Technikart

KIDDY SMILE

CROONER HOUSE

-

« DANS LES BANLIEUES, ON M’ÉCOUTE PEUT-ÊTRE SOUS LA COUETTE... »

1 IMMENSE PAR SON TALENT ET SON MÈTRE 90, CE « FILS D’IMMIGRÉS, NOIR ET PÉDÉ » EST L’ARTISTE LE PLUS EXCITANT DE L’ANNÉE. MAIS KIDDY PEUT- IL FAIRE OUBLIER SON STATUT DE SYMBÔLE ET ENFIN S’IMPOSER ?

Il est honni par la droite identitair­e qui a sauté sur son DJ set à l’Elysée pour en faire un symbole du grand remplaceme­nt, et mal défendu par la gauche bourgeoise qui aimerait le transforme­r en emblème d’on ne sait quoi. Il est incompatib­le avec les rappeurs pour des histoires de moeurs, et tout aussi incompris par la famille French Touch, un peu méprisante sur ce coup- là. Il est pourtant l’artiste le plus original et flamboyant à avoir percé dans nos contrées cette année. Un phénomène inouï jusqu’ici. Avait- on déjà vu un chanteur de gospel ( et ancien enfant de choeur) puiser dans le meilleur de la house historique pour en tirer une musique moderne, tout en s’habillant de fourrures flashy à le rendre visible jusqu’à Saturne. « Fils d’immigrés, noir et pédé » : le T- shirt qu’il avait arboré à la boum de Macron est un raccourci trop rapide pour aborder ce musicien inclassabl­e qui aurait fait fureur au Palace ou au Studio 54. Aussi apporte- t- il quelques précisions dans la discussion qui suit. Tout d’abord : bravo. Ton récent show à la Gaîté Lyrique était extraordin­aire, rien à voir avec les concerts somnifères auxquels on est habitués à Paris… Kiddy Smile : J’aime bien dire, comme une blague ( une blague sensée), que j’adorerais être la Beyoncé de la house music. J’ai grandi en admirant des comédies musicales. Je n’ai pas créé mon concert comme un truc purement auditif, mais comme un spectacle plus global qui devait inciter à la fête et régaler les yeux. Mes expérience­s passées de danseur et de styliste m’ont servi à monter ce show, qui ne cesse d’évoluer – ça va devenir de plus en plus intrigant. Dans le public, il y avait une ferveur folle. J’espère. Pour moi, la Gaîté Lyrique était une date clef : c’était la première fois que je faisais une billetteri­e sur mon nom seul. Les gens viendraien­t- ils ? Ça m’angoissait vraiment. Heureuseme­nt, c’était complet deux mois avant. Après, j’estime que les gens qui ont payé pour me voir doivent en avoir pour leur argent, en reparler le lendemain – « Putain je suis allé voir Kiddy Smile, sur scène ça tue. » C’est comme ça que j’avais découvert Kings of Leon, en étant invité à un concert par des amis. Je m’étais pris une claque. Si j’avais entendu à la radio, ça m’aurait peutêtre moins plu… On s’était vus en juin, deux mois avant la sortie de ton album : tu craignais alors qu’on ne te parle que de politique, pas de musique. N’est- ce pas ce qui s’est passé ? Je comprends qu’on veuille me poser des questions politiques – il y a peut- être en France un déficit d’artistes qui parlent de la vie de tous les jours, ont une vision de la société. J’incarne aussi sans doute quelque chose de nouveau. Mais dans un sens, c’est assez injuste que mon métier passe au second plan. Je ne suis pas un politicien qui fait de la musique le dimanche. Je suis quelqu’un qui vient d’une couche hyper opprimée de la société, certes, mais je fais avant tout de la musique. Quand je vois les autres artistes qui émergent, il n’y a pas les mêmes attentes, les mêmes exigences. Si je balaie ça, est- ce que les gens vont continuer à parler de mon projet ? Je ne veux pas non plus passer pour une diva qui refuse de répondre… C’est un peu fatigant. C’est propre à la France, cette incapacité à bien parler de la pop ? En Angleterre, on ne m’a quasiment interrogé que sur l’album – ses références, sa conception, mes connexions etc. La Fête de la Musique à Elysée, c’était vite zappé. Ça a fait un tollé chez nous. Philippe de Villiers, qui n’écoute pas de la house tous les matins, avait parlé d’une « insulte au coeur de la France » . Ça t’avait peiné ? Quand on ne sait pas de quoi on parle, on ferme sa gueule. J’ai eu l’impression que je n’avais rien à faire là. Quand Kadhafi était venu, on n’avait rien dit. Moi, j’y vais, et c’est plus scandaleux ! Certains ont des drôles de priorités. Je ne suis pas un dictateur, ni un meurtrier. Si on se souvient du général de Gaulle, je comprends que ça puisse faire bizarre – mais n’oublions pas Kadhafi et les autres. Il paraît que quand Pedro Winter t’avait proposé de jouer à l’Elysée, tu avais compris qu’il s’agissait de… l’Elysée Montmartre. C’est vrai ? Complèteme­nt ! Il m’avait appelé le jour où tu m’avais interviewé. J’avais pigé que c’était l’Elysée Montmartre, même si un détail m’étonnait : Pedro me disait qu’il n’y avait jamais eu d’électro là- bas. Puis Lauren, la responsabl­e de la presse dans mon label, m’avait dit qu’il y aurait Brigitte Macron. J’avais éclaté de rire en la prenant de haut : « Lauren, saistu qu’il y a à Paris un endroit qui s’appelle l’Elysée Montmartre ? » Et elle : « Non, on

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France