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«ON SERA ENCORE VIVANT À LA FIN DU TOURNAGE ? »

Salim Shaheen, le « Ed Wood afghan », l’homme aux 110 films, s’éclate à présenter Nothingwoo­d sur la Croisette, le docu que lui a consacré une journalist­e française et qui le starifie en bonimenteu­r flibustier et cinéphage trompe-la-mort.

- FRéDéRIC FOUBERT

Alors, Cannes ? J’en avais beaucoup entendu parler, c’est le rêve de tout réalisateu­r de venir, donc je suis très fier. Mais je ne suis pas là que pour moi, je représente le peuple afghan ici. À quoi ressemble votre emploi du temps depuis que vous êtes arrivé ? Je réponds à des questions toute la journée et je ne dors pas de la nuit. C’est dur, mais un réalisateu­r doit être prêt à affronter toutes les difficulté­s. J’espère retourner dans mon pays avec beaucoup d’honneur. Ce film, c’est le seul ici qui montre la douleur et les difficulté­s de la vie en Afghanista­n. C’est vrai, on vous voit tourner vos films fauchés au milieu des attentats, des lapidation­s, de la peur, des menaces des talibans, mais ce qu’on en retient surtout, c’est votre joie hallucinan­te dès que vous vous emparez de votre caméra. Ou que vous vous mettez devant pour faire un numéro Bollywood ou faire semblant d’abattre des hélicos au lance-roquettes… Eh, qu’est-ce que je peux dire ? Quand on sacrifie sa vie au cinéma, c’est qu’on espère qu’il va vous donner beaucoup de joie en retour. Aujourd’hui, huit cents personnes m’ont fait une standing ovation. Je prends, je prends. On va ramener un peu de joie et d’énergie au pays. Dans le film, vous hurlez à un moment : « C’est le cinéma ou la mort ! » C’est votre credo ? Oui. Avec mon équipe, quand on entame un nouveau film, on ne sait jamais si on sera vivant à la fin du tournage. On se demande chaque jour si on ne va pas être tué dans un attentat, si on ne va pas être kidnappé. Alors, quand on arrive à en finir un, c’est la fête. C’est comme un mariage. Dans le monde entier, des gens tournent des films avec beaucoup de moyens. Nous, on n’a pas d’argent, juste nos sentiments et les trucs du quotidien. On vous décrit maintenant comme le Ed Wood afghan mais vous m’avez surtout fait penser à Menahem Golan… Ça me dit quelque chose. Il vient d’où ? C’est années un 80, producteur­il a fait plein des de films Norris, d’action Charles avec Bronson, Chuck il était parlait un fort peu et commeavec toujoursvo­us, il plein projets… d’enthousias­me de ses J’ai beaucoup d’énergie, c’est vrai. Il a aussi réalisé Over the Top avec Stallone… Rambo !!! C’est votre héros ? Oui. C’est le meilleur acteur. Tout le monde l’aime. J’ai beaucoup regardé les Jackie Chan aussi, les Van Damme et les Schwarzene­gger, quelques films français quand j’étais enfant et beaucoup, beaucoup de films indiens. Ce terme, « Nothingwoo­d », il est de vous ? Oui. Un jour, on m’a dit : « C’est quoi

ton cinéma ? » et comme je tournais sans aucun moyen, j’ai dit : « Bah, voilà, c’est ça : c’est rien-wood. » Ha ha ! Dans Nothingwoo­d, on vous voit en train de mettre en boîte votre 111e film. Vous en avez tourné d’autres depuis ? Il y en a trois qui sont en cours de tournage. Un film d’horreur, un film d’amour et un film sur un jeune qui a fait beaucoup d’études mais ne trouve pas de travail. Comment vous viennent vos idées ? Je connais les gens, je sais ce qui les intéressen­t. Surtout les jeunes. La base, c’est de faire des films qui parlent aux gens. Qui leur apprennent quelque chose ou qui les divertisse­nt. La comédie, de belles histoires ou des sujets de société. Mais pas des films politiques. Ça, c’est trop ennuyeux ! Je suis une superstar dans mon pays, vous savez. Quand on tournait Nothingwoo­d, même quand la situation était tendue, les policiers ne nous embêtaient pas, on allait où on voulait, parce que les gens m’aiment, me respectent. Shaheen, Shaheen, Shaheen… On me connaît partout. On va vous connaître partout dans le monde maintenant grâce à Nothingwoo­d… Mais on me connaît déjà partout dans le monde ! En Inde, Allemagne, ÉtatsUnis… Dans le monde entier, les gens ont des films de moi chez eux. Il n’y a qu’ici qu’on ne me connaissai­t pas. Maintenant, ce que j’espère, c’est que le festival va encourager des gens comme moi, qui font des sacrifices pour tourner des films et divertir les spectateur­s. C’est humain, de vouloir ça. J’ai beaucoup travaillé. Il y a des réalisateu­rs qui ne font que deux films dans leur vie, moi j’en ai fait cent dix. Vous vous trouvez comment à l’écran ? Je sais pas, j’ai même pas vu le film ! Je le découvre ce soir. Bon, bah, bonne projection, alors. Si tu pries pour nous, tout se passera bien. Mais attends, attends, pars pas si vite ! Je veux que tu vois mes films, que tu aies une vraie opinion dessus, que tu comprennes que je suis un vrai réalisateu­r. Regarde-les et après tu pourras me juger. Bouge pas, je vais te chercher des DVD !

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