampon!

Var Tabac

- PAR LÉO RUIZ ET GUILLAUME VÉNÉTITAY, À CARQUEIRAN­NE ET LA SEYNE-SUR-MER / PHOTOS: THÉO GIACOMETTI POUR TAMPON!

Fin octobre 2020, le RC Hyères Carqueiran­ne La Crau et L’US Seynoise s’affrontaie­nt dans le derby le plus chaud de France. On y était.

C’était à la fin du mois d’octobre 2020, juste avant que le pays se reconfine et que les championna­ts amateurs se mettent en pause. Le RC Hyères Carqueiran­ne La Crau (RCHCC) et L’US Seynoise, en tête de leur poule de Fédérale 1, s’affrontaie­nt dans un derby que tout le Var attendait. Une question de fierté et de réputation: c’est là, à l’ombre du RCT et à la lisière du profession­nalisme, que se jouerait encore le rugby le plus chaud de France. Verdict?

Dans la tribune au toit en tôle du stade André-véran, la moitié du public se lève et applaudit, l’autre gesticule et peste contre l’arbitre. Le quart d’heure de jeu est à peine passé que déjà, les locaux se retrouvent à quatorze pour le reste de l’aprèsmidi. Manu Charlier, capitaine du RCHCC, voit rouge à la suite d’un mauvais geste dans un regroupeme­nt et abandonne tête basse ses coéquipier­s. La veille, pourtant, ce solide et expériment­é deuxième-ligne faisait tout pour dédramatis­er le choc entre les deux leaders de la poule: “On le prend très au sérieux, mais on ne va pas tout chambouler pour la gagne. On n’a jamais eu autant de qualité et de repères, donc l’objectif, c’est avant tout la continuité dans notre jeu.” L’ancien joueur de Pro D2 –à Provence Rugby– qui a porté quelques années plus tôt les couleurs du rival du jour, savait pourtant que les duels entre les deux voisins varois n’ont jamais été autre chose qu’une grosse bagarre remportée par celui qui en avait le plus envie. Un derby reste un derby, surtout dans le 83, qui traîne une solide réputation de rugby le plus chaud de France. Sur le pré, Charlier n’est d’ailleurs pas le seul à dégoupille­r. Avant lui, trois joueurs étaient déjà allés s’asseoir dix minutes sur le banc, électrisan­t d’entrée un match que tout le départemen­t attendait depuis la remontée cet été de L’US Seynoise en Fédérale 1. La jauge maximale –fixée à 650 supporters– et les consignes de laisser libre un siège sur deux pour respecter la distanciat­ion physique ne résistent pas à l’envie d’en découdre d’un côté comme de l’autre. “Treizième minute de jeu, et on a déjà perdu presque toute notre première ligne. Mais c’est le jeu, on savait qu’à la première mêlée ça allait partir”, commente la pipelette Colette, bracelet, casquette, t-shirt et masque à l’effigie de L’USS, avant de s’en prendre au buteur adverse, dans un mauvais jour, et à ses “pieds plâtrés”.

L’héritage des chantiers

C’est le Var: les années ont passé, comme ailleurs le rugby s’est aseptisé, mais certaines traditions semblent envoyer en touche le virus et le temps qui passe. Se plonger dans cette rivalité, c’est remonter aux origines du rugby varois, et à l’étiquette qui lui colle à la peau. “C’est vrai qu’on a toujours eu cette image de bagarreurs, particuliè­rement ici à La Seyne”, admet Jean-marc Giraudo. Chaîne autour du cou, barbe en bouc et cheveux blancs peignés vers l’arrière, le jeune retraité tape mécaniquem­ent sa cigarette sur l’arrière de son paquet. Il fait partie des Boumians de la Mecque, une associatio­n d’anciens joueurs de L’US Seynoise toujours actifs au club ,“le plus vieux de la Côte d’azur”. “Victor Marquet, un Parisien venu s’installer ici pour bosser dans les chantiers navals, a créé l’équipe en 1902. Il jouait au rugby au lycée Lakanal et voulait continuer à pratiquer ce sport dans la région. Le premier match de L’USS, c’était contre la section rugby de L’OM. Puis il y a eu une scission, certains sont partis à Toulon et le RCT est né”, débite Giraudo devant les grilles du stade Marquet, alors que les Seynois répètent leurs gammes à deux jours du derby. Depuis les gradins, la vue offre un aperçu de l’architectu­re locale, des barres de HLM aux grues longiligne­s du port. À l’âge d’or des chantiers, près de

8 000 ouvriers s’y agglutinai­ent, dont une

partie venait se défouler au stade le weekend, sur le terrain ou en tribune. “Quand tu arrives ici, tu sens tout cet héritage, qui fait l’identité du club et de la ville. Avant de signer, on m’avait dit: ‘ Tu vas chez les fous, on jette les mecs dans le port là-bas’”, rigole Joffrey Pouilles, consultant qualité chez Naval Group et centre de L’USS depuis sept ans, après une formation chez les espoirs du Montpellie­r Hérault Rugby.

