LA FEMME DU MOIS EVE BABITZ, PARTY PEOPLE EVE BABITZ, SERIAL LOVEUSE
EVE BABITZ SEXE & RAGE (Seuil, 240 p., 20¤)
Elle a pécho. Beaucoup. C'est en tous les cas la raison « people » pour laquelle on a pu croiser, dans des articles ou des biographies, le nom d'Eve Babitz. Collé à celui de Jim Morrison, Steve Martin, Ed Ruscha, Harrison Ford, Glenn Frey, Walter Hopps (conservateur du MoMA) et, a priori, beaucoup d'autres, séduits par son panache (sa poitrine généreuse, aussi). Après tout, à chacun ses trophées. Mais il ne faudrait pas seulement voir en cette ex-groupie, aujourd'hui âgée de 75 ans, une collectionneuse d'hommes. Cette native d'Hollywood a su faire aimer sa plume, à travers ses activités de modèle (elle posa pour une célèbre photo, où elle joue aux échecs topless avec Marcel Duchamp !) des papiers parus dans des journaux prestigieux mais aussi pour ses pochettes d'albums (pour The Byrds ou Buffalo Springfield) et une poignée d'ouvrages montrant – à travers le témoignage ou la fiction – les dessous d'une certaine Californie libertaire. On peut à ce titre redécouvrir aujourd'hui un très étrange roman, paru en 1979 : Sex and rage. Dont le sous-titre saura expliciter le contenu de l'objet : Conseils à l'attention des jeunes demoiselles avides de prendre du bon temps. Et Eve Babitz sait de quoi elle parle…
SURF ET GUEULE DE BOIS
Il est difficile de ne pas songer à l'auteure lorsqu'on découvre l'héroïne, Jacaranda – prononcez « Jack-ah-ran-dah » -, fille d'un violoniste qui « se produisait pour l'orchestre de la Twentieth Century Fox » et qui connaissait bien Igor Stravinsky. Les années passent aussi sûrement que les vagues sur lesquelles on surfe, tout comme les fêtes où l'on se torche à la vodka et au White Lady. Cette jeune femme dilettante avait alors « l'impression que la vie n'était que bricoles et broutilles. Elle avait toujours supposé qu'à vingt-trois ans, on était trop vieux, mais elle n'était pas assez vieille pour se satisfaire de ressasser le passé comme Marcel Proust. (…) Peut-être qu'après les années soixante et leurs excès, la vie ne retrouverait jamais cette simplicité. » Gare d'ailleurs, à la gueule de bois quand on découvre la face cachée des paillettes – à L.A. ou ailleurs - ou le vrai visage de l'homme (enfin, l'un des hommes…) qu'on aime, Max… Un départ pour New York (ou un plan au Mexique) peut-il être une échappatoire ? L'écriture peutelle vous « sauver » ?
Si Sex and rage s'avère un ouvrage si séduisant, c'est que les péripéties, somme toute « banales » de cette pétroleuse, sonnent terriblement juste. Que toute l'époque est là, comme photographiée, parfaitement cadrée et le tout avec style. Question de gouaille – remarquablement traduite par la romancière Jakuta Alikavazovic - de justesse, de parfum et ce quel que soit l'endroit décrit. Au fond, « toutes les vagues sont identiques, toutes répondent à l'appel de la lune et finissent par s'épuiser. Mais toutes sont différentes, encore plus qu'elles ne se ressemblent. »