L ’AS DES RENCONTRES
L’estimé journaliste gastronomique du Figaroscope (et collaborateur occasionnel de Grand Seigneur), rend hommage à un génie du déjeuner à rallonge…
Il aurait été laveur de carreaux, marin pêcheur, moine bouddhiste ou contrôleur du gaz qu'il n'aurait fait que cela mais, par je ne sais quelles circonstances, il était journaliste. Pardonnez le gros mot mais, oui, journaliste ! Ni sociologue, ni philosophe, pas plus expert que réseauxsociauteur, simplement, honnêtement journaliste ! Sans velléité littéraire, sans montée d'ego. Pas franchement paniqué par les fébrilités de la presse papier, pas affolée par les petites fièvres du monde digital, les caméras de passage et les micros qui traînent. Juste un ogre de journalisme, insatiable de curiosité, manière de Vulcain capable de façonner la légèreté des airs du temps en information de première bourre. D'un ticket de métro, il aurait fait un journal. À chaque repas qu'il avait le talent de prolonger, à chacune des tables qu'il choisissait, de préférence en nocturne, comme pour mieux les épuiser, le premier régal d'Olivier était de nourrir les conversations.
SOMMAIRE PERMANENT
Il avait une façon à nul autre de vous faire parler, de vous relancer, d'ouvrir grand ses yeux qui en avaient pourtant vu d'autres, de lâcher un « c'est intéressant, ça ! » et de vous rappeler un jour plus tard, une semaine plus loin pour vous relancer à creuser le sujet. On ne savait jamais très bien ce qu'il en adviendrait mais on creusait. En sortait souvent un feuillet, deux, dix, à Technikart, Grand Seigneur ou ailleurs. Olivier, c'était un sommaire permanent, un capitaine de presse qui lavait vos doutes sur le métier et vous remontait les bretelles de la passion. On lui trouvait le verbe fleuri, la formule habile, une virtuosité à angler et la langue pendue mais, à bien repasser les menus de nos dîners, je me souviens surtout d'un large coeur formidable à vous laisser la parole, d'une âme connivente à se faire croiser les personnalités. Àmon portable, en écoutant son dernier message, en relisant son dernier texto, avouer finalement qu'Olivier avait le génie de la rencontre pour mieux éviter de se raconter. Si l'écoute est la politesse et la pudeur du journalisme, Malnuit était un modèle du genre. Dommage qu'un certain point final de décembre dernier l'est emporté sur ceux de suspension… Il manque !