ET SI...
Une heure du mat’, les premiers signes de fatigue se font ressentir. Ton groupe d’amis cherchant à relancer la fête, tu ressors du répertoire ce numéro qui y traîne depuis un petit moment déjà. Celui d’un « Cocaïne Call Center ». Cette centrale du deal (un contact 06 gérant une flottille de livreurs) se rappelle régulièrement à ton bon souvenir avec des messages signés d’un prénom abscons – et dont le contenu révèle un sens du marketing digne des plus grands génies du « Customer Relationship Management » : « Salut c’est l’ami de retour appelle-moi je suis dispo avec cecile, marie daniel et bob marley à très vite »... Une fois commande prise, le suivi se fait avec un professionnalisme très start-up nation : « Arrivée dans 27 minutes ». Et pourquoi pas une note de 1 à 5 étoiles pour le livreur pendant qu’on y est ?
Car le plus incroyable, ces derniers temps, est de constater à quel point les trafiquants de dope gèrent leur business comme s’ils étaient à la tête d’une boîte de la Silicon Valley venue s’installer dans un vieux pays, aux lois archaïques, et qu’ils avaient simplement à attendre une évolution juridique pour pouvoir s’en mettre plein les fouilles – dans le respect de la loi.
Uber, « Allo Coke » (du nom de ce « call center » du Val-de-Marne démantelé en 2016), même combat ? La distribution de produits illicites serait-elle un commerce « disruptif » comme les autres ? C’est le point de départ de notre stupéfiant dossier ce mois-ci. Et si demain les rêves des libertariens les plus libéraux rejoignaient ceux des libertaires les plus ramollos ?
Et si l’inefficace guerre contre le trafic se transformait en une légalisation bien pensée ? Et si ta dose, tu l’achetais dans une pharmacie, avec possibilité de suivi médical, une taxe pour les caisses d’État et tutti quanti ? Et si tous ces dealers, déjà organisés avec la redoutable efficacité des cyclistes livreurs de tataki de thon, se transformaient en PME avec pignon sur rue (et numéro de SIRET) ? Et si les anciens chefs d’État sud-Américains, qui se disent pour une légalisation de toutes les drogues, arrivaient à convaincre les politiques et les forces de l’ordre du reste du monde ? C’est pas demain la veille. Mais si ces réflexions – hautement uchroniques – pouvaient encourager nos politiques à s’intéresser davantage à l’accompagnement thérapeutique (ce qui manque cruellement aujourd’hui) des utilisateurs...
D’ici là, une pensée émue pour cet ancien de la rédaction mort d’une crise cardiaque à 34 ans. Enfoiré, tu nous manques !
Bonne lecture, on se retrouve dans un mois,