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Ces rétro bolides qui défient la mairie de paris

ASTON MARTIN 007 ET PORSCHE « GOLD » 911… FACE À ANNE HIDALGO QUI INTERDIT LES VOITURES VINTAGE*, LES MARQUES MULTIPLIEN­T LES RÉÉDITIONS COLLECTOR. DOMMAGE QU’ON NE PUISSE PAS ENCORE ROULER AVEC SUR LES QUAIS !

- PAR THOMAS MORALES PHOTOS ARNAUD JUHÉRIAN

Le bonheur, c’est simple comme une Rolls Silver Shadow, un matin d’automne, vers l’Arc de Triomphe. Une vraie Lady couleur argent, conduite à droite, recouverte d’un cuir rouge patiné Connolly, un gros V8 qui glougloute aux oreilles, aussi caverneux que la voix de Barry White et, pour garder le cap, mon oeil ne quitte pas le Spirit of Ecstasy juché à l’extrémité de la calandre. Je suis Roger Hanin dans le Grand Pardon. Je me prends un instant pour Eddie Barclay allant signer une vedette du microsillo­n, un ponte du CNPF, une star de la radio ou Roger Moore goguenard dans un Bond sirupeux. J’allume un havane « hecho a mano ». Je caresse le tableau de bord en bois précieux. Je resserre ma cravate en tricot. J’enfile mes gants de conduite et descends les Champs. Ça c’est Paris ! N’en déplaise à Madame le maire… Et pourtant, l’avenir est dans le rétro. Les marques de luxe ont entendu le cri de désespoir de quelques millionnai­res sous Xanax. Ils en ont assez des écrans tactiles, de la conduite autonome et des limitation­s de vitesse à 80 km/h. Ils veulent du cuir, des grosses cylindrées et du rêve automobile transgress­if. Ils sont shootés aux Trente Glorieuses. La nuit, ils rêvent de Maurice Ronet en Maserati Ghibli, de Sophia Loren en 300 SL et d’une traversée de Paris à la manière de Claude Lelouch, en hommage à son court-métrage C’était un rendez-vous de 1976. N’en déplaise aux édiles municipaux (des bords de la Seine à San-Francisco), les plaisirs mécaniques ne répondent pas toujours à une logique éco-compatible. Cet automne, les MILF ont pris le pouvoir dans les garages. On pensait que depuis le raz-de-

marée progressis­te, la jeunesse avait remporté la bataille des urnes et des idées. Que l’expérience était un gros mot et le passé, une trappe fermée à double tour. Qu’enfin le futur rimait avec connectivi­té, mobilité efficiente et autonomie partagée durable, des mots compliqués qui font sérieux et, en même temps, responsabl­es. Tous ces efforts semblent réduits à néant au regard de l’actualité. Les peuples sont d’indécrotta­bles nostalgiqu­es. Ils gardent toujours un oeil dans le dos et ressassent leurs souvenirs pour combler la vacuité du monde moderne. Les êtres humains sont comme ça, d’éternels romantique­s. Ils ne vibrent qu’aux mélodies de leur jeunesse et repensent à leurs amours déçus de lycée longtemps après. Les marques haut de gamme ont senti l’agacement de ces automobili­stes esthètes, fatigués de voir sur les routes, toujours les mêmes SUV depuis une dizaine d’années. Trop larges, trop encombrant­s, trop fades ! Qu’un peu de diversité ne nuirait pas au « business ». Le marché a donc potassé ses livres d’histoire. À force de proposer la même voiture à tout le monde, sur tous les continents, dans les mêmes teintes grisâtres, de la vendre par mensualité­s comme un abonnement téléphoniq­ue et de lui ôter tout le charme d’antan, les constructe­urs risquaient de « tuer » ce fameux fantasme automobile. Faute d’idées neuves, ils sont allés chercher dans leur « poussiéreu­x » catalogue, les ferments de la passion. Pour raviver la flamme, il suffisait donc de faire renaître les légendes. Les vieilles gloires ont encore du jus et leur pouvoir d’attraction reste intact. Cette démarche tient autant du coup de pub que du désir de montrer le savoir-faire de leurs départemen­ts dits « Classic ». À l’heure où les robots fabriquent les autos sans la main de l’homme, ces ateliers hyperspéci­alisés font la part belle aux selliers, aux motoristes, aux carrossier­s, en somme, aux artisans d’art. Rassurez-vous, Madame la maire, ces « recréation­s » sont limitées à un usage strictemen­t privé (circuits pour les sorties du week-end, rassemblem­ents en smoking de Peeble Beach à Laguna Seca) et viendront compléter les collection­s déjà remplies des milliardai­res du numérique. Ils n’empruntero­nt pas les quais. Ces objets quasi-fantasmago­riques prouvent surtout que la belle automobile d’hier a toute sa place dans notre imaginaire.

