« POUR PRATIQUER CE MÉTIER, IL FAUT AIMER ÇA UN MINIMUM »
LA ROMANCIÈRE LOUISIANE C. DOR* RACONTE LA VIE INTIME DE SES POTES. CE MOIS-CI, UN GARÇON AYANT TROUVÉ COMMENT OCCUPER SA VERGE DE COMPÉT’.
Le samedi soir, devant ces ribambelles de kamasutra que l’on trouve sur YouPorn, moi, l’écrivain coincée, je ne peux m’empêcher de me poser des questions : qui sont les acteurs pornos et, surtout, comment font-ils ?! C’est alors qu’Éric, acteur porno trentenaire, m’est – presque – tombé du ciel pour répondre à mes interrogations de novice…
Éric, 35 ans, hardeur : « Je ne suis pas acteur porno parce que j’adore le sexe, mais oui, j’adore le sexe ! Pour pratiquer ce métier-là, il faut forcément aimer ça un minimum, ça va de soi. Et puis c’est bien connu, quand on fait quelque chose qu’on n’aime pas, on le fait mal. Je ne dirais donc pas que pour être acteur porno il soit nécessaire d’être un acharné du Q, mais en effet, il faut aimer la baise.
Certains comparent le cinéma lambda au cinéma X. Je n’irais pas jusque-là, mais c’est vrai que ça reste du cinéma. On prend l’habitude d’être nu sur un plateau de tournage et de suivre des directives, et on finit par considérer ça comme un travail. Bien que ce soit un travail un peu spécial. Chaque acteur a son opinion là- dessus. J’en entends beaucoup dire que le cinéma X et le cinéma lambda sont tout à fait comparables. Je les comprends, mais je ne suis pas entièrement d’accord : le milieu du porno est un monde à part, un milieu très fermé. Après, cela reste en effet du cinéma, avec tout ce que cela comporte : équipe de tournage, régisseurs, maquilleuses, scénario, trucages.
C’est d’ailleurs souvent très contraignant : être nu devant quinze personnes n’est pas très agréable, et puis, à huit heures du matin, on n’est pas forcément en forme. Il m’est arrivé plusieurs fois de ne pas réussir à entrer en érection. Vous vous voyez, vous, faire un gang-bang à huit heures du matin avec autant d’inconnu- es ? Parfois, ça roule tout seul, et d’autres fois, il faut forcer un peu les choses, et là, c’est franchement désagréable. Je me souviens de mon premier tournage, où j’étais tellement impressionné que je ne parvenais pas à entrer en érection. Nous avons pris une pause ; l’actrice avec laquelle je tournais – que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam – est venue me parler et elle m’a rassuré. Tout s’est finalement bien déroulé. Mais il est vrai que ce n’est pas évident pour tout le monde. J’ai connu plusieurs acteurs qui ont abandonné le métier parce qu’ils n’arrivaient pas à surmonter leurs émotions négatives : l’angoisse, la timidité, par exemple.
GÉRER LE KAMASUTRA
Ce sont généralement les actrices qui choisissent leur partenaire et non l’inverse. Une réunion a lieu plusieurs jours avant le tournage, où elles décident avec qui elles ont envie de “tourner”. Les actrices sont plutôt choyées ; il faut dire que ce sont toujours elles qui ont le premier rôle. L’homme, lui, servira généralement d’accessoire. Beaucoup se sentent d’ailleurs rabaissés, vexés de n’être que des faire-valoir. Par exemple, j’ai toujours été rémunéré deux fois moins que mes partenaires femmes. Le X, c’est probablement l’un des seuls métiers dans lesquels les femmes sont payées davantage que les hommes ! Nous sommes toujours dirigés. Encore plus lorsque l’on débute. Il semble à l’écran que nous agissions au feeling, que nous soyons vraiment en train de baiser, mais ce n’est pas le cas.
C’est bien souvent compliqué, d’ailleurs. Quand, par exemple, à un moment donné du scénario, je dois éjaculer alors que je n’en ai pas envie, ça peut parfois prendre un certain temps. Parfois ça ne fonctionne pas du tout et un trucage sera apposé à cette partie du film. Il arrive que, quand deux partenaires de tournage se connaissent bien, le régisseur les laisse faire ce qu’ils veulent. Mais ça reste assez rare. En théorie, nous sommes dirigés, surtout qu’un tournage doit aller vite.
Je ne crois pas qu’être acteur porno fasse de moi un “bon coup” dans la vie de tous les jours. Nous paraissons être de bons coups et gérer le kamasutra dans les films. En réalité, nous sommes des illusionnistes. »
*Dernier ouvrage paru : Ceci est mon coeur (Robert Laffont, 112 p., 9,50 ¤)