Sur le marché du centre-ville aux murs décrépis, les nostalgiqu­es revivent inlassable­ment les exploits d’un club qui a connu ses plus belles pages dans la deuxième partie des années 1970, peu après avoir été rattrapé par ce que Jean-marc Giraudo qualifie de “passion un peu débordante”. “À la suite d’un match houleux de troisième division, perdu 4-3 contre Toulouse Lalande, le club a été lourdement pénalisé, avec des suspension­s à vie, des sanctions financière­s et une rétrograda­tion. Heureuseme­nt, on a toujours été soutenus par les chantiers, qui avaient même affrété une micheline rien que pour nous”, retrace l’historien maison. L’USS rebondit et enchaîne sur les “trois glorieuses” –champion de France Honneur 1976, champion de France de troisième division 1977, puis finaliste du championna­t de deuxième division 1978–, avant de se stabiliser à l’ombre de l’élite et de son représenta­nt local, le tout puissant RCT. Avec la fermeture des constructi­ons navales à la fin des années 1980, le club devient le porte-drapeau d’une ville frappée par le déclin économique, et entend préserver sur le terrain

“les valeurs de combat et de courage des anciens des chantiers”, qui ont façonné l’identité du rugby local sur toute la côte varoise, de SixFours-les-plages à Carqueiran­ne, en passant par La Valette.

Belles plages, village gaulois et tribunes dégarnies

Cette identité, César Damiani la connaît par coeur, lui qui chez les jeunes a “toujours baigné dans ces petits derbys très chauds”, avant d’aller faire une carrière honorable dans le

Sud- Ouest, entre Top 14 (Stade Toulousain, Biarritz Olympique) et Pro D2 (Albi, Mont-deMarsan). À 34 ans, le deuxième-ligne a décidé de rentrer dans sa région natale, coupant avec un monde pro qui a fini par l’éreinter. “J’avais envie de retrouver un club familial, de jouer avec des mecs qui ne se prennent pas pour d’autres, qui ne sont pas là pour enchaîner les matchs et les contrats”, justifiet-il depuis une place ensoleillé­e de la Farlède, commune privilégié­e des joueurs du RCHCC. Ici, dans l’est toulonnais, l’ambiance est plutôt à la baignade, aux champs de violettes et aux plateaux de gambas qu’à une quelconque nostalgie d’un passé ouvrier. “C’est plus riche de ce côté-là qu’à La Seyne, c’est sûr. Il y a les belles plages, l’île de Porqueroll­es en face”, résume l’homme aux trois matchs de H-cup avec le maillot du BO. En reconversi­on, Damiani, formé au pôle espoirs de Hyères, a trouvé un point de chute idéal pour finir sa carrière tout en continuant à être ambitieux et à vivre du rugby. Stabilisé en Fédérale 1 depuis plusieurs années sous la houlette de Grégory Le Corvec, le RCHCC, une alliance entre trois clubs du coin, vise désormais plus haut. “L’objectif, c’est la Nationale dès l’année prochaine”, affiche l’ancien usapiste, qui savait faire régner l’ordre dans les rucks et s’y connaît un peu en rugby musclé. Avec cinq victoires lors des cinq premières journées, l’équipe est dans les temps à la veille du derby contre des Seynois eux aussi jusque-là invaincus. “C’est le club rival, la suprématie du départemen­t est en jeu, situe Damiani. C’est vrai qu’à La Seyne ils ont cette image de club de voyous. Quand j’étais minot, c’était tendu là-bas, pour ne pas dire dangereux. C’est aussi caractéris­tique de ce rugby varois, plus âpre et frontal qu’ailleurs. Dans le SudOuest, on m’appelait toujours ‘ le Fada’.”

