Ces rétro bolides qui défient la mairie de paris
ASTON MARTIN 007 ET PORSCHE « GOLD » 911… FACE À ANNE HIDALGO QUI INTERDIT LES VOITURES VINTAGE*, LES MARQUES MULTIPLIENT LES RÉÉDITIONS COLLECTOR. DOMMAGE QU’ON NE PUISSE PAS ENCORE ROULER AVEC SUR LES QUAIS !
Le bonheur, c’est simple comme une Rolls Silver Shadow, un matin d’automne, vers l’Arc de Triomphe. Une vraie Lady couleur argent, conduite à droite, recouverte d’un cuir rouge patiné Connolly, un gros V8 qui glougloute aux oreilles, aussi caverneux que la voix de Barry White et, pour garder le cap, mon oeil ne quitte pas le Spirit of Ecstasy juché à l’extrémité de la calandre. Je suis Roger Hanin dans le Grand Pardon. Je me prends un instant pour Eddie Barclay allant signer une vedette du microsillon, un ponte du CNPF, une star de la radio ou Roger Moore goguenard dans un Bond sirupeux. J’allume un havane « hecho a mano ». Je caresse le tableau de bord en bois précieux. Je resserre ma cravate en tricot. J’enfile mes gants de conduite et descends les Champs. Ça c’est Paris ! N’en déplaise à Madame le maire… Et pourtant, l’avenir est dans le rétro. Les marques de luxe ont entendu le cri de désespoir de quelques millionnaires sous Xanax. Ils en ont assez des écrans tactiles, de la conduite autonome et des limitations de vitesse à 80 km/h. Ils veulent du cuir, des grosses cylindrées et du rêve automobile transgressif. Ils sont shootés aux Trente Glorieuses. La nuit, ils rêvent de Maurice Ronet en Maserati Ghibli, de Sophia Loren en 300 SL et d’une traversée de Paris à la manière de Claude Lelouch, en hommage à son court-métrage C’était un rendez-vous de 1976. N’en déplaise aux édiles municipaux (des bords de la Seine à San-Francisco), les plaisirs mécaniques ne répondent pas toujours à une logique éco-compatible. Cet automne, les MILF ont pris le pouvoir dans les garages. On pensait que depuis le raz-de-
marée progressiste, la jeunesse avait remporté la bataille des urnes et des idées. Que l’expérience était un gros mot et le passé, une trappe fermée à double tour. Qu’enfin le futur rimait avec connectivité, mobilité efficiente et autonomie partagée durable, des mots compliqués qui font sérieux et, en même temps, responsables. Tous ces efforts semblent réduits à néant au regard de l’actualité. Les peuples sont d’indécrottables nostalgiques. Ils gardent toujours un oeil dans le dos et ressassent leurs souvenirs pour combler la vacuité du monde moderne. Les êtres humains sont comme ça, d’éternels romantiques. Ils ne vibrent qu’aux mélodies de leur jeunesse et repensent à leurs amours déçus de lycée longtemps après. Les marques haut de gamme ont senti l’agacement de ces automobilistes esthètes, fatigués de voir sur les routes, toujours les mêmes SUV depuis une dizaine d’années. Trop larges, trop encombrants, trop fades ! Qu’un peu de diversité ne nuirait pas au « business ». Le marché a donc potassé ses livres d’histoire. À force de proposer la même voiture à tout le monde, sur tous les continents, dans les mêmes teintes grisâtres, de la vendre par mensualités comme un abonnement téléphonique et de lui ôter tout le charme d’antan, les constructeurs risquaient de « tuer » ce fameux fantasme automobile. Faute d’idées neuves, ils sont allés chercher dans leur « poussiéreux » catalogue, les ferments de la passion. Pour raviver la flamme, il suffisait donc de faire renaître les légendes. Les vieilles gloires ont encore du jus et leur pouvoir d’attraction reste intact. Cette démarche tient autant du coup de pub que du désir de montrer le savoir-faire de leurs départements dits « Classic ». À l’heure où les robots fabriquent les autos sans la main de l’homme, ces ateliers hyperspécialisés font la part belle aux selliers, aux motoristes, aux carrossiers, en somme, aux artisans d’art. Rassurez-vous, Madame la maire, ces « recréations » sont limitées à un usage strictement privé (circuits pour les sorties du week-end, rassemblements en smoking de Peeble Beach à Laguna Seca) et viendront compléter les collections déjà remplies des milliardaires du numérique. Ils n’emprunteront pas les quais. Ces objets quasi-fantasmagoriques prouvent surtout que la belle automobile d’hier a toute sa place dans notre imaginaire.
