LE COMEBACK DU MOIS JACK LE SERIAL-ARTISTE
Avec The House that Jack built, Lars Von Trier nous offre un autoportrait en creux qui se révèle être son travail le plus personnel à ce jour. Vous avez dit oeuvre testamentaire ?
THE HOUSE THAT JACK BUILT LARS VON TRIER
Cannes, mardi 15 Mai 2018, projection du « nouveau Von Trier ». Attendu au tournant depuis son embardée en 2011 à l’occasion de ses déclarations sur Hitler lors de la conférence de presse de Melancholia, le Danois revenait enfin sur la croisette après sept années de bannissement. Dire que le public l’attendait au tournant relève de l’euphémisme...
Relayé quelques semaines plus tôt par un teaser en mode psychokiller, le projet de Von Trier se situe évidemment bien loin de ce que sa bande annonce laissait présager. Car en lieu et place du film horrorifico-gore tant annoncé, LVT propose une dissertation (très second degré il est vrai) sur les affres de la création par le biais d’un serial-killer, architecte de métier (formidable Matt Dillon en tueur benêt) dont le funeste dessein n’est autre que de réaliser la maison de ses rêves en cadavres humains. Aussi souriant que terrifiant, cet anti-héros conte son histoire à un certain Verge (Virgile dans La Divine
comédie de Dante), confesseur démiurge invisible jusqu’à un tiers du film (Bruno Ganz toujours impeccable) et retrace ainsi sa carrière à l’aune de celle de son propre créateur (Von Trier, évidemment). Une mise en abîme didactique mais brillante, qui a le plaisant avantage de manier humour noir et provoc’ tout en adressant un pied de nez au festival, assez gonflé (les allusions au Reich y sont une fois de plus légion).
« MAISON-CERVEAU »
Il est amusant de constater à quel point le réalisateur rejoint ici un autre provocateur bien connu de nos pages, qui présentait lui aussi une variation autour de l’enfer de Dante à Cannes cette année. Gaspar Noé et son Climax ont énormément en commun avec la « maison-cerveau » de Von Trier et ce, malgré une mise en scène radicalement opposée. Alors que Noé s’attache à nous faire ressentir viscéralement l’horreur physique de l’enfer, LVT, lui, choisit une mise en scène à distance, parfois froide et cynique, avec des choix picturaux renversants (la reproduction de
Dante et Virgile aux Enfers de Delacroix entre autres). Une référence de plus qui ne dit qu’une seule et même chose de son auteur : « Que vous m’aimiez ou non, je ne pourrais jamais faire autre chose que ce que je fais aujourd’hui. Et qu’il sente la merde, le sperme ou le sang, il n’en est pas moins Art ». L’artiste, seul juge de son travail.
En salle le 17 Octobre.