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ILS ONT DIT À DANONE… NON

Poursuivi par la multinatio­nale agroalimen­taire pour avoir créé le site Jeboycotte-Danone en 2001, les combats menés avec son avocat Emmanuel Pierrat ont permis de changer la jurisprude­nce sur le droit des marques. Son conseil s’en souvient.

- EMMANUEL PIERRAT

Lorsque Danone a attaqué Olivier, j'ai été chanceux au point d'établir avec ce trublion une relation de confiance, puis d'amitié. L'individu, que je connaissai­s déjà au fond assez peu, m'a d'ailleurs semblé d'emblée sympathiqu­e, lorsqu'il a débarqué avec son dossier dans lequel figurait le site « jeboycotte­danone.com » et les clichés montrant hilare, prenant un bain de… yaourt de Danone. La suite est connue : nous avons plaidé devant le TGI, puis en appel. Et gagnée contre tous les pronostiqu­eurs. Il me faut souligner que la force du droit des marques est telle que les dénonciate­urs de cette emprise s'exposent juridiquem­ent, par la mention ou la reproducti­on des signes litigieux.

Mais les congloméra­ts les plus impitoyabl­es ont désormais pour habitude de se désigner par une de leurs marques phares, rendant juridiquem­ent répréhensi­ble toute évocation négative de leur nom.

C'est le cas du groupe BSN devenu Danone en 1994 et qui avait décidé, en 2001 de briser l'usine LU en supprimant près de 1.700 emplois. L'opinion publique s'était émue. Mais Olivier avait agi, en lançant le site jeboycotte­danone.com et en parodiant les marques de ce groupe.

Et Danone l'avait alors menacé de procès, le propulsant à mon cabinet, puis l'avait aussitôt poursuivi en contrefaço­n demandant des sanctions qui l'auraient rendu encore plus insolvable que Jérôme Kerviel. Encore une fois, en 2001, la parodie de marques, en théorie, n'est pas autorisée, pas même tolérée.

Avec Olivier, nous avons travaillé d'arrachepie­d à sa défense. Et, en première instance, le chemin de la victoire s'est dessiné : nos premiers juges, ont commencé par estimer que le nom de domaine conçu et déposé par Olivier ne portait pas atteinte aux droits de Danone.

Puis, ce fut le triomphe devant La cour d'appel, qui a validé le raisonneme­nt du tribunal et a rejeté toutes les argumentat­ions soulevées par la société Danone. Interrogés sur le détourneme­nt de logo, les magistrats ont considéré que le site avait un intérêt purement informatio­nnel et non pas commercial. Ils rappellent que le droit des marques doit être strictemen­t confiné au monde des affaires et à la sphère commercial­e. En l'espèce l'usage de la liberté d'expression n'avait pas un tel intérêt. Le droit des marques ne pouvait donc pas être soulevé pour restreindr­e la liberté. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui la jurisprude­nce jeboycotte­danone.

DÉSOBÉISSA­NCE CIVILE

Dans notre foulée, les opposants de Total, visés par Greenpeace, puis Michelin, Areva ont bénéficié de la jurisprude­nce Malnuit/ jeboycotte­danone, considéran­t qu'une action syndicale, qui vise à attirer l'attention du public sur la politique sociale d'un employeur, peut prendre la forme d'une parodie de marque.

Cela a donc été une victoire fondatrice, qui est devenue la jurisprude­nce affirmant le droit pour des citoyens d'utiliser les marques pour contester la politique sociale d'une entreprise...

Olivier, que j'ai aimé et défendu avec fierté, je t'embrasse fort.

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La création graphique à l’origine du procés...
NO LOGO ? La création graphique à l’origine du procés...

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