LA CICCIOLINA
« J’AI PROPOSÉ À SADDAM HUSSEIN DE COUCHER AVEC LUI. IL NE M’A JAMAIS RÉPONDU… »
STAR DE L’ACTIVISME SEXY À L’ITALIENNE ET DES OEUVRES LES PLUS EXPLICITO-KITSCH DE JEFF KOONS, QUE DEVIENT LA CICCIOLINA ? NOTRE REPORTER EST PARTIE SUR SES TRACES…
Octobre 2018, le Grand Palais accueille la 45ème édition de la FIAC. Les visiteurs s’arrêtent devant un vagin, et pas des moindres : celui de la Cicciolina. Dans cette oeuvre photographique nommée Manet, soft, l’ex- star du porno est présentée en position d’andromaque, chevauchant son mari de l’époque, le plasticien Jeff Koons. Tirée de la série « Made in Heaven » , l’oeuvre est exposée sur le stand d’un vaisseau amiral du marché de l’art contemporain actuel : la galerie David
Zwirner. La photo XXL attirera le plus de « selfies » tout au long de la foire.
La muse, née en 1951 à Budapest ( fille d’un fonctionnaire au ministère de l’Intérieur et d’une sage- femme) démarre sa carrière en 1973 avec Voulez-vous coucher avec moi ?, émission de radio pionnière dans les questions de sexualité en Italie qui signera la naissance du surnom « Cicciolina » . La « petite chérie » en français, a également été, dès le début des années 1980, productrice de ses propres pornos, performeuse ( ce qui lui a valu quelques condamnations pour outrage public à la pudeur) et enfin, députée du parti centregauche Radicale...
« FAIRE LE BUZZ, C’EST METTRE UN DÉBAT SUR LA TABLE. »
Ilona, vous vous apprêtez à fêter votre 66ème anniversaire. Comment se passe la retraite ?
Ilona Staller ( Cicciolina) : Ah non ! Je fais plein de choses : je touche à tout, de l’art figuratif à la comédie musicale. Je chante mes chan-
sons, des hymnes à l’érotisme comme Muscolo Rosso, dans les boîtes de nuit, j’appelle ça le « Cicciolina Love Tour » . À côté de ça, je monte mes expos. Je n’arrête jamais ! J’en profite pour lancer un appel à la France – je viendrai chanter chez vous avec grand plaisir.
Vous préparez quel genre d’expo ?
En ce moment, je me consacre à l’art contemporain en établissant une chronologie de toutes les oeuvres d’autres artistes que j’ai pu inspirer.
Vous avez longtemps été muse...
Et aujourd’hui, je suis moi-même créatrice d’oeuvres d’art que l’on peut qualifier de surréalistes ou de fantastiques. Il s’agit d’une série, « Cicciolina Makes Art », rendant compte de ma vie sous forme de collages colorés et sensuels.
Les shows que vous donnez sont toujours aussi hot ?
Mon courage reste le même, rien n’a vraiment changé depuis les années 80, si ce n’est que la scénographie des shows n’est plus aussi transgressive qu’avant : ils plairont davantage aux nostalgiques qu’aux libidineux ! D’ailleurs je me suis replongée dans mon passé ces derniers temps : je compte quitter la scène pour faire un film autobiographique qui me verra personnellement impliquée en tant qu’actrice et réalisatrice. Il racontera tout, de mon enfance en Hongrie à nos jours, ici à Rome, où je vis depuis trente ans.
Et vous en êtes où ?
Le scénario est prêt, je me suis basé sur mon livre Per Amore e per Forza, sorti en 2007 aux éditions Mondadori. Bien entendu, je rajouterai ce qui m’est arrivé depuis.
Vous avez été l’une des grandes figures de la libération sexuelle en Italie dans les années 70 et 80. Quel regard portez-vous sur ce combat aujourd’hui ?