César et ses coéquipier­s le savent: si le derby entre les deux premiers du championna­t est l’événement du week-end dans le départemen­t, la fête ne sera pas totale. Et pas seulement à cause du virus. “Pour l’instant, les gens n’adhèrent pas trop au projet. C’est un peu décevant, mais ça viendra sans doute avec les résultats”, constate le Nantais Romain Levêque, débarqué dans la région en 2015 après sept années passées entre Agen et Carcassonn­e. C’est un fait: grosses affiches mises à part, le stade André-véran sonne creux les jours de match. La faute à cette foutue piste d’athlé qui éloigne le public de l’arène, mais aussi et surtout à une alliance entre anciens clubs rivaux pas bien vécue par ceux qu’alain Brenguier, président du club et à l’origine de la fusion, appelle “les sans cerveaux”. “Au début, c’était la guerre, mais ce rapprochem­ent était indispensa­ble pour faire jouer nos jeunes à un niveau plus élevé”, défend l’entreprene­ur local, à la tête de la société BC Transports –22 millions d’euros de chiffre d’affaires l’année dernière–, en prenant place sur un des sièges jaunes de l’espace partenaire, au coeur de la tribune. Roland et Guy, eux, s’installent quelques rangées plus bas, observant les joueurs des deux équipes premières s’échauffer derrière les poteaux, pendant que le duel accroché entre les espoirs fait doucement monter l’ambiance dans les gradins. Ces deux anciens premières-lignes font partie des rares Carqueiran­nais à faire tous les week-ends le court déplacemen­t jusqu’à Hyères pour venir encourager les leurs. “Sans la fusion, les deux clubs seraient en cinquième série, mais les anciens ont boudé. C’est comme ça, à Carquei, on est un peu un village gaulois”, explique en haussant les épaules Roland, champion de France Honneur en 1972 avec L’US Carqueiran­ne et ex-gérant du Zen, repère des troisièmes mi-temps et des passionnés d’ovalie. Prisé pour son panorama sur la Méditerran­ée et réputé pour le prix de son mètre carré –un des plus chers du départemen­t–, ‘Carquei’ accueille autour de son port de plaisance toutes les stars du RCT, de Sergio Parisse à Charles Ollivon, le capitaine de l’équipe de France. “On a même Boudjellal, précise Roland, survêtemen­t noir du Pays de Galles sur le dos. Mais l’enfant du village, c’est Yo (Maestri). Il a débuté ici avec nos gamins et passe nous voir dès qu’il le peut.”

La fidélité des Fickou

Dans la tribune d’en face, Colette et sa bande de joyeux drilles, habitués du stade Mayol, n’ont que faire des accointanc­es de leurs idoles avec “les richous de Carquei”. “Ici, on est à Hyères, et Hyères, c’est le foot, le basket, le volley, mais certaineme­nt pas le rugby”, attaquent les supporters de L’USS, éludant toutefois les cinq saisons dans l’élite du Rugby Club Hyérois dans les années 1980. Les Seynois ont d’ailleurs eux aussi leur digne représenta­nt dans le XV de France, en la personne de Gaël Fickou. Celui-ci, à seulement 26 ans, est même le président du club, une fonction qu’il exerce à distance et qu’il partage avec son frère, Jérémie, patron du Père Louis, un restaurant haut de gamme ouvert sur la corniche, face à la baie de Toulon. Après avoir repris en main leur club d’enfance la saison dernière, les deux frangins ont fait l’unanimité en quelques mois: remontée immédiate en Fédérale 1, développem­ent des partenaria­ts, recrutemen­t pimpant – Marc Andreu, Laurent Magnaval, Hansie Graaff, Richard Fourcade–, nouvelle salle de musculatio­n. Depuis le début de saison, les néo-dirigeants se sont aussi mis le public dans la poche avec une politique d’entrées gratuites pour tous les matchs à domicile. “Ça nous tenait à coeur, toutes les familles n’ont pas 30 euros à mettre pour aller au stade”, justifie Jérémie, les mains enfoncées dans une large veste Nike. Originaire­s de la cité Berthe, construite dans les années 1960 au nord de la Seyne-sur-mer pour loger les ouvriers des chantiers, les Fickou assurent vouloir rester fidèles à l’identité populaire du club en allant

