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Paroles et musique

Naomi Kawase, 8h30, dodo, le piano d’Ibrahim Maalouf, bobo. Vers la lumière, joli titre, presque un joli film, mais pas tout à fait non plus.

- LéONARD HADDAD

La théorie est belle : une fille écrit des audio-descriptio­ns de films à destinatio­n des aveugles et mal voyants. Elle cherche les mots pour décrire les images, les mots justes, suffisamme­nt évocateurs pour donner des visions à ses auditeurs, suffisamme­nt neutres pour ne pas se les approprier ou leur voler leur imaginaire. Quelques scènes réussissen­t à traiter joliment du lien complexe entre texte et cinéma : les descriptio­ns après coup (qui détaillent des plans déjà tournés) sont comme les bribes d’un scénario plus que parfait, qui n’aurait pas besoin d’être mis en scène, parce que ses mots seraient déjà des images. La théorie est belle, oui, presque méta, mais le film se contente justement de la « dire » en paroles, plutôt que de la transcende­r avec ses images. Comme souvent (et comme plusieurs fois déjà depuis le début de ce festival), c’est le « film dans le film » qui est en cause, sans dimension, sans trouble, sans aucune poésie. Les audio-descriptio­ns sont plus belles que lui, comme si les personnage­s perdant la vue ne rataient pas grand-chose, finalement. On est à peu près certain que ce n’était pas l’idée… Pendant que les images faiblissen­t, le piano de Maalouf glissande, crescende, il surligne tout, il annule tout, il se veut l’émotion elle-même mais l’asphyxie en permanence. Les images trop basses, la musique trop haute, seuls les mots au bon endroit… Vers la lumière est un film très doux, un poil trop, qui essaie comme il peut de rester en équilibre sur le fil tendu entre grâce et mièvrerie. Il ne tombe jamais tout à fait, c’est vrai, mais presque à chaque fois qu’il penche, c’est du mauvais côté.

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