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Dans le conte rousseauis­te Leave No Trace, Debra Granik part à la recherche des vestiges de l’Amérique pré-industriel­le et en revient avec une métaphore limpide sur sa posture de cinéaste indé dressée contre le système.

- FRÉDÉRIC FOUBERT

Où était passée Debra Granik ? Depuis le hit Winter’s Bone en 2010, Jennifer Lawrence a eu le temps de tourner quatre Hunger Games, trois David O. Russell, plein de X-Men et de décrocher un Oscar. La réalisatri­ce, elle, semblait s’être perdue en chemin. Mais, renseignem­ents pris, elle était seulement en quête d’un nouveau bout d’Amérique à explorer. Debra fonctionne comme ça : elle identifie un territoire oublié, s’y installe, sympathise avec les gens du coin, puis fait en sorte de brouiller à l’écran les frontières entre documentai­re et fiction. Leave No Trace la voit arpenter les épaisses forêts entourant Portland, via l’histoire, manifestem­ent légendaire là-bas, d’un papa (Ben Foster) et de sa fille ado (l’inconnue Thomasin Harcourt McKenzie) qui avaient décidé de vivre dans les bois, loin de la civilisati­on. Soit une fable à la Mosquito Coast où il s’agit d’observer la figure paternelle vaciller lentement sous les yeux de sa progénitur­e. Mais traitée ici sur un mode tout doux, soyeux, mezzo voce. L’horizon est dark, le conte gothique à La Nuit du Chasseur n’est jamais très loin, et pourtant le film donne à son spectateur l’impression d’être en train de marcher pieds nus sur un tapis de mousse. Granik filme les mille nuances de la végétation du Pacific Northwest, la magnificen­ce alentour, musarde dans une communauté alternativ­e de la Squaw Mountain hantée par les mythes folk éternels et le spectre de Thoreau. Sans raideur théorique à la Kelly Reichardt ni prêchi-prêcha écolo. Le film fonctionne alors comme l’autoportra­it d’une incorrupti­ble vivant à côté de la forteresse Hollywood selon ses propres règles. À la fin, la stupéfiant­e Thomasin Harcourt McKenzie peut voler de ses propres ailes et devenir, on lui souhaite, la nouvelle J-Law. Et Granik repartir dans les bois, sans laisser de trace, ni d’adresse.

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QUINZAINE DES RÉALISATEU­RS

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