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L’ami américain
Wind River, premier long du scénariste superstar Taylor Sheridan, où il continue de scruter l’Amérique d’ici et maintenant depuis les cimes des mythes folk éternels.
Sicario, Comancheria, Wind River. Les titres claquent, évidents, aussi évident que le rythme métronomique avec lequel on les découvre (trois sélections cannoises d’affilée depuis 2015), aussi évident que l’irrésistible ascension de leur auteur, Taylor Sheridan, l’un des rares scribes adulés du nouveau siècle à ne pas être issu du vivier de la télé câblée. Un type dont on guette la signature comme les spectateurs 70’s attendaient sans doute celle d’Alan Sharp, quand celui-ci enchaînait The Last Run, Fureur
Apache et Night Moves. Le risque, ce serait d’espérer de Wind River qu’il ait l’ampleur d’un troisième film – n’oublions pas que ce n’est qu’un coup d’essai (un sacrément bon, d’ailleurs). Le paradoxe, c’est qu’on le savoure pourtant, surtout, comme une nouvelle pièce du puzzle Sheridan, la conclusion de ce qu’il appelle sa « trilogie de la Frontière américaine moderne ». Sicario explorait l’espace qui mène d’El Paso à Juarez,
Comancheria ressuscitait les fantômes des frères James dans le Texas des vautours capitalistes. Ici, Jeremy Renner traque le salopard qui a laissé crever une amérindienne par -15 dans les étendues enneigées du Wyoming. Du point des obsessions topographiques et climatiques de leur auteur, c’est un triomphe. La cartographie de la scène de crime, le bruit des pas dans la neige, cette putain de météo qui donne envie de se défoncer à la meth, l’étiquette du magasin sur la doudoune toute neuve d’Elizabeth Olsen… Un miracle d’observation socio, de caractérisation minutieuse, de conversations amères retentissant dans l’immensité désolée, soit tout l’arsenal poétique « habituel » de Taylor Sheridan, au milieu duquel se loge une scène de fusillade de première bourre qui prouve que cet homme n’est pas doué qu’avec une machine à écrire.