Technikart - Technikart - SuperCannes
CANNAL HISTORIQUE
UNE SÉRIE TÉLÉ À CANNES ? Les séries ont elles leurs places à Cannes ? Peut-ont découvrir pour la première fois un film sur son écran d’ordinateur ? Twin Peaks tranche ses débats qui anime le Festival en proposant un objet hybride qui transcende les défin
Le grand sujet de ce Festival n’est pas la qualité des oeuvres, le renouvellement des auteurs, les thématiques récurrentes, mais plutôt la distribution / diffusion des films ou pour le nommer autrement la sacrosainte Chronologie des médias. A la veille de la projection à Cannes des deux premiers épisodes de la saison 3 de Twin Peaks - ou au surlendemain de leur diffusion aux Etats-Unis - qu’en est-il ?
Tout d’abord, penser que le long métrage a toujours été le format du cinéma est une ineptie absolue. Dans le cinéma des premiers temps (avant 1915), et dans le cinéma muet en général (avant 1930) différents formats cohabitaient. Les premières stars de cinéma furent des comédiens/personnages récurrents de films courts : Max Linder en France, Fatty Arbuckle, Buster Keaton et bien sur Charlot aux Etats-Unis… Alors que Fantômas, Les Vampires ou Judex (de 1913 à 1916) imposent Louis Feuillade et ses sérials dans lesquelles le public suit les aventures de protagonistes récurrents. Ne sont-ils pas les ancêtres de nos séries ?
Plus près de nous certains cinéastes utilisèrent leur nom comme une marque de cinéma qui pouvait se décliner dans d’autres médias. La fameuse série « Hitchcock Present » (1955-1962) reste une matrice majeure de la série télé moderne. Coppola lui aussi a bien compris l’interaction féconde ! Déclinant une oeuvre proposée sur deux supports différents, il fait successivement Le Parrain 1 (71), le Parrain 2 (74) et la série TV en 4 épisodes Le Parrain (77). Puis Le parrain 3 (90) qui devait permettre de mettre en boîte une série de 9 épisodes de 50 min en 2002… Épisodes que nous attendons toujours.
D’autres cinéastes ont démontré leur goût de la sérialité : François Truffaut avec son oeuvre autour d’Antoine Doinel/ Jean-Pierre Léaud : Les 400 coups (59), Antoine et Colette (Court-métrage, 62), Baisers volés (1968), Domicile conjugal (1970) et enfin L’amour en fuite (1979). Six films sur 20 ans, une série plus longue qu’Urgence ? Alors que le tournage du film Boywood de Richard Linklater (2015) s’est étalé sur plus 10 ans, dispositif troublant.
Donc rien de si nouveau sous le soleil cannois avec la projection de la troisième saison de Twin Peaks. Mais en fait si, car quand Lynch accepte de réaliser Twin Peaks à l’aube des 90’s il crée une machine qui n’a rien avoir avec les séries d’alors. Un monstre composé de deux saisons (90-91) et d’un film (92) qui raconte les 7 derniers jours avant le début de la saison 1… Un univers suffisamment fort pour être réactivé 25 ans plus tard. Et attendu depuis deux ans comme rarement l’a été un film ou une série. La chronologie de l’immédiat c’est ça : on veut revenir à Twin Peaks séance tenante.
Au début des années 20, deux des premiers théoriciens français du cinéma ont cherché à définir comment nommer les personnes qui font des films. Louis Delluc proposa « cinéaste », Ricciotto Canudo penchait plutôt pour « écraniste ». Delluc a gagné, mais aujourd’hui, la question se repose. Sur grand comme sur petit écran David Lynch est l’écraniste que nous attendons tous.