MONTPELLIER CRASH TESTÉ
De jeunes artistes internationaux, rassemblés par le curateur Nicolas Bourriaud au sein de l’exposition Crash test : la révolution moléculaire, exposent à Montpellier le refoulé chimique de nos comportements. Nouvelle garde ?
« Crash test » de haut vol, à la Panacée de Montpellier. L’exposition rassemble vingtcinq plasticiens, français et internationaux, trentenaires ou presque. Une « exposition manifeste » qui rassemble donc une « nouvelle génération d’artistes », selon Nicolas Bourriaud. Le commissaire et critique d’art, qui a pris la tête de la Panacée en 2016 pour poser les bases du futur MoCo, hub dédié à l’art contemporain devant ouvrir ses portes l’an prochain, confirme l’ambition qui a toujours été la sienne : définir l’art de son temps. C’est donc à Montpellier que l’on retrouve ces jeunes artistes s’inscrivant dans la lignée de l’art transgressif que Nicolas Bourriaud défend dans son dernier ouvrage ( L’Exforme) : un art s’emparant des déchets, des rebuts, de tout ce qu’excluent nos sociétés capitalistes ultranormées. Un art du recyclage qui se verrait augmenté, en ce début du XXIe siècle, d’une dimension « moléculaire », à en croire le titre de l’exposition. Ici, les artistes « réduisent les problématiques au niveau de la molécule », explique le commissaire. Des oeuvres poreuses, hybrides, dont les « formes incluent les forces physiques qui les travaillent », détrompent la « déréalisation » du monde organisée par l’idéologie dominante. Une manière de faire imploser les catégories préétablies, de faire sortir la poussière de sous le tapis (la programmation évènementielle, pensée par la curatrice invitée Noam Segal, s’intitule « Dust »).
PEINT SOUS VIAGRA
Au coeur du panel, on retrouve notamment les jeunes Français Enzo Mianes et Bianca Bondi. Le premier a accroché au mur une pièce de prime abord inoffensive, anti-spectaculaire : un grand monochrome sombre. Monochrome aux propriétés, concrètes ou fantasmées, éculées depuis le début du XXe siècle : Malevitch le concevait comme un passage vers l’infini, Rodtchenko comme une surface matérielle et vide… La pièce d’Enzo Mianes fusionne ces intentions en un objet à la fois concret, frontal, et à la charge symbolique des plus déstabilisantes : le monochrome est composé d’ossements humains broyés en poudre, première matière inerte corrélée au tabou ultime de nos nations développées selon le philosophe Norbert Elias ( La Solitude des mourants). Bianca Bondi, quant à elle, met sous verre des séries d’objets (livres anciens, soulier chromé, récipients…) rongés par du lichen et autres matières organiques, pouvant évoquer l’univers des contes qui, sous leurs airs anodins, parlent aux enfants de leurs conflits inconscients. Sauf que les compositions ne racontent rien, qu’elles témoignent bien plutôt des abrasions chimiques et invisibles qui résultent de la coprésence des choses.
Plus loin, on peut découvrir les tableaux que Pamela Rosenkranz peint sous Viagra, les sculptures en bloc de polystyrène au sein desquelles Aude Pariset introduit des colonies de termites, ou une envahissante installation du NewYorkais Jared Madere, mêlant jardinet et images numériques, qui réalise des « parcs d’attraction » pour abeilles ou fourmis. Des artistes, héritiers de l’anthropocène, qui exposent « le refoulé chimique de nos comportements », résume joliment Nicolas Bourriaud.
Crash test : la révolution moléculaire, jusqu’au 6 mai à la Panacée (Montpellier)