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NATHAN 30 ANS TRANSEXUEL NÉ INTERSEXE

CHAQUE MOIS, LA ROMANCIÈRE LOUISIANE C. DOR ( LES MÉDUSES ONT- ELLES SOMMEIL ?) RACONTE LA VIE DE SLIP DE SES MEILLEURS AMIS. ATTENTION, CHAUD DERRIÈRE !

- LOUISIANE C. DOR

Aujourd’hui, Nathan se sent mieux dans sa peau d’ours. Mais il y a trente ans, lorsque la vie l’arrache au néant, les infirmiers ne savent pas trop sur quel pied danser. Quand sa mère pose la question : « Fille ou garçon ? », ces messieurs hésitent un moment, avant de répondre : « Eh bien, les deux. » On décide alors que ce sera une fille (le rose, c’est branché). Quelques années plus tard, Nathan ressasse un certain refrain : « Dis papa, pourquoi je suis pas un garçon ? »

NATHAN, 30 ANS, TRANSEXUEL NÉ INTERSEXE (ET FAN DE GEORGE MICHAEL) :

« Quand quelqu’un me demande : “Mais t’es un mec ou une nana ?”, je regarde toujours la personne, éberlué, l’air de dire “Bah, t’es con ou quoi ?”, et je ne réponds pas. Je le laisse cogiter et ça me fait marrer. Je n’ai pas de problème avec les autres. Je sais qui je suis, mieux que quiconque. Mieux que la commère du rez-de-chaussée. Mieux que ma propre carte d’identité. J’ai tout d’un homme. Tout, sauf son instrument. Mais je n’y peux rien : on me l’a volé ! Certains comprennen­t, d’autres n’essaient même pas. “C’est un caprice, ça lui passera.” Mais un caprice est une envie superflue. Superficie­lle. Moi, c’est vital. Habiter un corps qui n’est pas le sien, c’est un mal infini. Comme un cri intérieur. Il y en a qui croient aux centaures et pas à la transexual­ité. Tant pis pour eux. Il y a un proverbe arabe qui dit : “Seul celui qui met le pied sur la braise peut ressentir la douleur.” Est-ce que je suis normal ? Mais c’est quoi d’abord, être normal ? C’est compliqué de savoir où se situe la “norme sexuelle”. Pour moi, c’est un mythe plus qu’autre chose. Entre l’homo et l’hétéro. Entre le trop et le pas assez. Entre les X et les Y. Je crois encore que le mieux, c’est de s’écouter soimême. Ce qu’en pensent les autres, eh bien… on s’en branle. Le sexe. Le sexe. Toujours le sexe. On en parle plus qu’on ne le vit. Mes rapports sexuels ne sont pas très différents de ceux d’un homme “basique”. Je me fais plaisir quand j’en ai envie – et quand l’occasion se présente. Avant de coucher avec une femme, je la préviens toujours de ce qui se cache (ou ne se cache pas) sous mon futal. Histoire qu’elle ne me reproche pas de l’avoir trompée sur la marchandis­e. Au lit, je suis aussi bien actif que passif, ou, disons, un actif open-minded. Quand une fille prend les rênes, ça m’excite. Et pas qu’un peu. Je suis célibatair­e et c’est par choix. Être célibatair­e ne signifie pas être seul. Le célibat est souvent jugé d’un oeil péjoratif. “S’il vit seul c’est forcément qu’il n’a trouvé personne.” C’est faux, c’est complèteme­nt faux. Les femmes, je les aime surtout caucasienn­es. Caucasienn­es et sexy. Une femme sexy, pour moi, c’est une femme qui a du charme. Les porte-jarretelle­s et toutes ces conneries-là, ce n’est vraiment pas mon truc. J’utilise parfois des applicatio­ns de rencontre – Dieu

« LE SEXE. TOUJOURS LE SEXE. ON EN PARLE PLUS QU’ON NE LE VIT. »

bénisse la personne qui les a inventées ! Les pornos, je les aime hétéros ou lesbiens. J’aime aussi regarder des plans à trois (et plus si affinités), du hard, ou autres trucs qui sortent de l’ordinaire, mais ne le dites à personne !

LES FILLES EN QUARANTAIN­E

Je peux attendre super longtemps avant de coucher avec quelqu’un qui me plaît. Si la fille veut attendre, alors on attend. Mais bon, il faut quand même taper le fer quand il est chaud… non ? Je peux coucher avec une fille dont je ne suis pas amoureux mais elle doit absolument me plaire physiqueme­nt. Le cul pour le cul, pas mon délire. Je suis assez branché cul mais je suis aussi une foutue fleur bleue. Je crois en l’amour, mais je mets souvent les filles en quarantain­e, le temps de mieux les connaître. Amoureux ou pas, plan cul ou pas, je fais toujours l’amour de la même manière. Si j’aime la personne j’appelle ça “faire l’amour”, si je ne l’aime pas j’appelle ça “baiser”, mais ça ne change rien à l’acte. Moi dessus elle dessous, moi dessous elle dessus, c’est pareil. Quand je tombe amoureux, ce n’est vraiment pas pour faire semblant. J’invite à bouffer, je chante sous les balcons... Bon OK, j’exagère. Sur mon torse il est tatoué “Fleur bleue”, sur mon ventre “Seulement pour les femmes” en allemand, et sur mon bras “Maman je t’aime”. Mon coeur est gros comme ça. C’est un peu QQ sans doute, mais j’assume ! J’aime autant les coups de coeur que les coups d’un soir. Il y a différente­s sortes d’amour qui ne se font pas : ils se vivent. Ce sont souvent les plus sincères, les plus forts, les plus gratuits. Je ne me sens pas concerné par toutes ces questions : celles que les gens se posent. Celles que je me pose moi-même. Je me sens un homme. Je suis un homme. Je le sais. Quand je suis amoureux, idem, je le sais. Ce sont des choses qui se savent. Pourquoi y réfléchir ? Pourquoi vouloir absolument poser des noms, des lettres, des chiffres sur ce que je suis ? Je suis un homme vivant, qui mange, qui baise, qui fait son jogging le matin en écoutant George Michael ou même Queen, puisque je suis un cliché ambulant. »

Dernier ouvrage paru :

Les Méduses ont-elles sommeil ? (Gallimard, 2016)

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