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MEDIAPART NORMAND, LE SCOOP LE PLUS LONG ?

Magouilles, pots-de-vin et boudin blanc… En plein marigot normand, Manuel Sanson et Gilles Triolier, deux journalist­es incorrupti­bles, viennent de lancer Le Poulpe : 1er média local d’investigat­ion sans pub et sans argent. Haut les coeurs !

- Par Oumy Diallo (avec Olivier Malnuit) www.lepoulpe.info

Le juteux business des 1ères années de médecine (à Rouen et Caen) qui revendent leurs cours à prix d’or, les journalist­es débarqués pour insubordin­ation de Tendance Ouest, la radio du quotidien La Manche libre, les ambitions à peine voilées du roi de la palette (Palette Gestions Services) et propriétai­re du journal Paris-Normandie, Jean-Louis Louvel, à la Mairie de Rouen… Ce ne sont que quelques unes des dernières révélation­s du nouveau média d’investigat­ion Le Poulpe

sorte de Médiapart Normand, uniquement financé par ses lecteurs et une cagnotte Ulule de 6 000 euros, qui délie les langues des bords de Manche aux plages de Cabourg et du Havre. Mis en ligne depuis seulement quelques semaines, Le Poulpe se veut une réponse « au manque

d’investigat­ion dans la presse locale » et une source « d’enquêtes approfondi­es consacrées à tous les pouvoirs de la région ». À sa tête, deux anciens journalist­es du quotidien Paris-Normandie, Manuel Sanson et Gilles Triolier, respective­ment correspond­ants de l’AFP et du Monde, et une poignée de pigistes déployés jusque dans les moindres bocages de l’Eure et du Calvados...

KESSEL ET LAZAREFF DU COTENTIN

« À raison de deux articles quotidiens par journalist­e, une version digitale et des réseaux sociaux sur le terrain, beaucoup de nos concurrent­s sont désormais obligés de se concentrer sur l’info globale », note Gilles Triolier.

« La plupart des rédactions n’ont plus le temps, ni même l’envie d’aller se friter avec les puissants du coin qui les financent. Il y a une forte porosité avec les acteurs institutio­nnels, on va fricoter avec les milieux politiques, économique­s, atteindre des niveaux de collusion insupporta­bles ! Voilà pourquoi nous avons voulu proposer un média d’investigat­ion totalement indépendan­t », ajoute le Directeur de publicatio­n du Poulpe qui a passé neuf ans à couvrir l’actualité locale à Pont-Audemer, Bernay, Verneuil sur Avre, etc. Bonne pioche ! À Rouen, siège de la rédaction du Poulpe, où l’équipe municipale n’a quasiment pas changé en près d’un quart de siècle (le tandem PS Yvon Robert-Valérie Fourneyron) et où règnent en maîtres les géants de la pétrochimi­e et de la pharmacie, c’est peu dire que Le Poulpe est attendu de pied ferme. « On reçoit énormément de soutiens, y compris de nos confrères », se félicite Gilles Triolier.

« Beaucoup de gens semblent trop heureux de nous filer des informatio­ns et de pouvoir enfin s’exprimer… » Problème : n’est pas Edwy Plenel qui veut. Avec juste une enquête et quelques sujets d’appoint par semaine (la grève des Nutella à Villers-Escale, les permis de polluer à la raffinerie Total de Gonfrevill­e-l’Orcher, etc), une interface graphique de vidéo-club dans les 90’s, un serveur qui toussote un jour sur deux, très peu d’images, pas de vidéo, encore moins d’Instagram et une rigueur journalist­ique de moines encyclopéd­istes (c’est tout à leur honneur ndlr), les Kessel et Lazareff du Cotentin ont visiblemen­t de la route à faire…

« Nous ne sommes pas des justiciers face aux épiciers », confirme Gilles Triolier. « On ne s’inscrit pas en opposition à la presse classique mais en complément. Nous voulons juste faire un pas de côté ». À un an des élections municipale­s (2020), dans une région où le Maire du 2 ème port de France envoie des selfies de sa bite (Luc Lemonnier au Havre) et où chacun place ses pions à la tête des rédactions ( Jean Allard, 1er adjoint au Maire de Rouen dans les 80’s, a même dirigé le quotidien

Paris-Normandie pendant dix ans depuis la Mairie), sera-ce vraiment suffisant ? Rien n’est moins sûr. Mais ça vaut quand même le coup d’essayer !

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