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« FUCK VOS MIOCHES ! »

L’ÉCRIVAIN JOHANN ZARCA N’EST PAS D’ACCORD AVEC LE DIKTAT CONTEMPORA­IN D’UNE PARENTALIT­É COOL. LES COUCHES ET LES BIBIS ? TRÈS PEU POUR LUI. L’ÉPANOUISSE­MENT PAR LA PROGÉNITUR­E ? QUELLE BLAGUE ! CONSEILS D’UN PÈRE DÉPITÉ.

- JOHANN ZARCA

La semaine dernière, j’accompagna­is mon fils Alphonse – qui d’ailleurs ne s’appelle pas Alphonse mais je préfère préserver son anonymat – au Square Alain Bashung, un jardin d’enfants situé dans le 18ème arrondisse­ment. Du haut de ses deux piges, mon gamin s’amusait comme le font tous les gosses de son âge, à ramasser des capotes trouées, à tripoter un pigeon mort, lécher des cailloux et sonder le goût du sable. Et c’est en l’observant que je me suis dit « Alphonse, c’était la plus

grosse connerie de toute ma vie ». Entre nous, la nuit où je l’ai conçu, j’aurais mieux fait de cracher la purée ailleurs.

Désolé si ça te choque mais vois-tu, je suis un insoumis – pas façon Mélenchon mais façon Larousse – et le diktat de la parentalit­é heureuse, je me torche avec.

Clair, je ne me vais pas me forcer à kiffer mon môme, lui qui depuis sa naissance me pourrit la life. Juge par toimême : rien qu’il chiale H24, rien qu’il est malade tout le temps et me refile ses microbes, rien qu’il est illogique et fait des trucs bildés en permanence, bave, gerbe, chie et graille comme un porc. Par-dessus le marché, mon gamin n’est pas démerdard pour un kopeck et encore moins autonome financière­ment. Toujours à envoyer sa daronne me gratter de la thune, ce crevard, et c’est bibi qui doit restreindr­e sa consommati­on de shit. Ça, sans compter l’énergie qu’il me bouffe à hurler non-stop et courir partout. Ma parole, une pile électrique ! Je me demande encore s’il n’y avait de la chnouf dans le lait maternel… Par moments, j’hésite à larguer un somno ou de la weed dans la compote de mon marmot pour calmer ses ardeurs mais j’ai bien scanné les articles de loi, c’est formelleme­nt interdit et ça pourrait me coûter reuche. Alors Alphonse, je le laisse brailler et je subis. À cause de lui, ma vie est devenue pourave il y a deux piges. Sans vouloir jouer le vioque, c’était mieux avant. Avant, je sortais, rentrais chez moi tard dans la nuit, le raisiné alcoolisé et les narines nécrosées, je croquais le monde, l’avenir m’appartenai­s, j’étais heureux quoi ! Putain, quelle galère...

VOEUX DE CHASTETÉ

Je te le dis en face-to-face mais tu le gardes pour toi : la paternité c’est de la rotka et si je peux te donner un conseil, ne cède pas à la pression sociale ! Envoie chier ta zouz, tes darons, tes potes, tous ceux qui te baratinent à longueur de journée « qu’il est temps de s’y mettre », que leur marmot est la plus belle chose qui leur soit arrivé, que c’est fantastiqu­e et patati et patata. Je te jure, ceux qui portent ce discours se forcent à sourire, simulent le bonheur pour planquer leur scoumoune. Perso, de ma paternité, je m’en bouffe les doigts à longueur de journée mais aujourd’hui, le mal est fait. Il faut assumer maintenant, « prendre ses responsabi­lités » comme dirait ma daronne. Assumer. On se croirait au collège, dans le bureau du dirlo.

Enfin bon, je ne veux pas te plomber le moral. Tout n’est pas noir, j’ai quand même quelques moments de plaisir, quand je me marre devant un épisode de South Park, quand j’écoute du bon rap, quand je dessine des petits volcans dans ma purée, quand je me craque les doigts ou quand je repense à ma vie d’avant, à l’époque où c’était cool, à l’époque où j’avais le smile. Tu vois, on peut rester optimiste.

Mais bon, la paternité reste de la daube. Pire qu’une mycose aux bouliches ou une infection du trou de balle. Si j’avais su, j’aurais fait voeux de chasteté. Et pourtant, crois-moi, je kiffe niquer ! Paname Undergroun­d (éditions de la Goutte d’Or, 250 pages, 17 euros)

« LE DIKTAT DE LA PARENTALIT­É HEUREUSE, JE ME TORCHE AVEC. »

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