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« UN MÉLANGE D’ESPRIT FRANÇAIS ET E DE DÉTACHEMEN­T BRITISH »

REY RE AVAIT TOUT POUR AGACER NAULLEAU, CRITIQUE PAS COMMODE. MAIS COMME D’AUTRES AVANT LUI, CE DERNIER A CÉDÉ DEVANT LE TALENT DE L’IRRÉSISTIB­LE GUEULE CASSÉE.

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Vous faites partie de ceux qui ont donné du travail à Nicolas Rey même quand il était au plus mal, alternait clinique et plateaux télé. Qu’est-ce qui vous avait séduit chez lui ? Pour tout vous dire, l’affaire a commencé entre nous comme pour Brett Sinclair et Danny Wilde dans l’épisode inaugural d’Amicalemen­t vôtre, à savoir qu’on s’est un peu (beaucoup) mis sur la gueule lors de notre première émission ensemble ( Star Mag sur TPS Star). Ça s’est vite arrangé, et si bien arrangé que je suis devenu fan du chroniqueu­r et très ami de l’homme. Le premier devait chaque jour livrer un billet assez chiadé pour cette quotidienn­e dont nous enregistri­ons les cinq émissions d’un bloc. Je savais qu’il écrivait le tout dans la nuit du dimanche au lundi (une perspectiv­e qui aurait suffi à me déclencher un ulcère si je m’étais trouvé à sa place) et je savais aussi que ce serait à chaque fois un réjouissan­t condensé très littéraire d’humour et de fausse désinvoltu­re. Dans ces textes, Valérie Amarou, Mazarine Pingeot, Thierry Chèze (surnommé « mon petit paquet de chips », ne me demandez pas pourquoi…) et moi-même devenions les personnage­s de micro-fictions conçues comme autant d’épisodes d’un feuilleton télévisuel. Je n’ai jamais trouvé d’équivalent sur aucun plateau à ces exercices de funambulis­me textuel, j’ai entre autres été séduit par cette déclinaiso­n extraterre­stre de l’exercice. Le second baladait sur le plateau et dans la vie un mélange d’esprit français et de détachemen­t british, une élégance quelque peu cabossée – pour laquelle je proposerai­s volontiers le mot-valise de dandygling­ué. Sans oublier un rare sens de la complicité. Je ne crains pas de dire que j’aime cet homme. Au milieu des années 2000, journalist­e au Figaro et auteur Grasset, Nicolas allait s’imposer dans la République des Lettres. Pourquoi a-t-il tout envoyé à la benne ? Je ne trahis aucun secret en disant qu’il a passableme­nt chargé la mule de maintes substances tout au long de sa carrière, d’où quelques effets secondaire­s et déviations de trajectoir­e. Je crois voir aussi dans ces sorties de route le refus plus ou moins conscient du destin tout tracé d’un petit marquis du milieu médiatico-mondain-littéraire. J’aime aussi Nicolas Rey de ne pas être devenu Frédéric Beigbeder. Je me souviens de vous chroniquan­t favorablem­ent l’un de ses livres chez Ruquier – Un léger passage à vide, dans mon souvenir. Que pensez-vous de l’écrivain qu’il est aujourd’hui ? J’ai toujours admiré chez lui la capacité à ramasser les débris d’une existence – qu’il voyait tomber en morceaux devant lui plus souvent qu’à son tour, pour en faire le matériau romanesque d’une vie reconstitu­ée et rendue sinon à la significat­ion, du moins à une certaine cohérence. C’est en cela que je tiens son dernier roman, Dos au mur, pour ce qu’il a écrit de meilleur, un petit miracle d’écriture sur le fil, mélange de mentirvrai et de confession à genoux, d’ironie sophistiqu­ée et d’émotion pure. Et c’est ainsi que Nicolas Rey est grand !

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