Technikart

L'ARTISTE DU MOIS UNE RENTRÉE GOTHIQUE

Quelle excellente nouvelle : l’été et sa gaieté forcée sont enfin derrière nous ! On va pouvoir retourner à nos dépression­s chéries. Pale Waves leur servira idéalement de bande-son.

-

PALE WAVES MY MIND MAKES NOISES (DIRTY HIT)

Mettez-vous dans la peau d’un collégien. Vous avez 13 ans. Vous êtes d’une nature sensible. Au début de l’été, vous avez eu du mal à vous emballer pour la victoire des Bleus en Russie – les liesses collective­s, très peu pour vous. Là-dessus, vos parents ont voulu vous emmener voir la mer. Les coups de soleil n’ont pas chassé vos idées noires. Déambuler dans les hypermarch­és non plus. Dans la sono passaient Dua Lipa et Clean Bandit, cette pop au goût de poulet aux hormones ; Alvaro Soler, Daddy Yankee et L’Algérino, leurs chenilles, leurs danses des canards. Heureuseme­nt qu’au frais de la maison de vacances où vous cherchiez le sommeil, vous avez trouvé une vieille édition de poche du Spleen de Paris de Baudelaire, qui s’accordait mieux avec votre humeur. Vous avez rêvé cent fois de la ville, de la pluie, du préau pourri de l’école où vous traînez votre ennui. Et puis la fin août est arrivée, et avec elle cette perspectiv­e exaltante qui vous fait piaffer : la sortie imminente de My Mind Makes Noises, le premier album de Pale Waves. Pale Waves, c’est un groupe comme on n’en fait plus : quatre blancs-becs de Manchester qui ont été en une du NME après avoir grandi à l’ombre de The Queen Is Dead des Smiths. La chanteuse Heather Baron-Gracie est un personnage, et pas que parce qu’elle possède une trousse de maquillage à rendre jaloux Marylin Manson. Née en 1995, elle jouait déjà de la guitare à 7 ans. A 11 ans, forcée de rester au pageot pour quatre mois de convalesce­nce, elle composait ses premières chansons. L’université n’était a priori pas le lieu idoine pour cette solitaire : « Je n’étais pas du genre à passer d’une bande de gens à une autre. Je n’aime pas avoir trop d’amis. » Il lui en suffisait une seule. Ce sera Ciara Doran, aussi pâle qu’elle, qu’Heather croise là-bas. Ensemble, elles montent Creek, groupe qu’elles rebaptisen­t Pale Waves quand deux gandins les rejoignent, eux aussi visiblemen­t plus portés sur les corbeaux empaillés que sur le bronzage et autres activités de plein air. Quelle est la ligne esthétique du projet ? Heather : « J’ai une passion pour The Cure, le groupe pop parfait. J’adore “Friday I’m in Love”, et encore plus “Pictures of You”. Cette chanson me brise le coeur,ça parle de quelque chose de si triste, et ça fait tant de bien… » Pourquoi les chansonnie­rs estivaux cités plus haut sont-ils à ce point crevants ? Parce que leur fausse bonhommie fout le bourdon. Mieux vaut emprunter le chemin inverse : partir du cafard pour aller vers la lumière. C’est ce que réussit Heather dans plus d’un titre de l’album (« Eighteen », « Noises », « Came in Close »…). Son quatuor corbac fait se rencontrer les bacs indie et la bande FM, Cocteau Twins et Lene Marlin, The Horrors et Carly Rae Jepsen. Ce n’est pas toujours de bon goût. Et alors ? Etions-nous snobs quand nous étions ados ? Nous avons à nouveau 13 ans et, au fond de la classe près du radiateur, nous allons graver sur notre bureau le nom de notre nouveau groupe fétiche : Pale Waves.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France