PORSCHE À VENDRE AUX ENCHÈRES
Porsche a baptisé la refabrication de sa 911 Turbo S Type 993 du nom de code : « Project Gold ». Entièrement construit avec des pièces d’origine, cet unique exemplaire de 2018 (sur la base d’une voiture disparue en 1998) est une prouesse technologique. 18 mois de travail ont été nécessaires pour faire revivre ce modèle emblématique, la dernière génération de Porsche munie d’un moteur refroidi par air. Les puristes du flat-six en frissonnent déjà d’envie. De couleur « or jaune métallisé », cette 911 hors du temps sera mise aux enchères par RM Sotheby’s à Atlanta le 27 octobre prochain au profit de la fondation Ferry Porsche. Il aura fallu 6 500 pièces d’origine pour recréer cette sportive dotée de l’inoubliable moteur biturbo de 3,6 litres développant 450 chevaux. Tout est neuf dans cette refabrication, la boîte manuelle, la transmission intégrale, le bloc et même la caisse qui a été soumise à un traitement anticorrosion. Cette « renaissance » a pu s’effectuer grâce à l’épais catalogue « Porsche Classic » qui contient 52 000 références. Tous les collectionneurs du matricule 911, mais aussi 356, 914, 928, etc… peuvent dormir tranquille. La maison mère possède toutes les pièces de votre voiture de collection.
UNE ASTON COMME DANS GOLDFINGER
Encore plus fou dans la démesure et le brouillage des époques, Aston Martin Works en collaboration avec EON Productions, la société qui produit les films James Bond a décidé de lancer 25 Goldfinger DB5 continuation cars. Non, vous ne rêvez pas ! Celle-là même que vous possédiez en version miniature et qui a illuminé votre enfance. Accroupi dans le salon, vous poussiez sur le tapis persan cette petite auto vendue par Corgi et vous imitiez très maladroitement l’accent de Bond en espérant que l’actrice Honor Blackman toque à votre porte. Son carré blond et son décolleté vertigineux ne s’oublient pas de sitôt comme la ligne de cette DB5 utilisée par Sean Connery dans le long-métrage de 1964. Cette DB5 sortie de l’écran recevra les mêmes gadgets installés par Q. C’est-à-dire les plaques d’immatriculations tournantes ou la couleur « Silver Birch ». Une reproduction authentique supervisée par le maître oscarisé des effets spéciaux, Chris Corbould, et conçue dans l’usine de Newport Pagnell. Les livraisons de ce joyau roulant (non homologué pour la route) sont annoncées pour 2020 au prix de 2,75 millions de livres.
PLUS DE JAGUAR MAIS MOINS D’ESSENCE
Quant à Jaguar Classic, la division rétro de la marque british, elle prévoit également pour l’été 2020 la mise en circulation d’une Type E Zéro émission. Ouf, on respire à l’Hôtel de ville. Une Type E électrique équipée d’une batterie de 40 kWh rechargeable en 6 ou 7 heures qui disposera d’une autonomie de 270 km. Ce nouveau moteur remplace le 6 cylindres hérité des XK. Jaguar promet des accélérations plus vives que sur la Type E série 1 des années 60. En outre, un service de transformation sera proposé aux possesseurs d’un modèle original. Science-fiction, air du temps, réminiscence d’un épisode du Prisonnier, opération marketing, objet collector pour très riches happy few ou volonté de capitaliser sur les icônes de l’industrie automobile, les anciennes n’ont pas fini de faire leur cinéma.
« IL AURA FALLU 18 MOIS ET 6500 PIÈCES D’ORIGINE POUR RECRÉER LA CÉLÈBRE PORSCHE OR AUX 450 CHEVAUX… »
* Les véhicules immatriculés avant 1997 sont interdits de circulation à Paris.