L’EXPO DU MOIS EN DIRECT DE LA TOILE
Le Palais de Tokyo a eu la riche idée de confier sa « carte blanche » à l’Argentin passionné par le tissage de réseaux Tomás Saraceno. Arachnophobes s’abstenir ! Qu’il a dû être terrible, le calvaire des mondaines et mondains arachnophobes,
lors du vernissage de l'exposition On Air. Le Palais de Tokyo, investi par l'artiste Tomás Saraceno, leur promettait l'enfer, soit près de 500 araignées pullulant dans le centre d'art. Que l'on rassure les suivants, d'aranéides il n'est en pas, ou peu, pour troubler la visite de cette exposition spectaculaire et sans précédent.
(Précaution d'usage : ne cédez pas à la grégaire visite du samedi après-midi, qui vous verra peiner au milieu des familles et touristes. Le Palais de Tokyo est ouvert jusqu'à minuit, horaire auquel vous trouverez la quiétude idéale pour découvrir On Air).
Investi d'un discours fort sur la responsabilité de l'homme vis à vis de son environnement, Tomás Saraceno, architecte de formation, prend pour palette des phénomènes naturels qui échappent à la perception humaine immédiate, de la poussière infime aux vibrations cosmiques en passant, donc, par ces araignées qui peuplent le Palais de Tokyo. La première salle de l'exposition est saisissante : dans l'obscurité, comme à perte de vue, ne sortent des ténèbres que d'immenses toiles suspendues dans des cubes de verre, comme un « paysage flottant ».
Ces toiles d'araignées se déclinent, au fil des pièces, errant dans les airs, instruments de musique, révélées par des lasers, reproduites en très grand nombre sur papier. Elles entrent en résonance - au sens propre - avec ces phénomènes indécelables que Saraceno transforme en autant de sources sonores et musicales : poussières cosmiques, fréquences radio, voire sons de dauphins captés en direct depuis la Méditerranée. En ce sens, l'artiste présente son projet comme une « Jam Session cosmique ». Cela pourrait paraître ésotérique, mais il faut vivre cette exposition sans se prétendre scientifique ou critique d'art. On Air est une expérience sensorielle époustouflante.
MOUVEMENT SOCIAL
La seconde partie de l'exposition, consacrée au projet
Aérocène de l'artiste, vient illustrer ces questionnements de manière plus littérale. Projet collaboratif initié par Saraceno,
Aerocène réunit, à travers le monde, des volontaires, pour construire des structures gonflables volant au seul moyen de l'énergie solaire. Si l'idéalisme du projet pourrait inspirer, comme l'espère l'artiste, l'entrée dans une nouvelle ère, sa présentation semble ici – en contraste à la grâce du reste – se détourner de la poésie de l'oeuvre au profit du pédagogique : il faudrait aujourd'hui que chaque exposition devienne un mouvement social ! Certains se souviendront d'ailleurs du didactique atelier de fabrication de lampes – dédié à la cause migratoire – de l'artiste Olafur Eliasson à la dernière Biennale de Venise.
On Air n'en demeure pas moins une réussite éclatante, la plus grande peut-être du Palais de Tokyo depuis la carte blanche offerte à Tino Sehgal il y a deux ans. Et nous démontre depuis son ouverture, simultanée à celle de la FIAC mi-Octobre, que l'art contemporain a souvent un intérêt plus grand lorsqu'il n'est pas conçu pour surplomber un canapé Conran.
On Air : Carte Blanche à Tomás Saraceno au Palais de Tokyo (13 Avenue du Président Wilson, 75116 Paris) jusqu’au 6 janvier 2019