EXPO DU MOIS LE RETOUR DU REFOULÉ
Du sang et du sexe, des actes de dévoilement et de résistance. L’art contemporain à Montpellier n’a jamais été aussi alléchant.
Le critique d’art et commissaire Nicolas Bourriaud le qualifie d’« exforme », titre de son dernier ouvrage. Cet art qui se ressaisit de « tout ce que l’on ne saurait voir », dans une société du contrôle qui n’a plus besoin d’interdire, est au coeur du cycle estival d’expositions de la Panacée à Montpellier, dirigée par le même Bourriaud. Le déchet, le geste ou la pratique dévalorisée ou oubliée, l’immonde voire l’immoral, y ont droit de cité. On pourrait rapprocher cela du « retour du refoulé » cher aux psys… La Panacée présente ainsi, pour la première fois en France, une monographie dédiée à l’Allemand John Bock (voir photo). Ses moyens et longs-métrages – pornographie sadienne, western gore… – revisitent les genres jusqu’à l’absurde et tirent le fil du désir jusqu’à ses soubassements les plus violents. Ses machines de torture, peuplant les fictions, se retrouvent malignement disposées dans l’espace d’exposition, celui du spectateur. Il faut avoir les tripes bien accrochées mais il s’agit de le reconnaître : quand bien même de sa part la plus sombre, on parle ici, encore, d’humanité.
MATIÈRE FÉCALE POUR LES MARCHÉS
Dans un tout autre style, la Panacée accueille également une exposition baptisée Pré-capital : une quinzaine de plasticiens, souvent émergents, réactivent – comme autant de gestes de résistance – des modes de fabrication préindustriels. Là, une précieuse marqueterie de cuivre sur bois su- blime la silhouette d’une banale sculpture de rond-point (Santo Tolone). Ici, les déchets d’une ville emprisonnés sous une fine couche de cellophane composent le portrait instable de paysages urbains traversés par Samara Scott. Enfin, un dernier espace est consacré à une icône de l’art contemporain : l’oeuvre « Cloaca » de l’artiste belge Wim Delvoye. Soit une série de machines reproduisant le système digestif pour délivrer, à la chaîne, une matière fécale destinée à être vendue sur le marché de l’art. L’exposition a l’intelligence de présenter – à défaut des machines ellesmêmes – l’ensemble inédit des études techniques et des schémas liés à l’identité visuelle de l’entreprise (désormais cotée en bourse) fondée par l’artiste autour de cette démarche. Ce qui permet de mesurer l’ampleur des détournements opérés par ce dernier au sein de la société de consommation et du monde de l’art. Un cynisme quelque peu aporétique mais mordant. Genre plus franc tu meurs. À la Panacée, 14 rue de l’École de Pharmacie à Montpellier jusqu’au 27 août 2017