J’ai particulièrement apprécié mon passage au Parlement italien, de 1987 à 1992. J’ai pu y oeuvrer pour faire avancer les questions relatives à la nudité, à l’acceptation de l’homosexualité, à la pornographie, aux différentes formes de sexualités queer. À la fin des années 70, les femmes n’acceptaient plus l’idée du sexe vécu uniquement comme une pratique de procréation, et se sont mises à revendiquer, comme un droit, celui du plaisir sexuel – et non plus comme un devoir envers son mari ou son partenaire. À compter de cette période, la soumission des femmes à leurs partenaires masculins, cesse drastiquement. Elles pouvaient enfin choisir leurs partenaires sexuels sans ingérence ni jugement des autres, ce qui a donné aux femmes une plus grande liberté pour expérimenter de nouvelles formes de sexualité. Résultat ? Les femmes et les personnes trans ou homos ne sont plus obligées de cacher leurs désirs sexuels…
Et quand vous siégiez au Parlement ?
Pendant ces cinq années de mandat, de 1987 à 1992, mon engagement reposait sur l’honnêteté et la promesse faite à mes électeurs. Je me suis engagée à faire des campagnes d’information sur les dangers du sida dans les écoles, etc. J’ai proposé plusieurs projets de loi, y compris un pour la réouverture des maisons closes.
Un retour vers les années d’avant-guerre ?
Pas du tout ! Il s’agit d’obtenir une sécurité sociale pour les prostituées, le tout avec des garanties d’hygiène, pour les clients comme pour les filles, et la possibilité de ne plus avoir des filles en bord de route.
Vous vous sentez proche d’un parti politique ?
Malheureusement, je ne vois pas de bon parti politique en Italie en ce moment. Comment exprimer un avis favorable vis-à-vis de l’un d’eux quand tant de mes concitoyens vivent dans des conditions précaires, sans emploi, avec une famille à nourrir, un prêt immobilier à rembourser ? Que fait-on pour eux ? Rien à l’heure actuelle – et ça n’a pas changé avec le nouveau gouvernement. Je suis très inquiète pour tous ces Italiens sans espoir d’avenir. Pire, ces dernières années, nos jeunes font leurs valises et quittent le pays parce qu’ils ne trouvent pas moyen d’y concrétiser leurs rêves – ce qui n’était certainement pas le cas dans les années 70 quand je suis arrivée d’Hongrie… J’attends donc d’un parti qu’il puisse encourager les Italiens à fonder une famille, trouver un travail…
En 1991, vous proposiez à Saddam Hussein de coucher avec lui pour tenter de stopper la guerre. Il vous a répondu ?
En pleine crise du Golfe en 1991, j’avais fait part, aux chaînes de télévision et à notre agence de presse, de mon voeu d’offrir mon corps à Saddam Hussein en échange du retrait des troupes irakiennes du Koweït. Il a reçu un fax
l’informant de mon offre, mais il ne m’a jamais répondu. Je sais qu’elle est parvenue jusqu’à son bunker, et j’étais prête à partir à tout moment, sans escort, en Irak pour cette « mission humanitaire ». Tout ça pour la paix dans le monde !
Considérez-vous votre carrière comme une longue oeuvre d’art (parfois créative, parfois drôle) ?
Oui, mais j’ai aussi vécu toutes les autres émotions que la vie peut offrir. Je ne changerais rien de ma vie, ni privée ni publique. J’ai toujours tout fait avec plaisir, sans remords ni arrière-pensées.
Que pensez-vous lorsque vous découvrez les coûts des oeuvres d’art de Jeff Koons vous représentant ?
Si aujourd’hui les oeuvres d’art de mon ex-mari, Jeff Koons, me représentant, se vendent pour des sommes stratosphériques, c’est quand même grâce à moi, non ? C’est grâce à ma célébrité qu’il a pu, dans les années 1989-1991, créer ces toiles géantes et ces sculptures nous représentant en plein acte sexuel. Elles ont commencé à prendre de la valeur dès la première exposition à la Biennale de Venise en 1990, et tout cela grâce à ma grande notoriété. Donc il me doit son immense fortune, il me doit tout !
Vous avez pu bénéficier de la valeur de ces oeuvres ?
Je n’ai jamais rien perçu en droits sur les oeuvres me représentant avec Jeff Koons. Mais j’ai l’impression que nous sommes arrivés à la fin du cycle entamé avec cette série « Made in Heaven ». À l’époque, nous disions la faire pour la paix dans le monde. Je n’ai pas changé. Je souhaite toujours la fin des guerres et du terrorisme.
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