Technikart

« LES TEUFEURS SONT MES » NTS ! ENFA

NOUS AVONS CROISÉ LE COMPOSITEU­R CÉSARISÉ SUR UNE PLAGE DU FESTIVAL CALVI ON THE ROCKS. L’OCCASION DE LUI PARLER CLUBBING, COKE ET COCKTAILS…

- ARNAUD REBOTINI

Arnaud, toi qui es aux platines depuis une bonne vingtaine d'années, quoi de neuf dans le clubbing à Paris ? Arnaud Rebotini : Rien. Les soirées parisienne­s voudraient recréer l’esprit rave des années 1990, rétro, mais un concept n’est jamais aussi fort qu’au moment de son invention : la techno, par exemple, est arrivée avec le fait de sortir des clubs. Il y avait ce côté un peu illégal, perdu, cette rareté qui excitait les gens. Pourtant il y a pas mal de soirées illégales aujourd'hui, et plutôt excitantes. Au fait, tu sors toujours à 48 ans ? Qu’est-ce que tu veux que j’aille faire en soirée, les teufeurs sont mes enfants !

C'est quoi la dernière teuf qui t'a marqué ? La Flash Cocotte, une soirée queer. En avril dernier, aux Nuits Fauves, je venais juste d’avoir mon César pour 120 battements par minute et j’y ai joué trois heures : les morceaux de la BO en DJ. Un début un peu house, puis je lâche le truc et pars vers quelque chose de plus techno. Une belle progressio­n, et surtout un bon mélange de public qui me rappelait l’énergie du Pulp, ou même du Boy à la fin des années 1980. Du coup j'avais une question sur ton « futur en tant qu'ambianceur nocturne »... Je suis beaucoup trop vieux pour être le futur. Les gens intéressan­ts sont ceux dotés d’une personnali­té, un trait. Ce ne sont plus des mouvements, « le nouveau truc que tout le monde veut faire » n’existe plus. T'es un poil déprimant là… D'ailleurs ta BO de 120 battements par minute m'a fait chialer comme jamais. Le film de Robin Campillo rend un bel hommage au clubbing gay des années 1990. À quel moment le clubbing est-il parti en sucette ? Il y a un moment où c’est devenu naze, le truc gay s’est un peu perdu. Avant que le Rex devienne un club techno, tu avais le Boy, c’était le seul endroit qui proposait de la house. Les clubs historique­s ne sont plus ce qu’ils étaient. Il y avait une spécificit­é autour du disco, qui a perduré jusqu’à la house. Beaucoup de gens dans le milieu

queer se sont plaints de la période postPulp, qui a signé l’avènement de la house de supermarch­é. Ce côté prescripte­ur que j’ai connu a disparu.

L'époque du Pulp te manque ?

Ça fait 20 ans que j’entends « La fête est morte à Paris, c’est plus comme avant », mais c’est un discours de vieux con ! Il y a toujours eu un truc un peu mortifère dans la fête. Cette jouissance, si tu écoutes Jacques Lacan, c’est l’enfer. Que tu aies un goût amer de la fête, ça fait partie du concept. Dans les années 1980, la fête était aussi amère, je ne pense pas que c’était mieux. Alors si tu ne sors plus, tu fais quoi ? Boire de l’alcool de qualité, d’excellents whiskies américains. Du Sazerac ( cocktail bu par Malcolm X et James Bond, ndlr), du Rail de George Dickel, un whisky américain. J’aime aussi faire les cocktails, le dernier sur lequel j’ai craqué c’est le Louisiana Milk Punch, à base de lait, vanille et bourbon ou brandy. Il était servi dans les brunchs, le dimanche matin en Louisiane. Je l’ai trouvé dans le Difford et dans le fameux How to mix it, l’un des premiers livres de cocktails.

Tu peux nous recommande­r des bars à cocktails dans Paris ?

Malheureus­ement la musique n’est jamais très bonne dans ces bars. Le Bâton Rouge dans le 9ème, par exemple : supers cocktails, des créations, une sélection de whiskies américains géniale. Mais le truc s’appelle Bâton Rouge, capitale de la Louisiane, énorme référence à la musique du sud des Etats Unis : tu peux mettre du rap comme du RnB, de la country, et tu finis avec Sting et sa Police.

Qu'est-ce qu'Arnaud Rebotini, sociologue musical de son état, aurait comme analyse de la situation ?

L’évolution de la musique est liée à deux choses : la technologi­e et les nouvelles drogues, elles-mêmes souvent liées à la sociologie. Tu peux constater ça avec la musique pop, depuis les années 1950 : le rockabilly, c’était des mecs qui faisaient de la country sous amphètes, ça a donné Elvis Presley. Les drogues psychédéli­ques ont donné une forme de rock, la coke avec le disco, etc. C’est toujours la même histoire, et encore plus avec la musique de club.

Et ça continue encore et encore… Rien n'a vraiment changé ?

Ca fait tellement longtemps qu’on a une espèce de revival constant, toujours avec le même public. Avant il y avait une envie de révolution. Si tu prends le jeune d’il y a vingt ans, et celui d’aujourd’hui, ils pensent la même chose : une société libérale, où l’on accepte tout, avec peu de combats. Contrairem­ent à ceux des années 1960. Ceux qui avaient 20 ans en 68, leur parents ne prenaient pas d’amphèts, pas d’acides. Alors que maintenant les parents fument des joints avec leurs enfants, et ça, ça change tout. Regarde moi, je suis assez ancien et je ne suis pas ringard, c’est bizarre ! Quand les punks sont arrivés, les mecs qui avaient cinq ans de plus qu’eux étaient des vieux cons.

Alors, what's next ?

Je prépare un nouvel album, un peu dans l’esprit des BO, sous le nom de Blackstrob­e. Mon parcours musical est tellement compliqué maintenant. Je brouille les pistes : Blackstrob­e qui était électro est devenu complèteme­nt rock, quand je suis tout seul c’est soit les BO, soit mon live techno, très électro vintage. Mais là j’ai un peu envie de revenir à ce que je faisais, sous le nom de Zend Avesta, dans les années 2000… BO 120 Battements par minute (Because Music/Blackstrob­e Records)

« “LA FÊTE EST MORTE À PARIS”, C’EST UN DISCOURS DE VIEUX CON !

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PHOTOS QUENTIN CAFFIER
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