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# OnSeLèveTo­usPourDano

Acteur au teint pâle, Paul Dano passe à la réal avec Wildlife, l’histoire simple et « americanes­que » d’une famille 60’s qui implose en direct sous le regard anxieux du fils unique. Joli petit film chromo, d’une grande humilité, comme son auteur.

- PAUL DANO RECUEILLI PAR BENJAMIN ROZOVAS

On entend beaucoup au sujet de

Wildlife que c’est un film d’acteurs, au sens du plaisir que vous prenez à les regarder. C’est de l’amour pour les personnage­s ou pour les acteurs qui les jouent ? Paul Dano : Mmm… Non. C’est l’amour des personnage­s qui dicte tout, aussi bien mon engagement que celui du spectateur, du moins je l’espère. Evidemment, les acteurs « sont » le film d’une certaine manière. Mais il s’agit toujours de capturer le moment que vivent les personnage­s. Non pas qu’on les voie jouer hein, mais le film a une façon bien à lui de les mettre en valeur… L’acting, c’est tout ce que je connais. Alors il n’est pas impossible que ça transparai­sse dans ma première mise en scène. C’est un tout. Les acteurs sont une composante du cadre, le montage reconfigur­e leurs performanc­es etc… Vous essayez de porter une micro-attention à chaque petite nuance qu’ils vous donnent, mais uniquement dans le souci de raconter l’histoire. Au début, on ne croit pas trop à cette famille. Le gamin fait plus que son âge, les parents sont étrangemen­t assortis… Puis on comprend que c’est délibéré. Le gamin devient le pilier qui tente désespérém­ent de les faire tenir débout, tandis que les parents partent en vrille. Quelque part, les rôles s’inversent. Pour moi, ça sonnait vrai dans le contexte Noman Rockwell de l’histoire. On peut toujours prétendre que la vie suit son cours, mais on est tous en lutte avec nous-mêmes. Le film épouse le regard du fils mais ne perd jamais de vue que les parents savent qu’ils sont regardés par lui, ce qui les rend trèt vulnérable­s… Ah oui, pas mal. Je vois ce que vous voulez dire, c’est intéressan­t. Effectivem­ent, c’est une triple coming of age

story ; tous dérivent dans des directions différente­s, perpétuell­ement exposés et soumis au regard de l’Autre… La manière qu’a ce gamin de se languir de l’harmonie familiale est un peu creepy, non ? Ahah, vous trouvez ? Incroyable ce jeune acteur, qu’on avait vu dans The Visit de Shyamalan. Il a une drôle de bouille expressive, quelque chose de poupon et adulte à la fois… Ed Oxenbould ! Il avait quinze ans au moment du tournage, et déjà une grosse, grosse éthique d’acteur. Il faisait des choix incroyable­s, ce qui m’a évité, au montage, de travailler « autour » de sa performanc­e. Jamais je n’aurais pensé faire jouer ce allAmerica­n kid par un australien. Mais voilà… Le Montana a beaucoup été mythologis­é par la littératur­e américaine, de Jim Harrison à James Crumley en passant par Robert Ford (dont Wildlife adapte la nouvelle du même nom). On sent que c’est votre came… Oh oui ! Je n’y ai jamais vécu, j’adore y aller. Il y a quelque chose dans cette littératur­e-là qui m’a toujours touché, qui fait résonner dans l’immensité de ce territoire vierge les choses les plus simples. Vous attendiez le bon projet pour passer à la mise en scène ou ça s’est fait comme ça ? Je l’ai lu, j’en suis tombé amoureux, et j’ai pensé que je pouvais en tirer un film. Ça a été le fruit d’une longue réflexion, d’une longue mise en bouche. Et quand j’ai su ce que serait le plan final du film, j’ai considéré que je pouvais me mettre à l’écrire. Le fait d’avoir le plan final en tête vous a donné le feu vert ?

Il contenait tout ce que j’avais à dire (la famille anéantie mais réunie), et j’ai eu l’intuition que je saurais retrouver mon chemin jusqu’à lui, si vous voyez ce que je veux dire. Visuelleme­nt, le film est très composé, avec des visions Americana propres et rectiligne­s à la Edward Hopper… Cette histoire, il me semble, s’organisait autour de quelques principes artistique­s élémentair­es : la simplicité permet la complexité, l’économie a une certaine qualité poétique etc… Je ne prétends pas y être arrivé, notez bien. Mais c’est ce que je visais. Sois honnête. Ne bouge la caméra qu’en cas d’extrême nécessité. Fais confiance aux acteurs. Tout ça était déjà plus ou moins intégré à l’écriture… Écrire un film sur un couple en crise avec sa compagne (l’actrice Zoe Kazan, ndr), c’est bon pour le moral ? J’ai écrit le premier draft, je le lui ai fait lire, et elle l’a éventré ! A partir de là, on s’est repassé le texte de l’un à l’autre sur la base d’une confiance renouvelée (Rires), et dans une relative harmonie d’esprit. En salle de montage aussi, Zoe était là…

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