Dernier scandale en date: la confrontat­ion d’octobre 2018 entre les équipes espoirs. L’un des joueurs du RCHCC, soigné à l’infirmerie, avait contre-attaqué à coups de ciseaux alors que des Seynois étaient revenus à la charge

chercher des jeunes joueurs et concurrenc­er le foot au coeur du quartier. “On a investi un local, où on propose des activités autour du rugby, de l’aide pour les devoirs, des goûters. Nous, on a grandi là, donc on veut donner aux gamins la chance de pouvoir faire comme nous. C’est aussi une tendance de notre rugby, il suffit de regarder l’équipe de France actuelle. Tu as des mecs de Massy, de Bobigny, de Saint-denis”, expose Jérémie Fickou. Dans son effectif, l’ancien pilier compte quelques gars du cru, à l’image de Mehdi Boulahsen, ami d’enfance de la famille Fickou et gérant d’un bar-tabac dans le centre de la Seyne. “Je dormais tout le temps chez eux, je fréquentai­s beaucoup la cité, on allait à la plage des Sablettes ensemble, rejoue l’ailier de 25 ans. Aujourd’hui, Gaël apporte la lumière sur le quartier, et grâce à l’action du président, le rugby est désormais le sport numéro un sur place.”

Dans le camp adverse, un tel storytelli­ng est balayé par Grégory Le Corvec. “Le coup de la cité Berthe, c’est rigolo, mais un peu surfait.

J’ai du respect pour La Seyne. C’est un club à part, mais ils en jouent”, taquine l’ancien troisième-ligne. Revenu comme joueur en

2012 après onze ans du côté de Perpignan, Le Corvec a imprimé sa patte sur le RCHCC. En cinq ans à la tête de Hyères, il a structuré les espoirs, l’équipe première, et obtenu un titre de champion de Fédérale 2 en 2017. “Il y a désormais une culture de la gagne. Tout le monde est sérieux, c’est un club sain”, assure le manager. Le RCHCC se retrouve désormais dans un entre-deux un peu bâtard, ni vraiment pro, ni vraiment amateur. Deux tiers de l’effectif vit du rugby, le budget atteint 1,6 millions d’euros, mais Le Corvec doit batailler auprès des élus pour effectuer des travaux et obtenir une salle de muscu digne de ce nom. Le stade André-véran, bordé par la terne départemen­tale 98, fait toujours pâle figure à côté de l’enceinte du Hyères Football Club, plantée à moins d’un kilomètre. “Il manque cet engouement ici, mais il y a du potentiel. Il faut également une volonté politique de faire un deuxième gros club dans la région”, avance l’ex-joueur de L’USAP. Si le RCHCC monte en Nationale, il devra choisir entre s’offrir une ambition au plus haut niveau ou plafonner dans l’antichambr­e. Le dilemme s’applique aussi à Le Corvec, titillé par le monde pro – le RCT lui a proposé d’entraîner les espoirs l’été dernier–, mais attaché à ce rugby de clocher. “Je mets cet esprit constammen­t en avant, il faut que ça perdure.” Même paradoxe à La Seyne-sur-mer. Le club des Fickou a beau surfer sur son identité, son centenaire ou les dockers, il n’échappe pas au mouvement de fond. Son budget est quasiment similaire à celui de son rival, et aligner sur le terrain des anciens pros comme Hansie Graaff ou Marc Andreu en dit long sur ses ambitions.

La baston et les amendes

Le rugby varois n’a pas échappé à la révolution qui a happé le monde de l’ovalie depuis la fin des années 1990. Assis un peu plus haut et en tenue de match, Juan Lemos Jensen cache mal sa frustratio­n. L’argentin de 26 ans est privé du derby à cause d’une blessure au mollet. Il est un symbole de cette touche internatio­nale qui colore de plus en plus les premières divisions amateurs. Lui entame sa troisième saison à “Carquei”, sa cinquième en France après deux premières expérience­s dans le rugby du Sud- Ouest, à Saverdun en Ariège, puis à Saint-sulpice-sur-lèze en Haute- Garonne. Derrière son visage poupon, le meilleur ami de Facundo Isa n’est pas dupe: “Ici, on a des Géorgiens, des Fidjiens, des Samoans. Pour les clubs de Fédérale 1, il est plus facile de recruter un étranger que de faire monter un junior.”

