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Le salaire du labeur

On sort doucement mais sûrement de la torpeur festivaliè­re avec Makala, docu aventureux qui s’enfonce volontiers dans la brousse.

- YAL SADAT

S’il avait fallu parier sur un film capable d’envoyer un direct dans le ventre mou du festival, on n’aurait pas misé là-dessus. Sur le papier, Makala coche toutes les cases correspond­ant à ce genre de docus « world » tellement ivres d’exotisme qu’ils en oublient parfois de faire de la mise en scène (mettez dans cette parenthèse les titres de votre choix). Mais pas ici. Emmanuel Gras a suivi les traces d’un jeune bûcheron congolais décidé à partir sur les routes arides pour vendre sa production et acheter une maison à sa famille, bravant la brousse et la fournaise. Là, vous croyez voir venir une promenade naturalist­e mais vous faites fausse road (movie). D’abord parce que notre héros se déplace à pieds, tractant une charrette bringuebal­ante sur des dizaines de kilomètres. Ensuite parce que le principe de cinéma à l’oeuvre a moins à voir avec la mobilité qu’avec le statisme : les durées distendues de la marche et des gestes concrets du labeur (l’abattage d’un arbre devient un rituel hallucinat­oire) donnent l’impression que le vertueux bûcheron progresse à reculons dans des sables mouvants, frôlé par des camions pachydermi­ques qui le renvoient à sa fatigue. Au risque, d’ailleurs, que l’impact des images ne se dilue à force de les laisser durer. Ce projet-là ne méritait pas forcément le traitement long. Alors oui, il fallait sans doute 1h36 à Emmanuel Gras pour exténuer son jeune bûcheron.. Mais le faire en trente minutes aurait été encore plus dingue.

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SEMAINE DE LA CRITIQUE

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