AU BOULOT, COCO !
SI COMME UN TIERS DES FRANÇAIS VOUS VOUS EMMERDEZ PROFESSIONNELLEMENT, N’OPTEZ SURTOUT PAS POUR LE RÉGIME « COCO AU BOULOT » ET SA TRIPOTÉE D’EFFETS SECONDAIRES... ÂMES SENSIBLES, S’ACCROCHER !
Vous vous souvenez de John Thackery, le toubib de The Knick ? Dans la série, Clive Owen incarne un médecin brillant complètement accro à la cocaïne. Et pas qu’un peu ! Une seringue dans le bras, dans la cuisse, entre les orteils, le corps du type finirait presque par ressembler à la tronche de Bukowski… Surtout, Soderbergh nous plonge au beau milieu du NewYork de 1900, sombre, sanglant, raciste, eugéniste, la médecine moderne y connaît ses balbutiements et se tient devant un public avide de spectacle et de grosse boucherie plaquée sur le beat de Cliff Martinez. De l’autre côté de l’Atlantique, la réalité est à peine différente. À peu près à la même époque, l’Allemagne s’installe comme la plaque tournante du narcotrafic. En 1920, Hambourg concentre près de 80% du commerce mondial de cocaïne, on y trouve le meilleur produit du monde, des chansons populaires à la gloire de la coco fleurissent dans les cabarets berlinois et l’arrivée au pouvoir de nazis dopés aux amphèts ne freinera pas l’appétit de l’industrie pharmaceutique allemande. Loin de là… Utilisée à l’origine comme anesthésiant ou pour soigner les dépressions nerveuses, la cocaïne pourrait-elle, sous ses airs d’excitant, nous endormir ?
« 11 GRAMMES »
Serait-on tombé sur la tête ? À lire l’essai de David Graeber, Bullshit Jobs (que viennent de publier les éditions Les Liens qui libèrent), ex-militant du mouvement Occupy Wall Street, il se demande simplement si nos jobs ont un sens. Définition, man ? « Un job à la con est une forme d’emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflue ou néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat, de faire croire qu’il n’en est rien. » En gros, c’est être payé à ne rien faire ou à exécuter des tâches parfaitement dispensables. Le capitalisme produirait-il l’inverse de ce qu’il recherche ? Sacré retournement… parmi ces « bullshit jobbers », on trouve les « larbins », les « portes-flingues », les « rafistoleurs », les « cocheurs de cases » et les « petits chefs », bref chacun a de quoi y trouver sa place...
« J’avais pris l’habitude de taper tous les week-ends quand je sortais,
raconte Émilie, opératrice téléphonique. Puis en bossant, je me suis mis à en prendre pour me motiver, me donner un coup de boost, me faire oublier à quel point mon boulot peut être chiant ! Mon mec me fournit, ça aide aussi ! » Son job ? Démarcher, faire de la pub agressive souvent auprès de personnes âgées, un peu naïves. Une porte-flingue comme les définit Graeber : « Ce qui contrarie profondément les porte-flingue, c’est 1) la dimension agressive, 2) la tromperie. » François, 37 ans, était développeur à la Défense. Un rafistoleur chargé des basses oeuvres, réparer ce qui aurait dû être conçu convenablement à la base. « J’aimais mon job, mais on ne me donnait que des tâches subalternes. C’était comme si on avait allumé un feu exprès pour que je vienne l’éteindre… Je prenais jusqu’à 11 grammes par semaine. J’avais l’impression d’être un warrior, de penser vite, de bosser fort. J’avais certes plus de tchatche, mais hormis ça, ça ne te rend pas plus intelligent... au contraire ! Un jour, j’ai pété un câble et envoyé chier mon boss ! C‘était du grand n’importe quoi, les gens autour de moi voyaient bien que j’étais complètement pété toute la journée, mais ils faisaient comme si de rien n’était… » Un matin, François a une révélation. Sa copine se barre et lui, il devient complètement parano. « Je déconnais à plein tube, je me mettais à faire des choses de manières frénétiques. Puis un jour, cure, sevrage, médoc’, j’ai réussi à décrocher, ça a été un gros fight dans ma tête ! »
David Graeber l’affirme, 40% des gens ne trouveraient aucun sens dans leur boulot et s’ils ne l’exerçaient pas, cela ne ferait aucune différence. Alors, taper pour oublier ? Ou démissionner fissa ? À vous de choisir, cher collègue.
Bullshit jobs (Éd. Les Liens qui libèrent, 416 pages, 25 €)
« J’AVAIS L’IMPRESSION D’ÊTRE UN WARRIOR, DE PENSER VITE, DE BOSSER FORT. » – FRANÇOIS