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DOUBLE PALME, DOUBLE PEINE ?

- JONATHAN BRODA

Presque une fois sur cinq le Festival de Cannes a attribué deux Palmes la même année. Pourquoi, comment et est-ce bien raisonnabl­e ?

Depuis 1998, il n’y a eu qu’une seule palme attribuée chaque année, quand bien même certains se la sont partagés. Abdellatif Kechiche et ses actrices Adèle Exarchopou­los et Léa Seydoux en 2013 pour la vie d’Adèle. Et, dans une moindre mesure, en 2012 Michael Haneke appela les acteurs d’Amour Emmanuelle Riva et Jean Louis Trintignan­t à le rejoindre sur scène.

Mais pourquoi avant cela y a il eu si souvent deux Palmes ? Dans presque 20% des cas. Mettons de côté les éditions 1946 (11 Grands Prix) et 1947 (6 Grands Prix) et toute la première partie des années 50 puisque le nom de Palme d’Or ne date que de 1955. Même si on peut noter que récompense­r Vittorio de Sica à égalité avec Alf Sösberg en 1951, puis Orson Welles au même niveau que Renato Castellani en 1952 semble bien déséquilib­ré.

Plus près de nous, en 1979, le jury penche pour Apocalypse Now de Coppola… Mais on entend encore les hurlements de la présidente Françoise Sagan pour que son favori, Le tambour de Schloendor­ff, reçoit également la Palme.

En 1980, c’est plus ambiance SOS médecin. Le président du jury, Kirk Douglas se fait porter pâle, pour mieux imposer son favori All that jazz, de Bob Fosse exæquo avec le Kagemusha de Kurosawa qui semblait pourtant faire l’unanimité.

On assiste également à des exæquos plus politiques : Les italiens Elio Petri (La classe ouvrière va au paradis) et Francesco Ross (L’affaire Mattei) ont tout deux séduit la présidente Ingrid Bergman en 1972. L’ex madame Rossellini demeurant semble-il toujours aussi férue de réalisateu­rs italiens…

Le cas de la Palme 1982 est troublant. D’un côté le sous estimé Missing, un film faussement hollywoodi­en qui consacre Costa Gavras, et vaudra le Prix d’interpréta­tion à Jack Lemmon… Et de l’autre le tragique Yol couronné alors que son auteur Yilmaz Güney est en prison en Turquie. Il parviendra à s’échapper mais ne survivra que deux ans à sa consécrati­on.

1993 se révèle tout aussi troublant, le Président Louis Malle co-consacre pour la première fois un cinéaste chinois : Chen Kaige (Adieu ma concubine). Et pour la première fois, surtout, une cinéaste : Jane Campion (La leçon de Piano).

Les autres doubles récompense­s se révèlent plus déséquilib­rées lorsqu’on les juge à l’aune de l’Histoire du Cinéma. En 1961, le Virdiana de Bunuel éclabousse le Festival de sa classe et Franco de sa haine. Une aussi longue absence de Colpi semble bien légé à côté, malgré un scénario signé Marguerite Duras. En 1966, le jeune Claude Lelouch et le vénérable Pietro Germi sont récompensé­s pour des films aux titres étonnement proches : Un homme et une femme et Signore e signori plus vite oublié.

Alors qu’en 1973, qui se souvient de La Méprise d’Alan Bridge, alors que L’épouvantai­l confirme le génie de Jerry Schatzberg et la main mise du Nouvelle Hollywood sur la décennie.

Mais la plus mythique des doubles palmes, c’est la dernière, en 1997. La Présidente Isabelle Adjani aime De beaux lendemains d’Atom Egoyan, et elle a raison. Mais un juré trublion, Nanni Moretti (Future Palme 2001 et Président 2012), voue un culte à Abbas Kiarostami et à son Goût de la cerise. Il énerver tout le monde mais il n’est pas le seul. Mike Leigh (Palme d’or l’année précédente) préfère L’anguille de Shoei Imamura (déjà palmé en 1983). L’anglais et l’italiens rompus aux assemblés générales du fait de leurs passés militant finissent par circonveni­r une présidente plus évanescent­e. Imamura et Kiarostami ont droit à une Palme et Egoyan doit se contenter du Grand Prix du Jury.

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