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VIVE LA FRANCE !

Non, notre cher vieux pays n’est pas tout à fait foutu. La preuve avec Loane et O, deux artistes qui redonnent finesse et fraîcheur à la pop hexagonale.

- LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCA­ULD

O

À TERRE ! (Vietnam)

LOANE

ALONE (Huit Heures Cinq)

Ces jours-ci, pour qui aime se fendre la pipe, il y a de quoi faire en France. La palme du burlesque revient sans doute à Raphaël Glucksmann, le Che Guevara en parka Canada Goose (la gauche Canada Dry). Avec son mégaphone et ses mimiques, il rappelle surtout Michaël Youn. Le débat public a de beaux jours devant lui. Face à de telles bouffonner­ies, il est urgent de se trouver des refuges. Dans un monde idéal, la musique devrait en être un – mais à l’heure de Booba, Kaaris et Obispo, le comique n’épargne personne. Cessons de rire (jaune) : depuis le début de l’année, plein de bons disques sortent chez nous. Citons entre autres Night Sketches de Papooz (splendidem­ent produit par le sorcier des studios Adrien Durand), le désaxé When Will The Flies In Deauville Drop du Villejuif Undergroun­d, Un peu plus d’amour s’il vous plaît de Laure Briard ou le formidable Dernier voyage du duo Accident. En raison d’un fâcheux manque de place, nous ne pouvons détailler toutes ces actus et devons nous concentrer sur deux autres artistes – un homme et une femme, comme dirait Lelouch.

Galanterie oblige, honneur à madame : Loane. Après deux albums de pop racée (Jamais seule en 2008 et Le lendemain en 2011), elle aura disparu… huit ans. Une éternité dans le monde de la pop où tant d’artistes semblent sous amphétamin­es, stressés qu’ils sont de revenir tous les quinze jours avec un nouveau single pour ne pas tomber dans l’oubli. À la surproduct­ivité en vogue, Loane a préféré une vieille méthode : la jachère. Le long de sa retraite à la Scott Walker, elle a pris le temps de ciseler ses paroles, ses mélodies, la production de l’ensemble. Résultat ? Alone est un album atmosphéri­que, nocturne et envoûtant, un vrai disque à l’ancienne, où l’on entre peu à peu, de plus en plus rêveur. Chaque chanson séduit encore plus que la précédente. Le tout dernier titre, « Andrea », enfonce le clou. Renseignem­ents pris, un certain O a participé aux arrangemen­ts. Tiens donc…

Il se trouve que O (Olivier Marguerit dans le civil) est l’auteur du meilleur disque français de ce début d’année. On a beau avoir écouté cent fois A terre !, on peine à redescendr­e. En 2016, on était pourtant passé complèteme­nt à côté de son premier album, Un torrent, la boue. On devait avoir une double otite à ce moment-là. Cette fois-ci, c’est peu dire qu’il nous a débouché les oreilles. C’est de la grande pop française classique remise au goût du jour. « Ce bateau », c’est beau comme du Blonde Redhead. « Soleil charbon », c’est divin. Et puis il y a le chef-d’oeuvre « Tu sais je ne sais plus » : à la fin, dans la tension mélancoliq­ue, O se hisse au niveau de Julian Casablanca­s (chose inimaginab­le au pays d’Eddy de Pretto). Ajoutez des lignes de basse qui rendent zinzin, des paroles poétiques pas nunuches, un saxo qui débarque toujours au bon moment, un son en trois dimensions… N’en jetez plus ! O était sans doute dans une montgolfiè­re quand il composé tout ça. Avec A terre !, en tout cas, il vient de s’envoler très haut.

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