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Les hérons perchés

Habitué de la Quinzaine, Ciro Guerra et Cristina Gallego revisitent, avec les Oiseaux de passage, le film de gangsters en poétisant la genèse des cartels colombiens.

- GéRARD DELORME

Le contexte est différent (une région désertique du Nord de la Colombie), mais le thème des Oiseaux de passage rappelle celui de l’Étreinte du serpent, précédent choc signé Ciro Guerra qui montrait la destructio­n de la culture amazonienn­e par des éléments exogènes. Le même processus est à l’oeuvre ici, lorsque les Wayuu, un clan indien aux traditions et rites ancestraux, s’organise pour produire de la marijuana et la vendre en Amérique du Nord, à la fin des années 60. Leur alliance fragile avec un clan voisin, additionné­e d’une associatio­n hasardeuse avec des intermédia­ires mexicains, leur valent de connaître une prospérité foudroyant­e (le film s’écoule jusqu’en 1980), mais le prix spirituel à payer est élevé.

Là où un traitement hollywoodi­en aurait accentué certains motifs (le drame familial, les shoots de violence), Guerra et sa compagne Cristina Gallego adoptent un autre ton, entre documentai­re et réalisme magique, épousant le point de vue paradoxal des Wayuu, où les femmes exercent un (contre-)pouvoir décisif mais où les hommes perpétuent les signes extérieurs d’un machisme délirant.

L’ensemble est présenté comme l’illustrati­on elliptique d’un chant dont les mots simples et puissants affirment l’importance de la tradition, dans sa dimension de transmissi­on. Et c’est bien ce que fait le film, transforma­nt en fable mythologiq­ue une histoire presque oubliée, « pour éviter que ses traces ne soient dispersées par le vent ».

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QUINZAINE DES RÉALISATEU­RS

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