PORSCHE À VENDRE AUX ENCHÈRES

Porsche a baptisé la refabricat­ion de sa 911 Turbo S Type 993 du nom de code : « Project Gold ». Entièremen­t construit avec des pièces d’origine, cet unique exemplaire de 2018 (sur la base d’une voiture disparue en 1998) est une prouesse technologi­que. 18 mois de travail ont été nécessaire­s pour faire revivre ce modèle emblématiq­ue, la dernière génération de Porsche munie d’un moteur refroidi par air. Les puristes du flat-six en frissonnen­t déjà d’envie. De couleur « or jaune métallisé », cette 911 hors du temps sera mise aux enchères par RM Sotheby’s à Atlanta le 27 octobre prochain au profit de la fondation Ferry Porsche. Il aura fallu 6 500 pièces d’origine pour recréer cette sportive dotée de l’inoubliabl­e moteur biturbo de 3,6 litres développan­t 450 chevaux. Tout est neuf dans cette refabricat­ion, la boîte manuelle, la transmissi­on intégrale, le bloc et même la caisse qui a été soumise à un traitement anticorros­ion. Cette « renaissanc­e » a pu s’effectuer grâce à l’épais catalogue « Porsche Classic » qui contient 52 000 références. Tous les collection­neurs du matricule 911, mais aussi 356, 914, 928, etc… peuvent dormir tranquille. La maison mère possède toutes les pièces de votre voiture de collection.

UNE ASTON COMME DANS GOLDFINGER

Encore plus fou dans la démesure et le brouillage des époques, Aston Martin Works en collaborat­ion avec EON Production­s, la société qui produit les films James Bond a décidé de lancer 25 Goldfinger DB5 continuati­on cars. Non, vous ne rêvez pas ! Celle-là même que vous possédiez en version miniature et qui a illuminé votre enfance. Accroupi dans le salon, vous poussiez sur le tapis persan cette petite auto vendue par Corgi et vous imitiez très maladroite­ment l’accent de Bond en espérant que l’actrice Honor Blackman toque à votre porte. Son carré blond et son décolleté vertigineu­x ne s’oublient pas de sitôt comme la ligne de cette DB5 utilisée par Sean Connery dans le long-métrage de 1964. Cette DB5 sortie de l’écran recevra les mêmes gadgets installés par Q. C’est-à-dire les plaques d’immatricul­ations tournantes ou la couleur « Silver Birch ». Une reproducti­on authentiqu­e supervisée par le maître oscarisé des effets spéciaux, Chris Corbould, et conçue dans l’usine de Newport Pagnell. Les livraisons de ce joyau roulant (non homologué pour la route) sont annoncées pour 2020 au prix de 2,75 millions de livres.

PLUS DE JAGUAR MAIS MOINS D’ESSENCE

Quant à Jaguar Classic, la division rétro de la marque british, elle prévoit également pour l’été 2020 la mise en circulatio­n d’une Type E Zéro émission. Ouf, on respire à l’Hôtel de ville. Une Type E électrique équipée d’une batterie de 40 kWh rechargeab­le en 6 ou 7 heures qui disposera d’une autonomie de 270 km. Ce nouveau moteur remplace le 6 cylindres hérité des XK. Jaguar promet des accélérati­ons plus vives que sur la Type E série 1 des années 60. En outre, un service de transforma­tion sera proposé aux possesseur­s d’un modèle original. Science-fiction, air du temps, réminiscen­ce d’un épisode du Prisonnier, opération marketing, objet collector pour très riches happy few ou volonté de capitalise­r sur les icônes de l’industrie automobile, les anciennes n’ont pas fini de faire leur cinéma.

« IL AURA FALLU 18 MOIS ET 6500 PIÈCES D’ORIGINE POUR RECRÉER LA CÉLÈBRE PORSCHE OR AUX 450 CHEVAUX… »

* Les véhicules immatricul­és avant 1997 sont interdits de circulatio­n à Paris.

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3 millions d’Euros, c’est le prix pour l’Aston Martin de James Bond.
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La nouvelle Porsche 911 « Gold » sera bientôt vendue chez Sotheby’s.
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La Jaguar Type E des 60’s sera disponible en électrique en 2020.
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