LA COCAÏNE, LE PLUS DUR C’EST D’ESSAYER
APRÈS 20 ANS DE BOUFFE ET D’ALCOOL, NOTRE COLLABORATEUR OLIVIER MALNUIT A TOUCHÉ POUR LA PREMIÈRE FOIS DE SA VIE À LA COCAÏNE. LE PROBLÈME, C’EST QU’IL A TELLEMENT AIMÉ ÇA QU’ON L’A VITE REMIS À L’APÉRO (AVEC MODÉRATION) !
La cocaïne, c’est comme le jogging !
Quand on n’en a pas fait depuis 20 ans, vaut mieux démarrer doucement. Le 30 Septembre 2018 (vers 19 heures), après des années de pâtés en croûte et de coqs au vin, près d’un quart de siècle passé à table et sans autre stupéfiants que la Fourme d’Ambert et les viandes en sauce, j’ai donc pris pour la première fois de ma vie* de la cocaïne sur une carte de fidélité de la Fnac et j’avoue, à ma grande surprise, que j’ai adoré ça. « Elle est à 15% ! Y’a aucun risque, c’est surtout du Doliprane… », m’avait-on prévenu de peur, sans doute, que je fasse un AVC de débutant. Il faut dire qu’en termes de lignes, de traces, de coke, de schnouffe, de C, de neige et de fromage blanc (le surnom que lui donnent les cartels mexicains), j’étais tellement novice que j’ignorais même qu’il fallait aspirer d’une seule narine et se boucher l’autre en même temps...
POCHONS À ZÉRO
Une fois cette petite correction technique effectuée, j’ai rapidement pris le pli de la « One » (encore un surnom), m’étonnant qu’il n’y ait pas plus souvent de cocaïne au petit déjeuner et au goûter. Toutes ces cachotteries et cette tension érotique pour un petit énergisant… Franchement ! C’était comme si j’avais bu quelques bières et passé un bon dîner arrosé avec des ami(es), sauf qu’au lieu d’attendre le milieu de la nuit pour parler d’articles qu’on n’écrira jamais, se rouler des pelles sur le capot et envoyer des SMS enflammés avec des mots qui finiront un jour par avoir un sens, on commençait tout de suite par la fin. « C’est l’heure de la cocaïne, non ? », demandais-je régulièrement dès 15 heures, ne saisissant visiblement pas bien toute la complexité culturelle d’une drogue que beaucoup prennent d’un air entendu, comme s’ils étaient les membres du même syndicat en robes de chambre, tout en cultivant l’idée d’une certaine clandestinité romanesque dans la pampa. L’effet du cinéma et des séries, sans doute. « Tire au moins les stores, on te voit taper depuis la rue ! » s’étranglaient de sympathiques « millenials » à peine plus âgés que mon fils, mais avec déjà un DESS en sports d’hiver. Un comble ! En moins de temps qu’il n’en faut pour écrire un article, j’étais déjà devenu le cousin toxico un peu « relou » qui sent l’aïoli, alors que je venais à peine de rentrer dans la carrière de cocaïnomane de salon. Comment avais-je mis autant de temps pour devenir - enfin - le grand dévissé de service en quelques jours ? Toutes ces années perdues à ne jouir que des plaisirs légaux, dans la peur de l’uniforme et de la maréchaussée, avouez que ça vous fout les pochons à zéro.
MA « CORINNE »
À la fin du 20è siècle, quand Lionel Jospin était au pouvoir, que l’argent coulait des gouttières et que tout le monde était encore de gauche, ce n’était pourtant pas les occasions qui manquaient de faire du planter de bâtons dans la poudreuse. Mais je crois que j’étais déjà bien trop dans la bouffe et les Chablis pour comprendre quelque chose... Mon rail à moi, ma « Corinne », c’était plutôt la mitraillette à pitchs de fin de journée ! À longueur de terrasses et d’apéros, j’adorais raconter n’importe quoi en parlant très fort comme si j’étais Fidel Castro sur la Place de la Révolution. Ça faisait marrer tout le monde et parfois, ça plaisait même aux jolies filles. À tel point que les rois du chasse-neige me demandaient souvent l’adresse de mon dealer. « Nicolas, la boutique au coin de la rue », répondais-je sans toujours mesurer la rivière de Beaujolais qui nous séparait. Vers 2 heures du matin, quand je commençais à toucher le fond de la bouteille et ronfler dans mon assiette, les becs sucrés migraient en troupeaux, façon zébus, vers la réserve de coke la plus proche. Généralement chez un prédateur de la nuit, un sociopathe mondain ou un tordu de la fesse, qui trouvaient là une foule d’adorateurs prêts à tout pour quelques lignes de plus sur la couture de son slip ou son pantalon. Peut-être que j’aurais dû les suivre. Ça m’aurait permis d’avoir l’air plus malin quand j’ai le nez qui coule. Et puis un jour, après un séjour prolongé dans ma baignoire, j’aurai arrêté la drogue, virant soudain vieux et chiant comme un ancien toxico sous la pluie avec une poussette enfants. Qui sait ? Je serais peut-être devenu adulte. Voire pire, vegan ! Au fond, c’est le problème avec la C quand on débute après un certain âge, on n’a plus le temps de ralentir. Heureusement que je suis alcoolique et bien portant, j’aurai pu finir accro…
« TIRE AU MOINS LES STORES, ON TE VOIT TAPER DEPUIS LA RUE ! »