« CHÉRI, ON VA AU SALON DU BÉBÉ ? »
AUSSI COURAGEUX QUE TÉMÉRAIRE, NOTRE REPORTER A ACCEPTÉ D’ACCOMPAGNER SA COMPAGNE AU SALON BABY QUI SE TENAIT PORTE DE VERSAILLES À LA MI-MARS. IL EN EST REVENU AVEC UN RÉCIT QUI VOUS GLACERA D’EFFROI...
EEt si aller voir mon frère un week-end avait été ma pire idée de la semaine ? Ce jeune papa de 29 ans nous a invités, ma copine Lucie et moi, à Rennes avec sa femme et leur délicieuse Alice, 10 mois tout juste. Ma copine est tombée raide dingue de ce magnifique bébé (ma nièce, je l’avoue ne manque pas de charme). À tel point que, de retour à Paris, gare Montparnasse, Lucie s’est emparée d’un bon de réduction qui lui était proposé pour... le Salon Baby du week-end suivant. J’accepte de l’accompagner – sans trop savoir dans quoi je m’aventure. Arrivés porte de Versailles, on nous accueille avec un sac rempli de « goodies » : compotes pour nouveaux nés parfum « pommes d’aquitaine – carottes » (pourquoi pas), couches-culottes et flyers de réduction pour divers stands du salon. Chaque visiteur prend doctement son petit sac. Nous avançons. À l’intérieur, nous progressons – ou plutôt slalomons – entre ces petites têtes blondes qui parviennent à échapper à la vigilance de leurs parents. Dans la foule, on croise des jeunes couples, des bandes de copines, un gars tout seul dont on devine que la compagne est à la maternité, des grand-parents et surtout… énorméments de ventres ronds. 14h36 – Nous ouvrons le bal avec le stand Ergo Baby spécialiste du portebébé. Une conversation s’engage rapidement entre un conseiller et ma copine. Elle est à fond : ça va jusqu’à quel âge ? Les bretelles sont-elles suffisamment rembourrées ? La ceinture ventrale assure-t-elle un confort suffisant ? Ça passe en machine ? (Je me demande où elle va chercher tout ça...) Puis, la question qui tue : c’est compatible avec l’allaitement ? Typiquement le genre de truc auquel je n’avais pas encore songé. Largué, je baisse les bras et me distrais en parcourant le catalogue, amusé par le nom des différents coloris : menthe, noir profond, orange bleue. Puis je constate qu’un modèle s’appelle Keith Haring. Mais que diable vient faire le regretté et génial graffeur américain dans l’univers de la puériculture ? Ce fabricant de kangourous est-il assez déjanté et punk pour imprimer sur ses tissus les fameux sexes géants que Keith affectionnait tant ? Je regarde de plus près… Non. Ils ont choisi ses petits bonhommes colorés. 15h18 – On s’approche d’un stand couches-culottes new-age, des trucs en fibre naturelle, bio, organic, « toxic free ». Elles sont présentées par un staff
IL Y A LE BABY BIO, BÉBÉ HIGH-TECH, BÉBÉ ZEN, LE BÉBÉ FASHION VICTIM...
en blouses blanches qui vante la marchandise avec autant d’emphase que s’il s’agissait du dernier prototype de coeur artificiel. Ma copine est d’un enthousiasme sans bornes. Tout en feignant de partager son engouement pour la chose, je jette un oeil discret sur le prix... 35 le paquet ! En un instant, à raison de 5 couches par jour, je vois s’envoler nos petits restos le soir après le boulot quand on n’a pas le courage de se faire à manger, les cinés, les bières avec les copains… Je ne lui en parle pas car je devine la réaction : « Sortir ? Mais qu’est ce que tu t’imagines ? Comment veux-tu sortir avec un bébé ? » Bon, je me ressaisis et enchaîne : « Tu crois qu’il a un stand Baby sitter ? » Déambulant dans les allées, je croise le regard d’un gars de mon âge qu’une jeune femme traîne par la main. Il a l’air aussi perdu que moi. Compassion mutuelle. Moment de solitude partagé. Mais ne généralisons pas, les jeunes pères hyper-motivés ne manquent pas. Impossible de réprimer un sourire quand je vois un hipster avec son tablier marron invitant le public à goûter son Smoothie vegan pour bambins. Pourquoi pas.
16h37 – Au hasard de ma flânerie, je tombe sur le stand de la Croix Rouge. On vous y enseigne ce qu’il faut faire en cas de brûlures ou de chute. Bref, on y apprend à sauver son bébé. Mais c’est tellement plus drôle de poser mille questions, dans le stand voisin, sur les vertus de l’objet qui reproduit les bruits qu’entendait bébé dans le ventre de maman. Un peu idiot comme concept. Le bébé j’en suis sûr, il a envie de passer à autre chose. Neuf mois de gargouillis, ça suffit comme ça. Au quartier des poussettes, on vous montre comment, à l’instar d’une tente Quechua, la dernière poussette merveilleusement profilée s’épanouit comme une fleur en deux temps trois mouvements. Une fois le balade terminée, elle se replie vite fait bien fait et hop ! On la glisse dans le caisson à bagages au dessus de votre tête, dans l’avion qui vous emportera, bébé et vous, au delà des océans. En quittant le salon, je me dis qu’il est des bébés comme il est des gens : il y a le bébé bio, le bébé High tech, le bébé zen, le bébé fashion victim...
17h – On s’enfonce dans une bouche de métro. Je croise un mama africaine. Elle rayonne dans ses rondeurs, son sourire et son boubou multicolore. D’un geste élégant, rapide et parfaitement maîtrisé, elle ajuste la bande de tissu rouge vif qui maintient dans son dos, un bébé au visage serein et reposé. Ce n’est qu’une bande de tissu effrangé qui donne quelques signes de fatigue. On est loin du kangourou ergonomique, à positions multiples, en matière non allergisante, avec bretelle adaptable dont on vient de me vanter les mérites. Et pourtant, quand on regarde cet enfant, on en est sûr : rien ne peut lui arriver...
23h45 – Il est l’heure d’aller se coucher. Ma copine me rejoint. Elle déambule d’un air alangui et nonchalant. Le « body-language » en dit plus que n’importe quelle phrase, le message est clair: « Alors ce bébé... si on le faisait ce soir ?... »