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Journée off

Le Jour d’après est surtout celui où l’art de la réminiscen­ce dont Hong Sang-soo a le secret décide de poser son RTT.

- YAL SADAT

On a toujours eu l’impression, confirmée en bavardant avec les fans hardcore du Garrel coréen (ils sont peu nombreux, mais ils parlent français) que la puissance des discussion­s flâneuses vues dans ses films tenait à leur principe gigogne. Un dialogue amoureux ne vaut pas seulement pour lui-même, il en contient toujours mille autres. Exemple : un quadra élégant mais crevé est assis dans un boui-boui face à une jolie étudiante ; on observe leurs profils sculpturau­x, la bouteille de soju entre eux qui coupe le plan en son milieu et, à mesure que dure la séquence, on se souvient d’autres discussion­s qu’on a eue, nous aussi, autour d’une bouteille, à toutes celles qu’on aura, à celles des précédents films de Hong Sang-soo avec un autre quadra crevé et d’autres étudiantes, on finit même par se souvenir de scènes de marivaudag­e que Hong Sang-soo n’a pourtant jamais écrites – c’est que le soju fait effet sur nous, on se met à halluciner doucement la vie, et le cinéma avec. Dans Le Jour d’après, il y a encore des face-à-face entre un bel homme fatigué et plusieurs jeunes femmes, filmées de profil, dans un noir et blanc un brin cosmétique. Mais cette fois, on reste désespérém­ent englué dans le présent, n’ayant plus que la chronologi­e erratique et artificiel­le du montage pour se perdre à la jonction du souvenir, du présent et du fantasme. C’est dommage : quand ses amourettes sont plus incarnées, Hong n’a nul besoin de faire joujou avec le temps pour semer son spectateur dans sa propre mémoire.

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