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CLINT EASTWOOD, CE HEROS

Après un attentat lors des J.O. de 1996, un agent de sécurité se retrouve pris au piège d’un tourbillon médiatique et judiciaire. Clint Eastwood à son meilleur.

- MARC GODIN

LE CAS RICHARD JEWELL

CLINT EASTWOOD (EN SALLE LE 19 FÉVRIER)

Quand ce dilettante de Tarantino parle de retraite à 60 ans, les papys du ciné se continuent d’aligner les grands films. Comme Terrence Malick (76 ans), Martin Scorsese (77 ans), Marco Bellocchio (80 ans) ou Costa-Gavras (87 ans), Clint Eastwood, 90 ans en mai, bande encore et balance son 38e long-métrage. De fait, Eastwood est un cas à part, un survivant. Il a enterré tous les acteurs qui avaient commencé comme lui dans les années 50-60 (Steve McQueen, Paul Newman…) et il est probableme­nt le seul metteur en scène qui a signé ses meilleurs films après 60 ans avec Impitoyabl­e, Sur la route de Madison, Mystic River, Million Dollar Baby, American Sniper ou La Mule…

Avec Le Cas Richard Jewell, Clint Eastwood récupère un projet passé entre les mains de Paul Greengrass et de David O. Russell, qui devait être interprété par Jonah Hill et Leo DiCaprio. Avec un budget de 45 millions de dollars, Eastwood cisèle une oeuvre ultra-personnell­e sur l’Americana, avec une nouvelle fois un outsider seul contre tous, persécuté par les médias et/ou la justice comme dans Sully, L’Echange ou Jugé coupable. Le film est inspiré d’une histoire vraie, celle d’un agent de sécurité qui se conduisit héroïqueme­nt lors d’un attentat terroriste pendant les J.O. d’Atlanta de 1996, avant de se voir accusé d’avoir lui-même posé la bombe qui a tué deux personnes et en a blessé plus de cent. Car Jewell est le coupable parfait, comme le dit une journalist­e, « Un gros lard qui vit avec sa mère » (« That fat fuck lives with his mother ») et se retrouve crucifié avant tout jugement par les « deux plus grosses puissances du monde », le gouverneme­nt américain et les médias.

SAM ROCKWELL EN SHORT

Depuis des années, Clint Eastwood s’interroge sur la notion complexe d’héroïsme (Sully, American Sniper). Ici, comme dans Le 15h17 pour Paris, il peint le portrait d’un homme ordinaire soumis à une pression extra-ordinaire, qui va être obligé de se transcende­r et de contre-attaquer. Avec le chef op’ canadien Yves Bélanger (Laurence anyways) et Joel Cox, son monteur depuis plus de quarante ans, Eastwood cisèle une oeuvre puissante, intemporel­le et si le film se déroule en 96, il parle bel et bien d’aujourd’hui, où l’on est lynché sur les réseaux avant le moindre jugement. Tel un maître de calligraph­ie, son geste est pur et épuré, et l’histoire semble se raconter toute seule. Pas d’esbroufe, pas de tics, pas de toc, Eastwood est le dernier des classiques, l’héritier de John Ford, et ses plans touchent au coeur. De plus, Eastwood a mitonné un de ses plus beaux castings, avec comédiens servis par d’incroyable­s partitions. Le comique Paul Walter Hauser (Moi, Tonya) trouve le rôle de sa vie. Il est d’autant plus extraordin­aire qu’il a en face de lui de redoutable­s voleurs de scènes : Kathy Bates, Jon Hamm et surtout Sam Rockwell, récompensé d’un Oscar pour 3 Billboards, avocat en short qui dynamite tous les plans où il apparait. Hautement recommandé.

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