« UNE GIGANTESQUE ESCROQUERIE VIRTUELLE »
Pourquoi les cryptomonnaies attirentelles autant le grand banditisme ? Alain Bauer :
La cryptomonnaie est un sujet criminel par nature. On a voulu inventer des cryptomonnaies, non pas au nom d’une liberté potentielle, mais au nom d’une capacité à masquer et à être hors du contrôle à la fois du fisc et des États. De ce point de vue, les cryptomonnaies ont parfaitement répondu à l’objectif initial. Les opérateurs criminels, qui sont toujours très à l’affût des innovations technologiques, se sont dit qu’ils pouvaient s’en servir pour le racket, les rançons, le kidnapping. Il faut voir la nature-même de la cryptomonnaie dans un univers non contrôlé et non régulé, soumis à des mouvements erratiques, brutaux et rapides. De mon point de vue, l’ensemble des dispositifs des cryptomonnaies est une gigantesque escroquerie virtuelle. Le jour où elle s’effondrera amènera des centaines de millions de personnes à pleurer leur argent perdu.
On voit également d’autres cyberbraqueurs prendre le contrôle d’ordinateurs à distance et réclamer une rançon.
C’est un attentat virtuel mais c’est une destruction réelle. On confond la dématérialisation progressive de la monnaie, qui est déjà engagée depuis longtemps, et le fait d’avoir un dispositif de shadow banking, des dispositifs fantômes qui permettent de récupérer beaucoup d’argent qui circule offshore. Au départ de tout ça, il y a la fraude. Le tuyau de la fraude, qu’on appelle aimablement l’optimisation fiscale, se branche au tuyau du crime. Ce n’est pas simplement une communauté de joyeux libertaires ayant décidé de s’asservir de l’État, mais bien une communauté capitaliste qui a décidé de profiter d’un dispositif spéculatif. La blockchain, c’est de la comptabilité en partie double, son informatisation. Il n’y a aucune nouveauté particulière. Ça ne rend pas le dispositif plus sûr. En fait, dans ce système, c’est la sécurité dont on s’est le moins occupé.
Pourtant on a l’impression que le système est ultra-sécurisé.
Les criminologues du monde entier ont dit de faire attention aux risques d’escroquerie, mais personne n’a écouté. Maintenant, on va fermer les portes de l’écurie… mais le cheval est déjà parti !
Tous les gentils sociolâtres du 6ème arrondissement, qui nous donnent des cours sur la protection de la liberté individuelle, ont construit cet espace en ne comprenant pas la dimension criminelle de ce qui était derrière.
Donc, vous pointez la responsabilité des pionniers de ces nouvelles techniques...
Personne n’est vraiment responsable, c’est plus un problème de culture. C’est l’idée que de ne pas réguler, ne pas contrôler, c’est meilleur pour la liberté. Il ne faut pas oublier que c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère. C’est le principe du code de la route.