LE PARI DE PASCAL
PASCAL OBISPO OBISPO (MERCURY) ☆☆☆☆
Obispo, un mot synonyme de ringardise absolue ? Opiniâtre, Pascal tente un grand retour – et signe au passage le nanar musical le plus abracadabrant de l’année.
Obispo ? Un nom à jamais scotché à la fin des années 90. Entre ses tubes « Lucie » et « Tombé pour elle (l’île aux oiseaux) », son album Superflu qui dépassait allègrement le million d’exemplaires vendus et ses collaborations avec Pagny, Zazie, Johnny, tout souriait alors au dégarni pas encore rasé de frais. Après sa chute de cheveux, c’est le succès qui tomba peu à peu, jusqu’au bide de l’album concept Welcome to the Magic World of Captain Samouraï Flower en 2009 – était-il raisonnable de se prendre pour Bowie ? Depuis, le chauve s’est un peu refait la cerise avec Le grand amour (2013), mais sans non plus péter le plafond. Son nouvel album, Obispo, est vendu comme celui de son comeback. En promo, l’eunuque jovial semble plus épanoui que jamais. Reste à voir ce qu’il nous cache dans son harem.
Ça commence en fanfare par « Et bleu… », déclaration d’amour passionnée aux femmes qui ont fait l’histoire de France – Marie-Antoinette, Joséphine de Beauharnais, Brigitte Lahaie, Sophie Marceau… Jules Michelet lèverait un sourcil devant ce bric-à-brac sans queue ni tête. Phil Spector avalerait ses perruques face aux choix de production, tous plus aberrants les uns que les autres. Les pauvres n’ont encore rien vu : dès le quatrième titre, Pascal se pique de parler politique. Extrait des paroles : « Chante à tue-tête à la face des puissants, n’aie pas peur de les rendre sourds ils le sont depuis longtemps, depuis toujours. » Aux armes, citoyens ! A ce moment-là, on a compris qu’on est confronté à un grand album malade. Si son idole Polnareff montrait son cul, Pascal dévoile son coeur. Ce n’est pas un spectacle plus décent. Au long des dix-huit titres que dure le disque, rien ne sera épargné à l’auditeur : rimes neuneus assénées à gorge déployée, envolées lyriques et solos de saxo, duo dégoulinant avec Calogero, hommages embarrassants à Amy Winehouse, Lennon et McCartney, Voulzy et Souchon, refrains pour campings, guitares à goût de merguez, arrangements qui semblent signés par un JeanJacques Goldman sous Captagon… Y avait-il un ingénieur du son dans l’avion ? Comme influences, Pascal cite The Cure et Joy Division. Ce n’est pas évident à l’écoute. Ian Curtis aurait-il osé intituler des chansons « Allons en fan » ou « La société de consolation » ? Il s’était pendu pour moins que ça. Si Benjamin Biolay vient sans doute pour cachetonner pépère, on se demande ce que foutent Christophe et Adjani dans cette galère (voilà qu’on fait des rimes à la Obispo !). Tout cela est parfaitement épouvantable mais, il faut bien l’avouer, assez fascinant. Au moins, on est surpris, on n’y croit pas, on se fend la poire – comme avec les films de BHL. Mieux vaut un bon gros nanar popu que les petits chichis snobs de Chris ou Jeanne Added. Ce n’est quand même pas rassurant sur la santé mentale des gens du showbiz. Un titre de l’album s’appelle « Toxicomanes ». Mauvais goût, grosse tête, névroses et bons sentiments en roue libre, Pascal souffre en effet de sévères addictions.