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# Silence=Mort

Retour de Michel Franco à Un Certain regard avec Les Filles d’avril, drame de mère possessive jusqu’au délire et de filles en quête de résistance.

- LÉONARD HADDAD

Dans la famille Haneke, le Mexicain Michel Franco est le fils prodigue, le plus doué, celui que l’on sent capable d’échapper à la voie de son maître. Tous ses films procèdent de la lente élucidatio­n d’un drame en devenir, déshabillé scène après scène par des protagonis­tes aux bras ballants et aux yeux vides, qui se suivent en voiture, se recherchen­t d’une ville à l’autre, se volent les vies les uns des autres, parce que le passé partagé est trop dur, les blessures trop profondes, les traumas trop aigus. Le style stalker de Franco n’est pas agréable, mais il peut être beau, lorsqu’il parvient à résister à sa religion du choc terminal pour rester dans une douleur sourde et malchanceu­se plutôt que criarde et sentencieu­se. C’était le cas dans Despues de

Lucia, son plus beau film, une histoire de vengeance inutile, regrettabl­e, regrettée. Et sans doute encore plus ici. Après la rechute morbide Chronic,

Les Filles d’Avril serait presque un film guilleret. Dans un premier temps, on ne sait trop pourquoi les filles d’Avril (Emma Suarez) n’appellent pas leur maman à la rescousse lorsque la plus jeune (16 ans) tombe enceinte. On ne sait trop pourquoi son ancien mari paniqué ferme à double tour et descend les rideaux quand elle sonne à sa porte. Petit à petit, le voile se lève sur cette femme dominatric­e, toute en occupation de l’espace et dévoration de sa propre progénitur­e, à qui elle volera l’enfant, l’amant, la maison, la vie-même, sans penser que quiconque puisse lui résister. Les

Filles d’avril marque l’inversion du système Franco, l’entrebâill­ement d’une porte qui permet d’entrevoir une lueur au bout du tunnel, une résistance, peut-être même un espoir. La victime n’est plus forcément consentant­e, elle n’est pas nécessaire­ment sans défense, une réaction est encore possible. Peut-être même un happy end ? Ce serait le jour pour ça.

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