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Nostalgie de la lumière
Une (fausse) ex-idole yéyé raconte sereinement son crépuscule face-caméra dans joli deuxième film d’Alex Lutz.
« Un film français et fier de l’être », c’était l’un des cartons les plus rigolos du (deuxième) générique de début de c’est aussi le credo de portrait pris sur le vif d’un vieux chanteur « Carpentier » au crépuscule de sa vie et odyssée discrète en pleine France des restoroutes. La forme un peu usée du « faux docu » offre au rigolo télé Alex Lutz l’occasion de laisser de côté tout enrobage pour se focaliser sur l’essentiel, c’est-à-dire lui-même. La performance d’acting est stupéfiante, conçue pour stupéfier (make-up exemplaire, gestuelle impressionniste, voix génialement délavée). La sensibilité du cinéaste, encore plus scotchante. La fascination de Lutz pour notre showbiz local ne tient ni du nostalgique morbide ni du kitsch rigolard, c’est un désossage clinique, presqu’extra-lucide, du vedettariat « lambda », ce socio-type qui pose une fois tous les trois ans ses fesses sur le canapé de Michel Drucker et regarde sinon le temps passer, hautperché dans sa Madrague perso. Son Guy est un papi encore fringuant et cassant façon Sardou, aucune illusion sur sa carrière et ses chansons, pas de honte non plus. Un peu mégalo peut-être, mais plus par habitude que par conviction. Lutz le (se) regarde écumer les salles municipales, ainsi que les Campanile accueillant qui les accompagnent, tout en dissertant face à son fils-caché (qui tient la caméra). C’est un bel objet parce que sans frime ni rêve d’absolu, comme son héros. Une évocation middle-class du geste créatif, ramenée à quelques rares petits éclairs qui, mis bout à bout, finissent par construire une vie.