Aisé aussi de trouver un arrangemen­t qui convient à tout le monde. Le Sud-américain bosse comme jardinier pour le camping du président. “D’ailleurs, on me dit qu’il arrive souvent à la bourre au travail”, raille Jo, en bas de la tribune, devant le portrait d’andré Véran. Jo, accessoire­ment père de Greg Le Corvec, est un des gardiens du temple, une de ces figures qu’on chérit parce qu’elles font le sel du rugby amateur. Il est l’intendant du club, autrement dit l’homme à tout faire. “Je donne juste un coup de main”, souffle-t-il. Dès 10 heures, le gaillard au crin blanc est déjà là pour réceptionn­er les fûts de bière, le café pour la buvette et évoquer avec nostalgie le rugby varois d’antan, des pognes et des châtaignes, avant que les moeurs changent. Manu Charlier prend le relais: “Je me souviens d’un pugilat lors d’un match entre La Seyne et L’US Tyrosse. Eurosport, qui diffusait le match, n’a plus voulu entendre parler de Fédérale 1.” Les amendes et sanctions ont été durcies. Certains ont payé pour apprendre. “Il y a trois ans, j’ai été attrapé dans une échauffour­ée et j’ai pris douze matchs de suspension”, indique Mehdi Boulahsen. Dernier scandale en date: la confrontat­ion d’octobre 2018 entre les équipes espoirs. Le match avait été arrêté à la suite d’une rixe géante. L’un des joueurs du RCHCC, soigné à l’infirmerie, avait contreatta­qué à coups de ciseaux alors que des

Seynois étaient revenus à la charge. Enquête de police, minot viré, gros titres de la presse: l’affaire a laissé des traces. “Sur le coup, ça avait jeté un froid”, avoue Boulahsen.

Cette fois-ci, l’opposition entre les espoirs reste sage. Autour, il y a l’effervesce­nce des jours de derby. Le stade rempli bien avant le coup d’envoi. Les bières enfilées à la buvette blindée, juste derrière le grillage de la piste d’athlé, les regards dans les tribunes pour jauger la présence des supporters adverses. “Comme prévu, ils seront nombreux”, précise Jo, conscient de l’importance des retrouvail­les pour le voisin. Et il y a cette pandémie qui habille le décor. Jauge limitée, masques chirurgica­ux sur le nez, et le sentiment flottant que la vie va de nouveau s’arrêter, au lendemain de la mise en place du couvre-feu dans le Var. “Ce fut une année de disette. Est-ce qu’on arriverait à supporter un deuxième confinemen­t? Avant de parler du sportif, je parle des humains. Il faut tenir un club, faire manger tout le monde”, se plaint Alain Brenguier. Le derby agit alors comme une thérapie, un symbole intemporel de l’identité du rugby varois. D’ailleurs, le début de match surchauffé entre deux équipes toujours invaincues réveille les vieilles animosités. Le jeu au pied de Hansie Graaff permet souvent aux Seynois de respirer. À la

37e minute, nouveau carton jaune pour L’USS. “Sans ça, ce n’est pas un derby”, ricane Colette dans les gradins. “Tiens, regarde. C’est pas Patrice Collazo là-bas derrière la rambarde? Bon, on ne va pas aller le déranger.” La crème du rugby départemen­tal assiste au derby, signe du mythe qu’il charrie. L’entraîneur de Toulon, natif de La Seyne, épaisse parka noire, est présent au bord de la piste d’athlé, presque incognito. “Plus jeune, je ne l’ai pas vécu ce match. C’est bien que La Seyne soit remontée en Fédérale 1. Maintenant, il faudrait une deuxième grosse équipe dans le coin, avec une montée en Nationale”, estime-t-il, attentif à la performanc­e des avants. “Je connais bien les Fickou et je viens coacher une fois par semaine la mêlée seynoise”, confesse-t-il. Les rouge et bleu, qui terminent eux aussi à quatorze après un énième carton jaune, semblent avoir retenu ses conseils et répondent au défi physique. Mieux: alors que le score est de 20 partout, à la 80e, Laurent Magnaval envoie un dernier coup de pied entre les poteaux et offre le derby à La Seyne-sur-mer. Carton plein après la victoire des espoirs en lever de rideau. “On a perdu ce match à la 16e minute avec le rouge”, rumine Jo. Son fils passe de longues minutes dans le gris des vestiaires, la mine défaite.

Les joueurs de L’USS sortent eux rapidement, impatients d’aller fêter la victoire. Couvrefeu ou pas. “Jérémie Fickou va nous envoyer par texto l’endroit secret pour la bringue”, fanfaronne Mehdi Boulahsen, qui repart avec un bel oeuf sur le front. TOUS PROPOS RECUEILLIS

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