ENFANTS « LES SONT LE REFLET DU MONDE QUI LES ENTOURE. »
L’ARTISTE CANADIEN RECRÉE DES SAYNÈTES ATROCES AVEC L’AIDE DE BAMBINS. ALLO LA DIRECTION DE LA PETITE ENFANCE ?
Pourquoi cette envie de faire faire des choses horribles à tous ces petits ? Jonathan Hobin : Les représentations de l’enfance dans la culture populaire m’ont toujours fasciné. Celle-ci est présentée comme étant pure et simpliste alors qu’elle est remplie de contradictions – si on y regarde de plus près. Et même si les leçons de morale sont apprises dès la crèche en se servant de comptines ou d’illustrations supposément anodines, elles cachent souvent un récit plus sombre sous la surface. J’ai toujours été fasciné par la représentation idyllique de l’enfance, et comment celle-ci est censée symboliser la paix intérieure de la société dans son ensemble. Alors que mes photos traitent souvent de sujets sensibles, je suis toujours étonné de voir que ce qui perturbe vraiment les gens, c’est d’y voir des enfants. Pourquoi, selon vous ? La société se sent davantage concernée par la préservation d’une idée erronée – celle d’une enfance soi-disant parfaite – que par les questionnements qu’on peut avoir autour de la race, la religion, la politique… Je me suis donc rendu compte que le meilleur moyen d’aborder ces thématiques était d’utiliser des enfants. Et pourquoi les enfants de la série « Cry Babies » pleurent-ils ? La série était ma réponse à la réaction extrême que je suscitais en montrant celle d’avant, « In the playroom ». En créant « In the… », je n’avais pas idée de la haine qu’elle allait engendrer. Je savais que certains trouveraient les sujets comme le 11 septembre et l’abus des prisonniers d’Abu Graib difficiles à voir, mais je ne m’attendais pas à me faire insulter par des individus me disant que je représentais l’enfance de manière barbare. Les commentaires le plus fréquents étaient : « l’enfance est le temps de l’innocence », « c’est le seul moment où la vie est simple ». J’avais gâché cette idée à leurs yeux, certains voulaient même me frapper ! Je me suis donc mis à faire « Cry Babies », une série qui présente les
différentes raisons qu’ont les enfants de pleurer. Pour ce travail, j’ai choisi certaines situations sérieuses qui peuvent affecter les enfants afin de casser l’illusion de l’enfance. Mes enfants pleurent parce qu’ils représentent les victimes d’abus sexuels, de stéréotypes raciaux dans la culture pop, d’handicaps physiques et mentaux, de la phobie des transsexuels ou encore de l’exploitation des enfants-soldats... Quelle était votre état d’esprit pour la série précédente « In the Playroom » (2010) ? Elle m’avait été inspirée après avoir vu en direct à la télévision les attentats du 11 septembre 2001. Alors que je regardais les avions foncer dans les Twin Towers en boucle aux infos, je me suis rendu compte qu’il serait désormais impossible d’échapper aux images de tragédies, avec l’avènement des chaînes en continu et des réseaux sociaux. Je ne pouvais
« CE QUI PERTURBE VRAIMENT LES GENS, C’EST DE VOIR DES ENFANTS DANS CES SITUATIONS.
m’empêcher de réfléchir aux effets sur notre culture, sur nos enfants… Enfants qui, je le rappelle, sont le reflet du monde qui les entoure quand ils jouent. Les photos de « In the Playroom » sont donc un écho visuel aux images diffusées par les médias. Ces photos mettent délibérément en scène plein de détails saisissants qui soulignent l’infiltration des médias dans les moindres recoins de la vie quotidienne. En mettant les enfants au centre du sujet, je voudrais que les spectateurs réfléchissent à la première fois qu’ils ont été confrontés aux évènements actuels – et qu’ils imaginent comment un enfant, avec une expérience limitée de la vie, pouvaient percevoir le même évènement. Quelle a été la réaction la plus extrême à cette série ? J’ai reçu énormément de messages haineux, j’ai même reçu une menace de mort. Les commentaires étaient aussi hilarants qu’effrayants. C’était totalement nouveau pour moi. Depuis, j’ai appris à vivre avec la controverse et les réactions extrêmes que mon travail m’apporte. J’ai quand même reçu bien plus d’amour que de haine pour ce que je fais, alors j’essaye de me concentrer sur cette réaction-là à mon travail. Je ne veux pas accorder trop d’importance à ceux qui voudraient me faire taire.